C’est dans l’intérêt général... 1/5 Des travaux tant attendus
par Phil AUTEMPS
samedi 6 août 2011
Oyez oyez bonnes gens les heurs et malheurs d'un vilain qui osa critiquer les bienfaits seigneuriaux.
Avertissement : Dans ce récit ne seront pas indiqués de noms de lieux ou de personnes. Le but n'est pas d'attaquer des personnes dont le travail et les compétences sont reconnus mais de montrer l'état d'esprit, ou plutôt de matérialisme, auquel nous sommes soumis, pour "notre bien". Le ton parfois pamphlétaire ne vise qu'à exprimer un ressenti. Je souhaite qu'il en soit de même dans les commentaires.
1. Des travaux tant attendus
Depuis plusieurs années, plusieurs décennies, vous attendez que le problème de sécurité de votre rue soit pris en considération, ne comptant plus les accidents ni même les morts.
Enfin, un questionnaire vous demandant de classer par ordre d'importance la sécurité devant l'école, aux entrées du village et dans votre rue, vous laisse tellement perplexe que vous n'y répondez pas.
Vous êtes invité à une réunion de concertation où on vous assurera que rien n'est décidé. Mais vous savez que les réfections de traverses font l'objet d'une programmation pluriannuelle voire décennale qui ne peut guère être modifiée que par l'entregent d'un élu.
Suit une réunion d'information, tenant compte de vos souhaits.
Un beau jour, vous apprenez par le journal local que les travaux vont commencer. Un arrêté interdit le stationnement pour une durée illimitée.
Un responsable devait passer pour les implantations des armoires électriques. Vous auriez aimé parler de celle du voisin qui sera en limite de votre terrain mais personne ne se présente. Bah ! vos réseaux téléphonique et électrique sont déjà enterrés...
Vous ne vous sentez pas trop concerné par ces travaux : la pose d'un haricot ne semble pas si conséquente. Vous n'allez pas consulter le dossier en mairie et observez donc tranquillement le remue-ménage du reste de la rue.
C'est alors que la route est rabotée devant chez vous, une fois, deux fois. Et vous constatez qu'elle est décaissée de 50 cm. Vous ne pouvez plus sortir votre véhicule. Et c'est le weekend... Ceux qui fréquentent les moulins à paroles ou le saint des saints avaient garé leurs véhicules plus loin.
Vous vous risquez à circuler sur le trottoir, c'est impressionnant et ça vous rajeunit.
Lundi, les accès vont être aménagés, escomptez-vous. Eh bien non, c'est l'autre côté de la chaussée qui est décaissé et les engins bloquent le trottoir.
Mardi, les aménagements des accès commencent. Il vous faut attendre le soir pour, avec prudence, aller au ravitaillement. Vous ne pouvez alors pas deviner que votre liberté de circulation ne durera que quelques jours et que vous allez être privé de cet accès pendant un mois.
Pensez à remercier le Conseil général de pimenter votre vie. Si vous osiez, mais il est toujours déconseillé de faire une suggestion à ceux qui savent mieux que vous (le médecin, le prof, le notaire, ...), vous diriez qu'un microsite avec le calendrier prévisionnel des travaux et quelques indications pratiques éviterait bien des déboires. Un descriptif de la réfection d'une chaussée, qu'on ne trouve pas dans un langage accessible au commun des mortels sur internet, pourrait y être joint, mais pas de vidéo, merci, votre mini-ADSL les supporte mal. Pas trop de photos non plus, une partie du village est en bas débit. Ce site serait également très utile aux automobilistes et routiers et pourrait facilement être adapté aux autres communes concernées par de tels travaux.
Maintenant, ils vont recharger la route et la bitumer, espérez-vous.
Mais un nouveau décaissement augmente l'abîme... Qui aurait imaginé que c'était encore possible ?
Alors vous comprenez que les élus, plus influents, des communes voisines ont définitivement gagné le droit à la tranquillité : un aménagement limité de voirie aurait pu détourner une petite (mais significative) partie du trafic vers leurs contrées sans guère les importuner. Vous allez bénéficier d'une route qui supportera un nombre accru de poids lourds, vous savez ceux qui bloquent les dépôts d'essence, ceux qui continuent à rouler sur des routes enneigées, vous obligeant à passer une nuit glaciale dans votre voiture, ceux qui vous serrent car ils vous trouvent trop lents c'est-à-dire quand vous respectez les limitations temporaires de vitesse... Telles sont les réactions à chaud qui vous assaillent (mais qui seront approfondies dans les prochains chapitres).
D'une manière générale, en France, on ne peut que rester ébahi devant cette orgie de ronds-points (30000 soit la moitié des carrefours giratoires dans le monde) et de développement routier et autoroutier : le Sétra indique que le réseau national (autoroutes et routes nationales) mesurait 20316 km fin 2010 mais il faut aussi tenir compte des réseaux départementaux et communaux, plus d'un million de kilomètres fin 2009.
Mais revenons à vos nuages de poussière : la suite du spectacle sera le passage d'un compacteur qui va tester la résistance de votre habitation d'une façon très impressionnante. Les raclements de bordures vous feront parfois sortir du lit à 5 heures... Et comme votre plume se délie à l'aurore...
Préparez-vous à de nombreuses nuits difficiles. Les camions de travaux publics, à l'aise sur ce quasi-chemin, joueront du tam-tam avec leurs bennes. Les bruits de roulement et les vibrations seront nettement amplifiés. L'apothéose sera les nuits blanches du bitumage pendant lesquelles la circulation sera interrompue, ce qui permettra aux ouvriers de travailler en sécurité. Malgré toutes les mesures de protection, la débilité des conducteurs à la recherche des minutes perdues laisse penser qu'un toréro doit se sentir plus en sécurité au centre de l'arène.
Votre méditation nocturne bercée par les grondements et bips des engins vous entrainera dans un monde où celui qui proposerait d'interrompre la circulation la journée pour effectuer les travaux, de fermer les magasins les dimanches et jours fériés, de ne pas gâcher les compétences par des mini-emplois jetables, de respecter prioritairement les droits fondamentaux, ne se verrait pas catalogué comme un indécrottable anarchiste.
Deuxième chapitre : Les fouilles (09/08/11)