Bulletin de santé scolaire

par C’est Nabum
vendredi 15 mars 2013

En direct de ma Segpa

Moins ça va, mieux ça va.

Je viens d'en terminer avec mes bulletins scolaires. Vaste comédie où désormais chaque mot ou chaque note ne peuvent être lus qu'au travers de tant de prismes qu'ils ont perdu toute signification réelle. Tout au long de cette belle activité, je marche sur des œufs. Ne pas dire ceci, ne pas parler franchement, ne pas écrire le fond de sa pensée.

Notre société est ainsi faite que la franchise n'est pas de mise. Le bulletin est un outil de communication si fade qu'il devient un objet sans saveur ni valeur. Il est surtout destiné aux instances d'orientation. L'enjeu est clair, il faut offrir une chance à nos élèves de bénéficier d'une orientation. Nous entrons alors en compétition avec des établissements analogues qui font,eux aussi, assaut de surévaluation.

J'élague les mauvaises notes, je gonfle les coefficients des travaux faciles, j'oublie les devoirs non rendus. Je dois avoir la moyenne comme unique perspective. Elle doit être bonne, elle doit laisser une chance. Il me faut agir comme mes petits camarades ou ne pas ouvrir les portes d'un avenir tout aussi incertain à mes chers élèves.

C'est la course à la statistique. Les établissements sont jugés sur le taux de placement en lycée professionnel, solution privilégiée par nos instances à l'apprentissage, souvent un gros mot dans la maison. Alors, le principe de réalité est passé à la moulinette d'une mansuétude de complaisance, d'une générosité de façade.

Il faut oublier les incidents, les élèves désagréables et méprisants. Eux aussi doivent être casés dans l'amnésie de leur niveau réel. Le bébé est refilé aux suivants qui s'arracheront les cheveux en constatant la différence colossale entre le niveau supposé et la triste réalité. C'est le résultat affligeant du refus de l'échec, du mensonge sur les compétences réelles. Ce serait une faute professionnelle si ce n'était pas implicitement encouragé.

Alors, tout le monde ou presque a la moyenne. C'est la loi d'un système qui se fiche du réel, qui se coupe de ses missions, qui se moque de l'avenir. La note doit être de bon ton et tout se vaut pour ne pas choquer les sensibilités. Comment voulez-vous que les élèves ne soient pas dupes de cette farce ?

Puis viennent, après un joli dosage, des modifications adroites, des coups de pouce opportuns au moment de l'appréciation. Il vous faut faire assaut d'imagination pour donner un commentaire en relation avec la note affichée tout en laissant supposer qu'elle n'est pas si faible que cela. Il faut encore ne jamais couper, trancher, dénoncer, déplorer des comportements qui pourtant sont presque quotidiens.

Non, le risque du traumatisme est grand, la colère des parents plus certaine encore. Le petit texte sera charmant ou bien si insipide qu'il finira par ne rien dire. D'ailleurs, puisque tout est formaté, le logiciel vous donne droit à un nombre réduit de caractères. La concision est la mère de toutes les fadaises.

Des formules vagues, des mots creux, des encouragements hypocrites. Voilà ce que sont devenus nos bulletins trimestriels. La langue est médiocre, la syntaxe bâclée, le contenu vide de sens. Plus la situation devient difficile dans nos classes, moins nos messages ne doivent fournir des indices ou des signaux d'alarme.

Donc, tout va bien. Votre enfant a quelques difficultés qui ne sont sans doute pas insurmontables. Son comportement, s'il n'est pas toujours aussi parfait que nous le souhaitons, permet cependant d'envisager un jour prochain de légers progrès. Ses notes quelque peu flatteuses, s'expliquent par sa remarquable participation à l'oral. Il lui faudra néanmoins, apprendre au plus vite à maîtriser le passage à l'écrit. Tous les espoirs lui sont permis et nous ne souhaitons nullement entraver ses espoirs d'orientation vers le métier de ses rêves !

Hypocritement leur.


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