Ça veut dire quoi « je suis Charlie » au fait ?

par Esteban Manchego
mardi 13 janvier 2015

Quand des proches disparaissent, on a juste envie de se recueillir et de pleurer ses morts à sa façon sans suivre forcément un slogan. J'éprouve la même chose vis-à-vis des illustres disparus dont je me sentais proche sans les connaître : Cabu, Wolinski, Bernard Maris... Je n'ai pas envie de changer ma photo de profil Facebook ou d'arborer des slogans qui n'ont pas de sens pour moi, j'ai juste envie de me recueillir. Le temps de la réflexion viendra ensuite.

Un mélange de tristesse face à la perte de Cabu et des autres, de colère contre ces meurtriers qui ont s'en sont pris à des citoyens sans armes et de méfiance perplexe face au phénomène médiatique « Je suis Charlie ». Voilà ce que j'éprouve, après la mort, le 7 janvier dernier, de ces personnes qui m'étaient familières.

Une première réaction d'effarement mercredi dernier, apprendre au fur et à mesure les noms des victimes si familières : Cabu, Wolinski, Tignous, Bernard Maris... J'ai toujours du mal à réaliser : peut-être à la lecture du prochain Canard enchaîné quand aura disparu la chronique des nouveaux Beaufs et que je ne retrouverai plus d'illustration de Cabu nulle part. Peut-être aussi un vendredi matin, lorsqu'écoutant France inter ce sera un autre économiste qui donnera la contradiction à Dominique Seux. En somme, des expériences personnelles d'une absence soudaine comme quand disparaît un être cher...

J'aurais aimé pouvoir me recueillir mais bien vite est arrivé le phénomène "Je suis Charlie" à travers les réseaux sociaux. Je trouvais pas ça terrible comme slogan : un peu trop affecté et réducteur, voire même limite ridicule, un slogan facile pour se donner bonne conscience et se dire qu'on est à la pointe du combat pour la liberté d'expression… Je n'avais pas forcément envie de me positionner par rapport à ce slogan mais il s'est répandu si vite, qu'il a bientôt fallu se justifier de ne pas l'arborer, comme pour tous les phénomène de mimétisme médiatique. Comme si avoir envie de se recueillir dans son coin, sans tambour ni trompettes, sans arborer un slogan qui ne résonnait pas en nous, devenait le signe d'un refus et la manifestation d'un comportement suspect.

"Pourquoi REFUSEZ-vous d'arborer ce slogan ? Vous n'êtes pas solidaires avec Charlie ? Vous pensez qu'ils méritent ce qui leur est arrivé ?" entonnent en coeur les gardiens de la bien-pensance médiatique (je pense notamment à la pauvre Audrey Pulvar obligée de se justifier dans C à vous le soir même des fusillades). 

C'est le problème avec cet emballement médiatique : il faut absolument avoir un avis simple (pour ou contre) et abandonner tout esprit critique. Suivre la majorité, mettre "Je suis Charlie" sur son profil Facebook et montrer que l'on défend la liberté d'expression même si l'on ne sait pas exactement ce que cela recouvre. Sans savoir exactement pourquoi, je sens qu'il y a quelque chose de facile et de réducteur dans ce slogan et que je ne m’y retrouve pas. Pour l'instant, je n'ai pas envie de communier dans la rue. Pour l'instant, j'ai juste envie de me recueillir et de penser aux disparus. Le temps de la réflexion viendra après.


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