Ça se soigne ?

par AJ
samedi 21 février 2009


Le fils d’une de mes amies a été hospitalisé à cause d’une appendicite, il a du attendre 12 heures avant d’être opéré alors qu’il se tordait le ventre ; lorsque le médecin est enfin arrivé pour l’opération il faisait peur à voir, je ne pensais pas qu’il serait en état d’opérer son fils. L’hôpital va mal. Pour cette infirmière, qui nous livre ce témoignage frappant, le constat relève du pessimisme : l’hôpital public français a perdu de sa superbe. La récente inflation des décès par manque de soins au sein du milieu hospitalier a relancé le débat sur l’état de l’hôpital français, en manque de moyens pour l’opposition, en manque d’organisation pour la majorité.

Cela fait 10 ans que nous alertons les pouvoirs publics sur le manque de personnels et notamment de médecins, la nuit. Aujourd’hui, la sécurité des patients n’est pas assurée dans bon nombre d’établissements affirmait récemment une syndicaliste CFDT au quotidien Ouest-France. Le président de la république Nicolas Sarkozy, récuse quand à lui tout manque de moyen et estime que l’hôpital doit être mieux organisé, rappelant qu’entre 1998 et 2008, la France, au travers des dépenses de l’assurance maladie au profit des hôpitaux, a augmenté le budget [de l’hôpital] de 50%. C’est 23 milliards d’euros de plus pour l’hôpital au cours des dix derniers années.


Ces 23 milliards d’euros évoqués par le président de la république font cependant partis du domaine de l’hypothétique. Sur la période 1994-2006, l’hôpital public français a en effet perdu 16% de lits, puisque contre 523 242 places en 1994 selon la direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques, seuls 439 765 seraient encore en place. Cette détérioration se manifeste particulièrement dans des secteurs tels que la psychiatrie, où un tiers des places disponibles en 1994 ont été supprimés.

La réforme de l’hôpital, débattue en ce moment même par le Parlement sous le nom d’"Hôpital, patients, santé, territoires", est largement inspirée du rapport établi par le président du Sénat Gérard Larcher qui proposait un regroupement des établissements hospitaliers, interprété par certains comme la suppression à venir des hôpitaux à faible activité. La réforme permettra ainsi aux hôpitaux de développer une coopération entre établissements du même secteur, ce qui permettra selon la ministre de la santé Roselyne Bachelot de surmonter quelques blocages exceptionnels.

Exceptionnels les blocages ? A en croire infirmières et médecins, non. Les hôpitaux sont surchargés d’autant plus que le manque de personnel est criant. Plus de 5000 postes seraient vacants dans l’hôpital public, contraignant ainsi le personnel hospitalier à effectuer des heures supplémentaires qui restent bien souvent impayées. Le nombre d’infirmiers par lit en milieu hospitalier est ainsi un des plus bas d’Europe occidentale, avec 0,56 infirmiers par lit en France contre 0,75 en Allemagne, 1,36 en Italie, 1,68 en Espagne et plus d’1,8 au Royaume-Uni. L’atout de l’hôpital français reste cependant le nombre d’établissements qu’il compte (plus de 4,8 pour 100 000 habitants alors que la moyenne des cinq pays les plus nombreux de l’UE ne dépasse guère les 2,9 établissements pour 100 000 habitants), atout qui se retrouve aujourd’hui menacé par la réforme de l’hôpital.

Le manque de personnel constitue donc un des handicaps des plus préjudiciables pour l’hôpital, notamment victime d’une pénurie de médecins. Pénurie paradoxale puisque c’est l’étât lui même qui l’a initiée via le numerus clausus, principe limitant le nombre d’étudiants admis dans les écoles de médecines. L’étât avait commencé à employer ce procédé dès 1972 pour réduire le déficit de l’assurance maladie, un choix qui s’avère aujourd’hui très préjudiciable pour l’hôpital public. Face à la pénurie de médecins, le gouvernement Raffarin avait d’ailleurs décidé en 2003 de relever le nombre d’étudiants acceptés en médecine, un choix qui ne prendra effet que dans 10 ans. A l’heure actuelle, 11 000 étudiants en médecine sont reboutés chaque année dans leur ambition d’exercer des professions dont les sous-effectifs mettent pourtant en péril notre hôpital...

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