Ces hommes qui « changent » pendant leur vie de couple

par Emma31
mardi 23 mars 2010

N’étant ni chercheuse, ni psychiatre, ni sociologue, et ne possédant aucune crédibilité dans aucun domaine de compétence ayant trait à la médecine, je ne peux donner mon humble point de vue qu’en tant que simple observatrice, et curieuse du genre humain et des relations entre les individus.

Je me pose souvent cette question : « Comment se fait-il que les hommes changent dans le temps ? » (Entendons par « homme » une « personne de sexe masculin »). C’est étonnant car dans tout ce que j’observe et entends autour de moi au sujet de la vie de couple, je n’ai pas encore relevé de témoignage pointant du doigt ces changements « radicaux » de personnalité de la part des femmes.

Comme si une femme restait elle-même, avec ses qualités et ses défauts, depuis le début de sa relation de couple, jusqu’à « la fin ». « La fin » étant la rupture de sa vie de couple, ou simplement la fin d’une période donnée (la fin de mon observation).

Evidemment la première chose qu’il est facile de constater, c’est que lors d’une histoire naissante, chacun des deux êtres (qu’ils soient hétéros ou homosexuels d’ailleurs, ça sera dit une fois pour toutes), se montrent toujours sous leur meilleur angle. Il ne peut y avoir de rapport de séduction si les premiers échanges ne sont pas un peu « faussés », truqués. Les individus se montrent sous leur meilleurs aspect, font attention à ce qu’ils portent, ce qu’ils disent ou font. Jusque là tout est « normal ». Ce qui l’est moins, et je suis certaine que c’est un phénomène largement constaté, c’est quand ses effets mis en place durant la phase de séduction se transforment littéralement une fois le couple formé, puis installé dans sa routine. Je ne parle pas de mariage, car certains disent que « les gens changent après le mariage ». Je parle simplement du temps qui passe, de « l’usure » comme on entend souvent. Pourquoi offre-t-on très facilement (et avec grand plaisir) des fleurs à sa dulcinée durant les premiers mois d’une histoire et plus jamais par la suite (ou bien à date fixe pour ceux qui ont bonne mémoire) ? Pourquoi prend-on du plaisir à réserver des soirées au restaurant de façon impromptues au début d’une relation, et pourquoi réaliser la même action quelques mois ou années plus tard devient-il une vraie corvée ? (« Je suis fatigué, je n’ai pas le temps, je vais rentrer tard du boulot… »)


Je connais des gens qui sont égaux à eux-mêmes, pourtant en couple depuis des années, des décennies. Donc je sais que ces perles rares existent. Ces gens-là vivent des relations paisibles, pas dans le sens « plan-plan » ou ennuyeuses, dans le sens « douces », « non anxiogènes ». Car les personnes qui se sont choisies au début, selon certains critères, physiques, moraux, sociaux, éducatifs, dont le caractère et le comportement n’évoluent pas radicalement au fil du temps, ne peuvent se reprocher l’un l’autre d’avoir « changé ». Chacun reconnaît l’autre tel qu’il l’a connu au début d’une histoire, ce qui parait on ne peut plus normal à vrai dire…


Mais si c’était aussi simple…

Il y a des gens comme ça qui semblent se transformer au fil du temps. Qui supportent moins le stress lié au travail, ou qui vivent mal certaines étapes de la vie de couple : installation à deux, achat d’un bien immobilier, naissance des enfants, travail du conjoint… ou que sais-je. Des gens qui à un instant T sont comme ils sont (peu importe leur tempérament), et qui des mois ou des années plus tard ne sont strictement plus les mêmes individus (le tempérament de départ a fait place à un « nouveau »).

Les questions qui se posent alors arrivent en nombre incalculable ! C’est à se demander si ce phénomène relève de la pathologie, ou encore si c’est celui qui observe ces changements radicaux qui semble avoir un souci. Est-ce que c’est lié à l’âge ? A la condition physique ? A l’éducation ? A la vie de couple ? Au stress de la vie quotidienne ?

Il ne faut pas se leurrer, souvent ces changements s’effectuent dans le mauvais sens. Rares sont les gens aigris ou violents qui au fil du temps se transforment en véritables nounours. Force est de constater que c’est généralement l’inverse qui se produit : ce sont des gens doux et attentionnés qui deviennent durs et égoïstes. 


J’ai longuement discuté avec une jeune femme que je nommerais ici Emilie, qui est en couple avec Vincent depuis 4 ans. Emilie me disait récemment qu’elle se demandait s’il ne fallait pas qu’elle quitte son conjoint, car ce n’était plus l’homme qu’elle avait rencontré. « Comment peut-on changer à ce point ? Je dors à côté de quelqu’un qui souvent me faire froid dans le dos, alors que j’étais si amoureuse la première année… C’est difficile, parce que très ponctuellement je revois en lui celui que j’ai connu et tant aimé. Le temps d’une journée, d’une soirée, parfois il redevient lui, enfin l’autre. Et je suis heureuse. Mais le lendemain c’est oublié, il est contrarié et se transforme en cet être lunatique qui me déplaît au plus haut point. Je ne peux plus vivre avec le stress constant d’avoir près de moi un homme lunatique (peut-être souffre-t-il carrément de trouble bipolaire), qui râle pour un rien, à qui rien ne va jamais, pour qui je ne suis à la hauteur de rien, ni capable de faire quoi que ce soit correctement… alors qu’il m’encourageait tant dans mes projets il y a quelques années… Bilan, je sombre peu à peu dans la dépression… »


Et quand je demande à Emilie pourquoi elle ne quitte pas Vincent, elle semble perdue : « Parce que je l’aime ! Je me raccroche à ces petits moments qui existent encore, où nous sommes complices, où il redevient celui que j’ai connu. Même s’il n’est plus protecteur, ni tendre, ni rieur, ni même détendu quand il est près de moi, de temps en temps on arrive à prendre du bon temps, notamment en dehors de notre foyer. Et quand il se met à rire, à faire le pitre, à me prendre dans ses bras, à chaque fois cela relance mon espoir et je me dis que ça vaut peut-être le coup de souffrir encore, même pour un moment de tendresse volé de temps en temps… »


Je lui ai alors demandé comment tout avait commencé : « J’ai l’impression que depuis quelques années nous avons pris deux routes séparées, qui ne convergent plus vers le même point de chute. On marche chacun sur notre route. Elles se rapprochent de temps en temps mais ne se croisent plus. J’ai sans arrêt l’impression que nous ne vivons pas du tout les événements de la même façon, alors que c’est précisément ce qui nous unissait à notre rencontre : les mêmes références, la même façon de voir le monde, la même philosophie de vie… Dans les grandes lignes nous étions à peu près complices sur tout !… Alors que se passe-t-il ? Par exemple, il est parti trois jours en déplacement professionnel à l’étranger. J’en ai profité pour nettoyer la maison à fond, notamment la chambre de notre bébé. Depuis plusieurs semaines je me faisais la réflexion que trop de jouets trainaient au sol, donc je suis allée acheter de quoi ranger cette chambre. J’ai également changé les meubles de disposition. J’étais surexcitée car le petit semblait vraiment apprécier son « nouvel espace ». La maison sentait bon, dehors il faisait beau et chaud, j’ai aéré chaque pièce pendant des heures, j’avais le cœur en fête. Dans la foulée j’ai nettoyé l’intérieur de ma voiture qui était sale depuis des mois, ce qui m’a encore plus réjouie. Bref ! Je venais de passer quelques jours enjoués avec notre fils et ma mère qui était venue nous voir. Vincent est rentré un samedi en milieu de journée de son voyage d’affaire. Fatigué, mou, décalé. Juste avant son déplacement, le pauvre venait de subir le décès d’un être proche. C’est vrai qu’il accumulait la fatigue (nerveuse surtout). Cependant son comportement a été le même qu’à chacun de ses retours, donc je ne pense pas que le décès dans sa famille rentre en ligne de compte... Il m’a fait la tête tout le WE. Je n’ai pas eu droit à un seul sourire, à un seul instant de tendresse. Quand je lui ai parlé avec enthousiasme de mon grand ménage, du rangement de la maison etc, il a répondu aussi sec : « Mais c’est normal de nettoyer sa maison, je ne vais quand même pas te féliciter pour quelque chose de normal… » Il a ainsi dénigré chacune de mes initiatives en une seule phrase, mettant ma bonne humeur et mon entrain KO en cinq secondes à peine.


Prenant sur moi, j’ai proposé d’aller au restaurant et au cinéma le dimanche. En réalité je n’avais pas envie de quitter la maison, en tout cas pas auprès de lui dans cet état. Il ne se comportait pas comme quelqu’un de triste non, il était plutôt désagréable, presque humiliant, désobligeant. Il me parlait comme si j’étais une enfant, mais pas la sienne, une espèce de sale peste détestable. C’est sa façon de se comporter à chaque fois qu’il est fatigué. Je ne supporte plus qu’il puisse s’adresser à moi sur ce ton, moi sa compagne, la mère de son enfant. Il a pourtant rit pendant le film. Mais en sortant du cinéma, de nouveau il a fait la tête.

Si encore ça restait occasionnel… mais c’est toutes les semaines comme ça. Quand il rentre tard le soir, quand il rentre de voyage, quand il ne dort pas assez le week-end. Décès ou pas, je reste persuadée qu’il n’a pas le droit de s’adresser à moi sur ce ton. Mais selon lui il ne fait rien de mal, c’est moi qui n’entends pas bien, ou pire c’est à cause de mes reproches qu’il est comme ça. C’est culoté car quand il rentre de voyage et que je n’ai encore rien dit, il est déjà dans cet état second. Cette fois c’est le décès de grand-mère le « prétexte » à son mal-être. Admettons… Moi quand je suis triste, j’ai tendant à faire le contraire, c’est-à-dire à me rapprocher de lui, à rechercher sa tendresse, son soutien. Lui m’éloigne de sa vie, car ses sautes d’humeur créent de plus en plus de distance entre nous. Si on fréquentait un couple qui ressemblait au nôtre, je suis sûre qu’il plaindrait la femme de tout son cœur. Souvent quand il part très loin en voyage, il réalise un certain nombre de choses et avoue sans difficultés qu’il n’est « pas gentil », ou qu’il est « trop exigeant », ou d’autres choses sensées qui me touchent sur le moment. Pourtant il réitère ses « erreurs » dès qu’il pose un pied dans la maison. »


Emilie admet pourtant avoir sa part de sa responsabilités, et m’avoue qu’elle cherche des solutions de son côté pour expliquer cette dégradation dans leur vie de couple. « De mon côté je me remets en question. J’ai lu des articles et des revues, je regarde des émissions sur la santé, j’essaye d’appliquer les bons conseils que je déniche à droite ou à gauche. Par exemple avant quand Vincent rentrait de déplacement, je lui sautais systématiquement dessus pour lui raconter ce qu’il s’était passé pendant son absence, pour me libérer de mes tensions, pour qu’il m’aide à résoudre quelques soucis. Mais en fait ça venait ajouter du stress où il n’en n’avait pas besoin. Alors depuis je choisis les moments pour lui parler, je choisis aussi mes mots, j’essaye de ne pas avoir de ton accusateur, je cherche à discuter calmement de nos soucis de façon neutre. Mais aucun effort ne paye. Les discussions virent très rapidement aux reproches. Lui ne choisit absolument pas ses moments pour m’envoyer des coups blessants au visage : vacances, week-end en amoureux, dîners au restaurant… il me fait parfois pleurer mais son discours reste inchangé : « Je ne suis pas dur avec toi, c’est toi qui prends tout mal. Pleurer comme ça n’est pas normal, tu fais une dépression ! » Alors après avoir entendu ça pendant deux ans, effectivement j’ai connu un passage dépressif. A l’automne 2009 je me suis rendue compte que je ne pouvais plus et ne voulais plus vivre avec un homme qui ne m’encourage jamais, qui me descends constamment en flèche, qui m’infantilise « Apprends à gérer ton argent, range tes papiers…, etc… » J’avais envie de le quitter, de me retrouver seule pour me ressourcer. En novembre 2009, j’ai réalisé également tout un tas de chose : je n’aimais plus mon travail, je n’avais pas fait le deuil de mon père, j’avais toujours mon accouchement difficile en travers de la gorge, j’avais mal vécu la fin de mon allaitement, je ne passais pas assez de temps avec mon bébé, je n’étais pas épaulée moralement à la maison… et mon médecin généraliste m’a mise sous antidépresseurs. Un arrêt de travail de trois semaines m’a permis de prendre du temps seule, ou seule avec mon fils, ce dont j’avais vraiment besoin. Alors j’ai annoncé à mon employeur que je ne souhaitais pas prolonger mon CDD et que j’allais quitter mon poste, et là je me suis sentie réellement mieux. Mais à la maison d’autres sources d’angoisse ont fait leur apparition, malgré nos conversations régulières à ce sujet : mes revenus. « Comment va-t-on avec ton petit chômage pour payer la nounou ?... Et si je disparais, tu vas vivre comment ? » Là où j’ai besoin de soutien, de solutions, de pistes, d’idées, de renfort moral, je n’entends que des choses négatives ou dépréciatives. Je ne peux plus avancer si je ne suis soutenue sur aucun plan ! Six mois plus tard je pense que je ne suis pas tout à fait sortie de ma dépression, car je traverse encore des phases où mon moral est très bas. Seulement les raisons ont changé. Maintenant je sais que je déprime parce que je manque de reconnaissance, d’attention, d’amour, de soutien, de tendresse… »


« Je ne vois pas vraiment comment la situation dans ton couple peut s’arranger maintenant que la situation a pris de telles proportions », confiais-je un jour à Emilie. Elle me répondit, sûre d’elle : « Je fais partie de ces femmes qui s’accrochent et se battent pour leur amour. Il n’y a pas eu d’erreur d’une part ni de l’autre, pas de tromperie, pas de coup bas. Il y a juste une personne dans un couple qui visiblement fait partie de ces gens qui ont une résistance limitée au stress, et qui font « payer leur entourage » proche, en l’occurrence leur conjoint, pour tout ce stress accumulé dont ils ne parviennent pas à se défaire. Alors oui je suis malheureuse, ce n’est pas (ou plus) la vie de couple que je me souhaitais quand j’étais célibataire, ce n’est pas (ou plus) la belle vie du début de notre histoire, mais je reste convaincue que je peux aider Vincent, tant que j’ai encore cette petite flamme au fond de moi. A condition qu’il accepte d’ouvrir les yeux et d’avouer avec conviction que son tempérament fluctuant est à la limite de briser notre couple. Sans ça je ne pourrai pas continuer à avancer seule. J’ai très envie de l’aider, mais pas à n’importe quel prix, et pas au détriment de la qualité de MA vie. »


* * *


J’avoue que je rêverais de pouvoir parler de tout ceci avec des gens « qualifiés ». Des gens qui auraient des mots à mettre sur ces mécanismes (conscients ou pas). J’aimerais savoir si ces troubles de l’humeur sont typiquement masculins, ou liés à l’âge, à l’éducation ? Quels sont les facteurs déclencheurs, aggravants ? Quelles sont les solutions ? J’ai déniché sur internet des explications apparemment fiables qui répondent à une partie de mes interrogations, ce qui me force à penser que les gens comme Vincent, dont l’humeur est instable au point de rendre leur couple si fragile, sont réellement malades (j’entends par-là que ce sont des gens qui souffrent et font souffrir mais pas du tout consciemment). Cela reviendrait donc à dire que c’est une véritable pathologie qui fait souffrir ces gens ainsi que les gens qui partagent leur existence. Alors c’est sans doute une bonne nouvelle, car si l’on identifie le mal, on connaît aussi sans doute ses remèdes. Si seulement je pouvais aider mon amie Emilie et tous les Vincent du monde, à reprendre une vie paisible, comme « avant », quand ils faisaient face ensemble et main dans la main aux situations difficiles que la vie inflige à chaque couple, aussi soudé soit-il… 


Emmanuelle GAILING - Mars 2010

 

ANNEXE

QU’EST-CE QU’UN TROUBLE BIPOLAIRE ? (TROUBLE DE L’HUMEUR)

 


DEFINITION


Le trouble bipolaire est une catégorie des troubles de l’humeur, auparavant appelé PMD : Psychose Maniaco-Dépressive. Ce trouble est caractérisé par la fluctuation anormale de l’humeur, qui oscille entre des périodes d’excitation marquée (manie) et de mélancolie profonde (dépression), entrecoupées de périodes de stabilité.


L’humeur est une disposition affective fondamentale qui se manifeste à trois niveaux. Tout d’abord elle donne une coloration agréable ou désagréable aux événements que nous vivons ; ensuite elle influence notre façon de ressentir, penser et agir ; enfin, l’humeur influence le niveau d’énergie de notre organisme.

L’humeur de chacun dépend de multiples facteurs, tant « internes » qu’ « externes » : la biochimie cérébrale, les événements vécus, les ambiances, la lumière, l’histoire personnelle, les variations hormonales, le sommeil. L’humeur dite « normale » fluctue donc vers le haut ou vers le bas, mais ces variations restent limitées en durée et en intensité, elles constituent généralement une réponse à des événements particuliers et n’empêchent pas la personne de fonctionner.

Lorsque les fluctuations d’humeur dépassent en intensité ou en durée celles de l’humeur normale et qu’elles entraînent des altérations du fonctionnement ou une souffrance, on parle de trouble de l’humeur.

Le trouble bipolaire est une maladie qui touche la régulation et l’équilibre de l’humeur. Les personnes qui en souffrent sont sujettes à des fluctuations d’humeur excessives, voire extrêmes, sans qu’il n’y ait forcément un événement extérieur déclenchant. Elles réagissent souvent de façon disproportionnée à cet événement.

Les personnes bipolaires connaissent des périodes où leur humeur est excessivement « haute » : on parle d’hypomanie (hypo- signifie « moins que » ou « sous ») si l’élévation de l’humeur est relativement modérée et on parle d’ « état maniaque » si elle est très importante. Mais les personnes qui présentent un trouble bipolaire peuvent également connaître des périodes où leur humeur est particulièrement basse : on parle alors d’ « état dépressif » modéré ou sévère. Toutes les personnes bipolaires ne présentent pas de période dépressive, mais c’est surtout la présence dans leur histoire d’une période où l’humeur est « anormalement haute » qui doit faire évoquer le diagnostic. Néanmoins, les périodes d’humeur haute et d’humeur basse alternent le plus souvent, entrecoupées de périodes d’humeur normale.

Le terme bipolaire renvoie à la manie et à la dépression, qui sont les deux extrêmes (pôles) entre lesquels l’humeur oscille. L’oscillation spectaculaire de l’humeur est parfois appelée épisode thymique. La fréquence, l’intensité et la durée des épisodes thymiques varient d’une personne à une autre. En l’absence de traitement ou de soins appropriés, la fréquence des oscillations et la gravité de cette maladie chronique peuvent augmenter.

ÉTIOLOGIE


À l’heure actuelle, on ne connaît toujours pas avec certitude les causes du trouble bipolaire, le modèle biopsychosocial s’applique à ce trouble mettant en avant la notion de vulnérabilité qui s’exprime tant au plan de la génétique qu’à celui de la personnalité, l’environnement jouant le plus souvent un rôle de détonateur.

Il apparaît clairement que des facteurs biologiques soient impliqués car on connaît l’existence d’anomalies dans la production et la transmission de substances chimiques cérébrales appelées neurotransmetteurs, ainsi que des anomalies hormonales, notamment du cortisol également impliqué dans le stress. Ces anomalies sont elles-mêmes en lien avec des facteurs génétiques, ce qui explique la prédisposition familiale. C’est donc l’interaction de facteurs biologiques et environnementaux qui explique le mieux l’apparition d’un trouble bipolaire.

L’existence d’une vulnérabilité génétique vis-à-vis du trouble bipolaire est établie depuis longtemps. Le risque de présenter un trouble bipolaire si un des parents de premier degré est atteint est de 10 % par rapport à la prévalence de 1 à 2 % dans la population générale. Le rôle des facteurs psychologiques et environnementaux dans le déclenchement de la maladie et des accès a longtemps été minimisé, cette pathologie étant considérée comme endogène. Les facteurs environnementaux fragilisants sont de mieux en mieux identifiés. Les études génétiques de liaison permettent d’identifier les régions chromosomiques porteuses des gènes probablement impliqués dans cette maladie, en particulier les régions 13q31 et 22q12.

Les autres facteurs de risque peuvent concerner des événements précoces de vie, tel le deuil d’un parent, une carence affective ou des agressions sexuelles dans l’enfance. Les études longitudinales montrent qu’avant le déclenchement de la maladie, il existe des déficits cognitifs localisés, touchant notamment la fonction visuospatiale. Ces déficits cognitifs renvoient probablement à des anomalies neurodéveloppementales en rapport avec les facteurs de risque génétiques. Les études de neuroimagerie fonctionnelle montrent des dysfonctions lors de l’exécution de taches cognitives touchant notamment le circuit fronto-striatal.

Au cours de la vie il existe d’autres facteurs précipitants tels que : les événements pénibles de vie (difficultés conjugales, problème professionnel ou financier…) et les stress répétés (surmenage professionnel, manque de sommeil, non-respect des rythmes biologiques propres). Il a également été démontré qu’un niveau d’expression émotionnelle élevé dans les familles (emportements ou cris pour des événements mineurs) était un facteur précipitant de la maladie.

Sur un plan théorique, on peut donc décrire une succession causale : les événements de vie sont à l’origine de dérèglement des rythmes sociaux, générateurs de perturbations des rythmes biologiques, qui entraînent elles-mêmes les récurrences dépressives et maniaques. Dans la conceptualisation de l’évolution des accès thymiques du trouble bipolaire selon le modèle cognitivo-comportemental, on envisage les épisodes de décompensation de l’humeur comme le début d’un cercle vicieux qui provient des modifications des pensées et des émotions générées par le changement d’humeur et qui vont entraîner des changements des comportements ; ces altérations ne vont pas tarder à dégrader le fonctionnement habituel de la personne et à générer des problèmes psychosociaux qui eux-mêmes vont créer du stress et des conséquences sur le sommeil ... participant ainsi à intensifier en boucles les symptômes déjà présents ou précipitant un nouvel accès ultérieur.

Il est établi que les perturbations des rythmes sociaux, conséquences d’événements plus ou moins sévères, favorisent le risque de récidives de troubles thymiques. Les données de la littérature concernent essentiellement le sommeil. Elles portent sur la privation de sommeil et l’induction de manie sur les manies induites par des voyages Ouest-Est, sur les manies induites par des perturbations des rythmes sociaux. ]La privation de sommeil est réputée pour avoir des propriétés antidépressives et peut donc provoquer une rechute car les bipolaires privés d’une nuit de sommeil sont en effet sujets à des décompensations maniaques. Le « déphasage » qui peut exister entre les rythmes sociaux et les rythmes biologiques constitue aussi une cause de récidive.

L’influence des événements de vie tendrait à décroître en fonction du nombre de récidives car la succession d’épisodes provoque une sensibilisation (ou kindling), c’est-à-dire une vulnérabilité biologique croissante vis-à-vis des événements déclenchants ou précipitants.

ÉVOLUTION DU TROUBLE BIPOLAIRE


En règle générale :

· la cyclicité tend à s’aggraver avec le temps avec l’apparition de cycles courts. La cyclicité rapide est associée avec un âge de début précoce, un trouble anxieux concomitant, l’abus de substances, des antécédents de tentatives de suicide, l’utilisation d’antidépresseurs et un antécédent familial de cycleur rapide. On parle de trouble bipolaire à cycles rapides quand il y a plus de 4 épisodes maniaques et/ou dépressifs durant au moins deux semaines par an. Les cycles rapides sont particulièrement associés avec le trouble panique et les antécédents familiaux de trouble panique.

· la nature des épisodes se modifie avec un mélange de symptômes maniaques et dépressifs : on parle alors d’épisodes mixtes ;

· l’humeur moyenne tend à devenir de plus en plus dépressive et le patient présentera de moins en moins d’épisodes maniaques ;

· on note avec l’évolution une diminution des capacités cognitives.

Cette évolution peut être atténuée par un traitement adapté instauré le plus précocement possible.

 

DIVERS

Depuis, de nombreuses études ont montré que les personnes bipolaires sont plus créatives que la moyenne. A titre d’exemple, Karin et Hagop Akiskal ont mené en 1992 une étude sur vingt écrivains, poètes, peintres et sculpteurs européens. Deux tiers d’entre eux étaient cyclothymiques ou traversaient des phases d’hypomanie, et la moitié avait eu au moins une dépression grave. Des études américaines ont également montré que le suicide fait plus de victimes chez les scientifiques, artistes et autres personnalités que dans la population moyenne. Les évènements de la vie sont très importants dans le développement des troubles bipolaires. Il est avéré que l’existence des créateurs est souvent mouvementée, rythmée par des souffrances notamment dans l’enfance, des voyages et l’instabilité. Beaucoup ont eu des parents manifestant des troubles de l’humeur et connu la dépendance des drogues.

Ainsi, nombre d’artistes, de savants, de chefs d’entreprise ou d’hommes politiques présentent des troubles de l’humeur plus ou moins importants.


Lire l'article complet, et les commentaires