Capitalisme et patrimoine ne font pas bon ménage

par Passion Médiévale
vendredi 29 avril 2011

A. Brecht disait : " Celui qui combat peut perdre, celui qui ne combat pas a déjà perdu." Cette phrase résume tout à fait la situation de Viviane Bosse Perus qui a fourni un travail de titan en matière de restauration mais aussi de recherches généalogiques pour faire reconnaître aux yeux de tous, depuis huit ans, l'intérêt du Manoir de la Hélardière et son bourg historique. Malheureusement, capitalisme et patrimoine sont antagonistes à Donges comme partout en France en ce moment... 

Un bel ouvrage du XVème siècle restauré... 

Le Manoir de la Hélardière trône depuis 1426 dans la petite ville bretonne de Donges en Loire-Atlantique. Plus très loin de ses 600 ans d'histoire et restauré dans les règles de l'art par des artisans financés par sa propriétaire. Et pourtant, il se pourrait qu'il ne connaisse jamais son six-centième anniversaire. 

Viviane Bosse Perus, la propriétaire, a acquis son bien en 2002 après un coup de foudre pour cette magnifique bâtisse typique du XVème, et décide de lui offrir une restauration digne de la richesse qu'elle peut apporter au patrimoine local de Donges. Se faisant, elle espérait également faire reconnaître son bien par les Monuments historiques pour la protéger. C'était sans compter une voisine proche et progressivement de plus en plus envahissante : la raffinerie de Donges.

Bras de fer entre capitalisme et patrimoine. 

Ces travaux ce sont effectués sans aucune subvention ou aide puisque selon le Conseil général, le bien est déjà voué à la destruction alors que rien n'est décidé en ce sens dans l'immédiat. 

Cette raffinerie appartient au groupe TOTAL. Ce dernier annonce pour 2010 un chiffre d'affaire de 159 268 992 millions d'euros. (souce : Zonebourse). Cela explique sans doute que les enjeux financier et économique prennent progressivement le pas sur les considérations historique et légale... 

En 1955, un engagement notarié protégeaient le domaine de toutes constructions pouvant occasionner une gêne. Pourtant, en 1968, le propriétaire voit s'élever des bacs de stockage (non explosif et inflammable, puisque pourvus de toits flottants) en vis à vis... en violation du droit de propriété. Depuis 1970, de telles pratiques sont considérées comme vice de procédure au nom de la réticence dolosive. 

Progressivement, c'est tout le bourg historique qui est amené à disparaître alors que la raffinerie reçoit l'autorisation de construire de son nouveau siège près des torchères. Selon les cas, expropriation, mise en délaissement ou le renforcement du bâti existant est proposé... Mais à chaque fois, les travaux exigés sont d'une ampleur et d'un coût tels que les propriétaires sont obligés de partir. 

Viviane écrit sur son site web  :" Les autorisations d'exploitation ont bien été délivrées mais sur quelles bases l'arrêté préfectoral des années soixante a-t-il été rédigé ? Des mesures de protection du domaine avaient été vainement engagées à l'époque par Mr STANY-GAUTHIER (conservateur et écrivain). En 2006, l'importance du manoir a été reconnue à l'unanimité pour un classement au registre des monuments historiques. Cependant Mr le Préfét fait preuve de plus de célérité pour signer les arrêtés d'autorisations d'exploitation de la raffinerie que ceux concernant le patrimoine. Cet arrêté n'est toujours pas signé et, reste en suspens sur son bureau."

Il est simple pour résumer la situation de dire que l'intérêt de TOTAL prime sur l'intérêt du patrimoine et des citoyens dans la mesure une déviation de la voie ferrée serait envisagée pour 2011, permettant ainsi la construction de nouvelles zones de stockage pour entreposer la production de Donges. 

Le blog Patrimoine français décrit très bien dans son article toutes les difficultés rencontrées aussi je n'irais pas plus loin et je vous invite à lire cet article complémentaire.

Possibles pressions ? 

On peut s'interroger, sans prise de parti, sur les raisons qui poussent le Préfet à laisser courir ce dossier depuis 5 ans alors que deux arrêtés dont un depuis novembre sont entre ses mains. Effectivement, TOTAL se verrait dans l'obligation de prendre en compte de nouvelles règles, drastiques, si le manoir entrait aux Monuments historiques qui iraient à l'encontre probable des voeux d'agrandissement l'entreprise. Le manque à gagner s'ils devaient ôter leurs cuves ou les déplacer nuirait aux bénéfices. 

C'est étonnant de voir de seul ce quartier historique du bourg est sous la coupe d'une possible mise en délaissement. Les racines des Dongeois n'ont-elles donc que si peu d'importance ? Ces derniers ont du déménager déjà à plusieurs reprises et cette fois-ci encore une centaine de bâtiments seront concernés... familles, P.M.E., tout le monde devra faire sa valise.  

Si je peux comprendre que la priorité soit l'emploi pour les élus, qui peuvent se sentir mal à l'aise face au poids et l'influence de TOTAL, j'ai du mal à croire qu'avec autant de chiffre d'affaire une tel corporation ne puisse pas trouver un compromis de manière à ce que patrimoine et capitalisme puisse cohabiter ensemble. Rappelons au passage, l'existence d'une fondation Total chargée de promouvoir la solidarité, la culture et l'environnement. Une jolie façade donc quand à la porte de sa raffinerie on est prêt à sacrifier le patrimoine local sans aucune autre recherche de solutions et au détriment de la loi. 

Quelles solutions ? 

A ce jour, la propriétaire se mobilise en contactant un certain nombre de sommités politiques et connues pour solliciter leur intervention. Mais sans réaction de la part de citoyens, cela n'aura que peu d'impact. Une pétition locale a été lancée mais il faut aller plus loin en montrant l'importance que revêt ce combat symbolique pour le plus grand nombre.

Si comme moi vous êtes interpellés par ce cas précis, mais qui demain pourrait être celui de n'importe quel coin de France proche d'une raffinerie ou de votre maison, vous pouvez vous renseigner dans un premier temps ici en lisant les différents documents et témoignages que la propriétaire du manoir met à votre disposition sur son cas mais sur aussi sur ses recherches concernant le pétrole.

J'ajoute également le site de l'association Dongeoise des zones à risque et du P.P.R.T. qui vous donnera les informations nécessaires pour mieux comprendre les impactes des Plans de Protection des Risques Technologiques sur les riverains en général. 

Un groupe Facebook s'est créé autour du manoir, il vous permettra de suivre l'actualité des actions menées concernant celui-ci. 

Vous pouvez aussi regarder et diffuser cet entretien et ce reportage autour de vous avec la pétition pour mieux saisir et faire comprendre autour de vous les enjeux que j'ai essayé d'illustrer dans cet article. 

Enfin, je vous invite à signer et faire signer autour de vous cette pétition si vous le souhaitez une fois que vous aurez tous les éléments en main, pour faire entendre au Préfet votre intérêt pour le patrimoine médiéval de France et permettre au manoir de finir ses vieux jours tranquillement, d'accueillir du public, et de continuer à nous faire rêver. Merci à tous pour votre lecture attentive.


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