Caricatures, mariage gay et religions : la mauvaise soupe

par Yocolivier
mercredi 10 octobre 2012

Le mois dernier, Charlie Hebdo récidivait. Pour la seconde fois, le journal satirique publiait des caricatures du prophète Mahomet dans son numéro du 19 septembre 2012. Ces dessins ont provoqué de très vives critiques notamment parce qu'elles sont apparues une semaine après la diffusion de The Innocence of Muslims. Cette vidéo islamophobe qu'on n'oserait même pas qualifier de navet, et qui a causé violences et tensions dans le monde. Liberté d'expression ou provocation irresponsable ?

Les leaders des différents cultes en France sont ainsi montés au créneau pour dénoncer une incitation à la haine et crier au blasphème. Sachons tout de même que le délit de blasphème n'existe plus en France depuis 1881. Et même s'il existait, qui jugerait du caractère blasphématoire d'un dessin dans un Etat laïque ? A défaut de son existence, certaines instances religieuses telles que l'Organisation de la Conférence Islamique (OCI) se donnent pour objectif de faire condamner au sein de l'ONU l'utilisation de la liberté d'expression quand elle a des fins blasphématoires. Cette organisation a tout de même réussi à faire voter en mars 2007 une résolution intitulée "lutte contre la diffamation des religions". Mais pour la cour Européenne des Droits de l'Homme (avec un grand H, même si les religions aiment les petits h sans F), la liberté d'expression vaut pour "les idées accueillies avec ferveur, ou considérées comme inoffensives ou indifférentes, mais aussi pour celles qui heurtent, choquent ou inquiètent".
Dans un communiqué commun, Mohammed Moussaoui (président du conseil français du culte musulman) et Monseigneur Michel Dubost ont appelé dans le journal LaCroix au "respect de l'égale dignité". Et Mgr Dubost de demander : "France, que fais-tu du respect de l'autre ? Que fais-tu de la fraternité ?"

Respect, liberté, dignité, plein de jolis concepts.

Respect.
Le 14 septembre dernier, le cardinal Barbarin a mis en garde contre le mariage homosexuel qui serait "une rupture de société" et qui "aurait des conséquences innombrables", une porte ouverte vers la polygamie et l'inceste [la pédophilie absente, puisque marque déposée]. Voire, si l'on en croit un parlementaire australien, à la zoophilie (à lire ici)

Dignité.
Après un petit tour sur le site de Civitas, un mouvement d'intégristes catholiques, on retrouve le lien établi avec la polygamie. On retrouve surtout un série de termes loufoques. Ici, on nie l'existence de couples et on parle de "duos homosexuels". On évoque aussi un "lobby homosexuel". En affirmant que le mariage gay "nie la réalité anthropologique", on en vient à se demander si les premiers hommes savaient déjà faire la différence un derrière masculin ou féminin. Même Jean Jacques Annaud dans la Guerre du Feu ne se pose pas la question. Et enfin, cerise sur l'hostie, le mariage gay est la "négation du réel" pour l'enfant. Le réel des pères et mères alcooliques et violents.

Liberté.
Libre d'être digne et respecté probablement. Libre d'être caricaturé aussi. Le mariage gay est à l'image de la religion. Les deux relèvent de l'ordre du privé. Et comme dirait Frédéric Georges-Tudo du Nouvel Obs "le mariage gay n'implique personne d'autre que le couple lui même" (à lire ici).

Caricature et mariage gay sont deux débats différents et pourtant pas si éloignés quand la religion se mêle de questions de société. Les caricatures de Charlie Hebdo, à défaut d'être drôles, sont surtout commercialement réussies. Mais un journal est avant tout fait pour être vendu [pour alors pouvoir être lu]. À l'inverse des propos de Véronique Genest, néo-professeure de géopolitique, qui eux donnent du crédit aux extrémistes religieux, Hubert Lesaffre, docteur en droit public, écrit justement dans Libération : "Nos nations ne sont pas mises en danger par les réactions des extrémistes en tant que telles. Mais elles le deviendraient si nous même venions à douter de nos propres principes fondateurs, parmi lesquels figure la liberté d'expression, fut-elle du plus mauvais goût."
Qui incite au non-respect déjà ?


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