C’est l’histoire d’un toubib... Il meurt...

par Immyr
mardi 1er juin 2010

Faits divers…

Ce matin, j’étais un peu malade et fatigué. Je sors ma voiture, je vais à mon cabinet. J’y rencontre mon prédécesseur, ami de la famille. Il me met au courant d’un fait divers arrivé à quelques kilomètres de chez moi.

On a découvert un confrère décédé. Pendu dans sa maison. Sa femme et ses 4 enfants morts avec lui. Thèse de suicide. Drame familial. 6 morts. Il me tend l’Ouest France. L’histoire s’y trouve. Des détails sanglants, horribles, douloureux. Fait divers. Sauf que le divers, ne se trouve pas à mille kilomètres de chez moi. Il se trouve ici, à ma porte. Et il se trouve que mon jeune confrère, m’a remplacé une fois, lors de mon installation, une dizaine d’années avant. Un jeune homme, de 10 ans mon cadet, consciencieux, gentil, affable, un mec bien. Un fait divers auquel je suis personnellement attaché pour suivre certains membres de la famille proche que je vais voir le soir même.

J’en discute avec mon épouse, qui travaille avec moi, médecin généraliste comme moi.

Avant même de lire les résultats d’enquête qui ne tarderont de sortir dans les jours qui viennent, un mot nous vient à l’esprit. Burnout Syndrome. La définition française est celle de l’épuisement professionnel au travail. J’ai toujours préféré le mot anglais : Burnout. Se consumer de l’intérieur par le stress. Se laisser brûler par son travail. Au Japon, on appelle çà Karoshi : mort par la fatigue au travail.

Un article du JIM (journal international de la médecine) de Septembre 2009 note que :

Le Burnout se définit par diverses phases, allant d’un besoin de se prouver, travailler de plus en plus (pas pour gagner plus), faire fi de ses propres besoins, apparition d’une fatigue physique, mentale, vidant l’individu au sens propre du terme, en faisant un trou noir d’émotions (ou un trou d’émotions noires au choix), dépression, dépersonnalisation… Drame… Fait divers à la page une de l’Ouest France…

Je me souviens d’un cours d’un de mes vieux professeurs de psychiatrie, à la faculté d’Angers. Il disait toujours que la différence entre le névrose et la psychose, c’est que la psychose c’est la maladie de l’amour. Car pour le psychotique, comme pour l’amoureux, il n’existe qu’une seule réalité, que tous les autres choix lui sont interdits. Se laisser entraîner dans son travail de médecin, trop consciencieusement, dire oui à toutes les sollicitations, oubli de soi, fermeture des portes, se trouver seul et être avalé par les besoins des autres, jusqu’à ce qu’il ne subsiste plus rien. Comment s’en sortir ? Dire non. Perdre sa réputation de conscience et de gentillesse et oser affronter le regard des autres que vous n’avez pas pu aider ? Dire non. Et faire fi de toutes les dettes accumulées et du moyen de subsistance de votre famille ? Dire non et recommencer… Mon confrère était sûrement meilleur médecin que moi. Plus humain. Plus impliqué. Plus engagé dans sa vocation. Vivant pour son travail. Et à un moment donné son travail et sa vie se sont confondus en une même entité… à laquelle il a voulu mettre fin...

 Ce n’est que pendant les tous derniers cours lors du résidanat en médecine générale, que nos confrères généralistes enseignants nous parlent de la gestion de la souffrance des soignants. L’important, c’est de savoir partager sa souffrance avec ses confrères, dans le sens, que nombre d’entre nous ressentent les mêmes stress. Savoir que nombre d’entre nous souffrent des mêmes maux, comment on les ressent, comment on les gère, quelle est l’expérience des autres dans cette gestion… Un confrère présent sur ce même forum (Brieli67 pour ne pas le nommer), me rappelait il y a encore quelques jours, l’importance dans sa formation des groupes Balint.

 Je ne sais ce que donnera l’enquête de la police.

 Coup de folie. Bouffée délirante aiguë. Dépression. Burnout… (lui a commencé à voir une dizaine de patients, puis 20, 30, 40, 60, 40… 0…)

 Ou alors peut-être que nous nous trompons tous. Que l’enquête montrera tout autre chose. Un rôdeur… un voleur… un tueur en série… peu importe.

 De savoir dans son cœur que le burnout pourrait être la cause effective d’un tel drame suffit amplement pour donner corps à une réalité présente de notre société.

Post Scriptum : le burnout touche toutes les catégories de la population. Il a initialement été décrit dans le cadre de la souffrance des catégories professionnelles à forte charge émotionnelle et relationnelle mais les recherches en psychologie et psychosociologie ont permis d’étendre cette notion à toutes les catégories professionnelles ces dernières années.


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