Burka, islamophobie et féminisme
par Myriam
lundi 4 janvier 2010
Sur un fond d’identité nationale, le débat sur la burka fait sensation. On parle d’intégrité de la femme, de fondamentalisme, de valeurs de la république et même de féminisme. Beaucoup de paroles, qui, prononcées sans avoir tourner sept fois sa langue dans sa bouche, peuvent s’avérer à la limite de l’acceptable, voire même frôler les discours xénophobes de l’extrême-droite. Il va sans dire que nous avons affaire à une problématique complexe, délicate, qui demande à être contemplée avec toute l’objectivité et la rationalité qu’elle mérite, afin de prendre les mesures nécessaires pour résoudre le problème sans porter atteinte aux droits des personnes concernées.
La burka dérange, choque. On peut comprendre pourquoi : il s’agit d’une tenue inhabituelle, non conforme aux habitudes vestimentaires de notre société occidentale, mais surtout qui évoque des horreurs morales contraires aux fondements de notre république. La burka serait un symbole de l’oppression de la femme, du fondamentalisme religieux et porterait atteinte à la sécurité civile. Il convient de préciser que la burka est portée par une minorité infime de la communauté musulmane. De plus, le phénomène étant encore si réduit, les raisons de cette pratique sont encore mal connues. Il semble donc peu judicieux de formuler une loi sans connaitre en profondeur toutes les composantes du phénomène. Pourquoi ces femmes, en grande majorité citoyennes françaises, ont-elles pris la décision d’arborer cet habit si peu conventionnel ? Quel est l’impact de cette pratique dans notre société ?
Si certaines de ces femmes font l’objet de pressions morales, de menaces et qu’elles portent le voile intégral contre leur gré, elles sont alors des victimes et notre devoir est de les aider et de les protéger. Si elles font l’objet de violences morales et psychologiques, il est de notre devoir d’être à leur écoute, de les prendre en charge dans des structures de soutien, de faire en sorte qu’elles puissent s’émanciper et se réinsérer dans la société. Une loi les empêchant de circuler, les isolant, les stigmatisant ne contribuerait donc en aucune manière à ces fins. Au contraire, cette loi ne ferait qu’empirer leur situation en faisant d’elles des criminelles. Elles ne seraient plus prisonnières de ces prisons de tissu, mais alors de vraies prisons, avec quatre murs, leur foyer, ou bien elles seraient condamnées à sortir en toute clandestinité au risque de subir une interpellation publique, source de stress et d’humiliation.
Mais qu’en est-il alors des femmes qui revendiquent leur décision, qui revendiquent leur identité, leur culture, leurs croyances ? La moindre des choses serait d’être également à leur écoute et de comprendre les raisons de leur choix avant d’approuver une loi qui porterait atteinte à leurs libertés individuelles. On parle de féminisme mais le rôle d’un ou d’une féministe est tout d’abord de défendre les droits et la dignité des femmes. Il est donc important de s’assurer que ces femmes jouissent pleinement de leurs libertés de décision, d’expression et de confession, au même titre que tous les citoyens français, lors de la formulation de cette loi. Or tout au long de ce débat, la parole n’a été donnée à aucune des premières concernées. Par ailleurs, le rôle d’un ou d’une féministe est aussi de lutter pour faire avancer les mœurs, pour faire prendre conscience aux hommes comme aux femmes que la place de la femme dans la société est encore bien loin d’être à égalité avec celle de l’homme. Mais il s’agit là d’une lutte globale et il est souvent plus facile de voir les problèmes chez son voisin que chez soi.
En effet, ces femmes acceptent de porter la burka parce que leur culture le stipule, pour être acceptées socialement. Il en est de même pour les femmes occidentales lorsque celles-ci acceptent de subir la douleur de l’épilation, de se colorer les cheveux avec des produits chimiques, de porter de la lingerie, des talons hauts, des mini-jupes afin de plaire aux hommes et d’être acceptées socialement, et dans les cas extrêmes, d’infliger à leur corps des violences telles que la chirurgie esthétique ou d’être bafouée et humiliée dans des films et revues pornographiques. En acceptant et en perpétuant ces habitudes culturelles afin d’évoluer dans la société de façon « normale », les femmes acceptent d’être la représentation du fantasme sexuel de l’homme. Cependant, la violence de ces actes passe complètement inaperçue car ceux-ci sont ancrés dans les us et coutumes de notre société. La burka n’est qu’un symbole de plus témoignant de l’oppression sociale de la femme dans le monde, un symbole qui choque, car méconnu et appartenant à une culture différente. Il n’est bien sûr pas question d’interdire la cire à épiler, la chirurgie esthétique, ni même la pornographie, pour la bonne raison qu’il ne s’agit que de manifestations du problème et que leur interdiction ne servirait en rien à l’émancipation de la femme. Il en est de même pour la burka. Une fois de plus, il ne sert à rien de traiter les symptômes sans traiter le problème de fond. La maladie n’en sera que plus chronique, plus agressive et toujours plus difficile à traiter. La solution pour faire avancer les mœurs et lutter contre les inégalités est encore l’éducation. Or l’éducation et la marginalisation ne font certainement pas bon ménage.
Néanmoins, deux problèmes se posent ici : celui de la sécurité et celui du fondamentalisme religieux. Le port de la burka peut en effet poser des problèmes d’identification pour des raisons évidentes. Il est donc indispensable et nécessaire que les autorités compétentes exigent à une personne de se découvrir le visage si la sécurité civile est menacée. On peut penser à une situation comme un contrôle de sécurité dans un aéroport ou une démarche administrative qui nécessite identification. Or, dans ces conditions, il semble peu probable que ces femmes refusent de dévoiler leur visage. Mais dans un lieu public, où est la nécessité d’identifier les individus avec précision ? Il n’est pas interdit de porter des lunettes noires et un chapeau. Pourtant, de tels ornements rendent difficile, voire impossible l’identification de la personne qui les porte. De même, il n’est pas interdit de se déguiser, de se maquiller, de porter des perruques, des fausses barbes, etc.
En ce qui concerne le fondamentalisme, encore faut-il savoir ce dont on parle au juste. La liberté de confession étant un droit fondamental dans un état laïque comme le nôtre, l’important ici est de savoir si ces personnes ont des liens avec des organisations terroristes ou avec des groupes qui prônent la haine, l’intolérance, ou autre revendication contraire aux valeurs de la république. Si c’est le cas, il faut sans aucun doute agir, mais agir de façon ciblée contre ces organisations, contre le terrorisme. Or il est difficile de comprendre comment l’interdiction de la burka pourrait contribuer à la lutte contre de telles organisations. Au contraire, une telle loi serait l’affirmation officielle qu’il existe un lien entre la burka et le terrorisme, amalgame totalement inacceptable, dangereux et stigmatisant.
Interdire le port de la burka, c’est masquer le problème au lieu d’y faire face, au lieu d’en rechercher les causes et de tenter d’y remédier. Interdire le port de la burka ne permettra ni de revaloriser la place de la femme dans la société, ni de lutter contre la haine raciale, le communautarisme ou le terrorisme, ni de favoriser la cohésion sociale autour des valeurs communes de la république. Au contraire, cette loi hypocrite provoquerait l’isolation et la stigmatisation d’un groupe social, et par la même occasion, l’augmentation de l’islamophobie en officialisant l’association de cette pratique avec des idéologies contraires aux valeurs de la république.