Chasse aux ravers dans le bois de Boulogne

par dtcppp
vendredi 26 juin 2009

La scène se déroule dans le Bois de Boulogne, autour du parc public du Lac Supérieur dans la nuit du samedi 20 juin 20009 au dimanche 21.


0h30 : J’arrive sur place en voiture. Deux Sound-system sont montés mais ne fonctionnent encore pas. Ils sont situés dans l’herbe, à 5m du trottoir, espacés de 20m chacun.
200 personnes, maximum 300 sont sur place, les véhicules continuent de se garer, tout du long, des 2 cotés de la route.

0h45 environ : Je retrouve un ami et nous allons à la rencontre de l’unité de police anti-émeute qui fait son briefing au carrefour se trouvant 100m plus loin. La discussion s’engage avec le plus haut gradé. Ce dernier est peu conciliant. Je le cite : "Le préfet a dit pas de rave dans le bois. La nuit, le préfet c’est moi." Celui-ci reconnait qu’on est moins de 500 et sur un terrain public, ce qui correspond au cadre légal autorisant ce rassemblement, mais cela n’empêchera pas les violences à venir.
En 5 minutes c’est plié, les policiers se mettent en position. 2 unités d’une petite vingtaine d’homme chacune s’équipent.

Ebahis par le refus de négociations, nous retournons voir les teuffeurs, et les prévenons que la police se met en position d’attaque.

1h : Une soixantaine de teuffeurs se rassemblent devant le Sound system le plus éloigné de la police, pendant que d’autres s’enfuient. Le calme des jeunes est impressionnant, à peine quelques sifflets, aucun geste mal placé.
Les forces de police annexent tout d’abord le premier son. Alors qu’une unité des deux unités se positionne en façade du second mur d’enceinte, face aux jeunes, l’autre arrive par le coté derrière. Instantanément, ces derniers se mettent à donner de la matraque comme des fous furieux et à pousser ou même taper tout obstacle vivant ou non à coups de pieds, tonfas et boucliers.

1h10 environ, les teuffeurs se retrouvent sur la route. Certains allaient voir au son ce qu’il se passait, la plupart en hurlant soit de rage soit de terreur. Cet à ce moment que le jeu des lacrymo et des flashball à bout portant a commencé.

1h15 Les Sound system sont complètement sous les lacrymos. Les teuffeurs fuient le nuage de gaz CS qui prend vraiment de l’ampleur. Certains vers le carrefour en amont de l’avenue où les flics étaient de faction, et la majorité à l’opposé. Ceci empêchant les uns de démonter leur matériel, les autres de retourner à leur véhicule pour partir.

Les force anti-émeute se regroupent le long des voitures au niveau des sound-system. Ils n’agissent plus qu’à distance, mais n’en restent pas moins très agressifs, on lit la sauvagerie sur le visage de certains (voire de la plupart...).
Sur ce, une fille se prend une roquette lacrymo dans les côtes. Il faut savoir que les lacrymo ou gaz CS c’est en fait une roquette tirée en l’air qui explose libérant un chapelais d’objets incandescents qui retombent au sol et libèrent leur gaz - en l’occurrence, les flics ne tiraient pas en l’air mais visaient entre la taille et la tête, que ce soit les flashball ou le reste.... comme au ball-trap. Nous récupérons la fille, elle est en état de choc, le regard hagard. Nous l’asseyons dans ma voiture juste en face. Nous ne sommes qu’une demi-douzaine maintenant à moins de 30m des flics. Mais le temps de lui expliquer que dans la voiture les lacrymo n’entrent pas, qu’une grenade assourdissante, suivie d’une lacrymo, tombent à nos pieds.... on ferme la porte de la voiture, le nuage se répand, mais la nana panique et sort de la caisse au pire moment, et en titubant, sans rien voir elle se dirige vers les flics.
Pendant que nous la récupérons et qu’on se protège derrière un véhicule à 5m des flics, ceux-ci continuent de tenir les teuffeurs à distance à l’aide de lacrymo, flashball et grenade assourdissante. A ce moment nous nous faisons braquer à bout portant par les policiers, nous sommes au sol. Nous hurlons qu’on s’occupe d’une blessée (on devait être 3 ou 4)... quand ces fonctionnaires nous donnent une douche au pulvérisateur lacrymo. Les yeux et la peau du visage brulés, pleins de gel, nous tentons de nous éloigner bien plus loin, malgré l’état de la fille. Laquelle sera prise en charge par ses amis retrouvés quelques instant après

1h30 Les flics s’organisent, d’autres arrivent. Côté teuffeurs, c’est identique. Dans l’impossibilité de retourner à leurs véhicule, de démonter les Sound system, de faire évacuer les blessés, ils se regroupent à 150m de là, et semblent maintenant aussi choqués qu’énervés.
Un cordon d’une douzaine de policiers se mets alors en travers de la route, braqué vers eux mais à bonne distance. La pluie de lacrymo et de grenades continue.

 

A partir de là, je n’ai plus trop de notion de temps, je peux juste dire que les affrontements ont duré plusieurs heures, et vous raconter certaines choses marquantes.



Je me trouvais derrière le cordon d’assaut de la police, non loin d’une équipe de Médecin du Monde, présent ici dans une mission de réduction des risques, ceux-ci qui faisaient leur possible pour aider les blessés ; le cordon de police va passer son temps à charger les teuffeurs, à tenter de les repousser dans le sens opposé de là où se trouvent leurs véhicules.

Quand un teuffeur tombe au sol près des flics, c’est coups de matraques sur coups de matraques. J’ai même vu des policiers courir à coté et finir un jeune, qui ne faisait que fuir l’instant d’avant, celui-ci déjà au sol et maîtrisé recevait des coups de rangers dans la tête et les côtes. Curieuse procédure... Voyant cela, de rares jeunes fonçaient dessus en hurlant dans le but de faire arrêter le massacre, ce qui fonctionnait, mais ceux-là recevaient des flashball en réponse.

Pendant ce temps 3 véhicules de pompiers arrivent au niveau du carrefour en amont, sans doute appelés par des teuffeurs pour leurs amis blessés. Nous allons les prévenir de la situation (au moins 3 blessés dans le stand de Médecin du Monde....). Nous leur parlons de la fille avec la côte peut être cassée, et d’un gars avec le tibia détruit par un flashball à bout portant...

Mais les flics leur font faire demi-tour, ils n’interviendront que 30 minutes après.


Aux environs de 2h du matin la zone est un vaste champ de bataille, les teuffeurs sont repoussés jusqu’à 250m de là où les Sound system étaient. Ces derniers ont réussi tant bien que mal à ranger leur matériel dans les véhicules, mais la majorité des gens étaient toujours bloqués plus loin.
Pendant ce temps, des policiers en civil s’infiltrent par les bois sur les côtés, et tentent de choper ceux qui fuyaient les lacrymos en pensant trouver refuge dans le bois. (Apparemment mieux valait rester groupé avec la masse, quitte à reculer). On assiste à quelques arrestations. Nous avons juste le temps de crier pour récupérer l’identité des menottés et leur conseiller de ne rien déclarer. Les policiers en civil étaient fous de rage.

Au carrefour plus haut, on entend les flics de faction râler parce qu’ils voudraient être devant en train de nous "casser la gueule". 5 minutes plus tard c’était réglé : la zone a l’arrière se faisait gazer, et arrosée de flashball, même s’il n’y avait que de rares teuffeurs, attendant leurs amis ou leur véhicules coincés de l’autre coté.

Dépité, je réussis à rejoindre mon véhicule en traversant ce dernier nuage de gaz. L’attente commence pour essayer de retrouver mes amis et savoir s’ils vont bien.


Les questions que l’on peut se poser sont multiples :

Pourquoi charger directement les sound-system si ceux-ci respectent le cadre légal les autorisant à se regrouper sur des terrains publics avec moins de 500 personnes ? Qui plus est le week-end de fête de la musique.

Quelles procédures autorisent la police à taper à coup de rangers dans la tête les gens déjà maitrisés ? À tirer les flashball à bout portant et au-dessus de la ceinture ? À mettre des coups de matraque dans les pare-brise ?

Pourquoi attaquer s’ils voulaient faire partir les gens ? Pourquoi les empêcher de retourner à leur véhicule ?

Certains disent que toutes ces procédures font parties d’une technique d’intimidation pour empêcher les regroupement de ce type. Cela ne fonctionne semble-t-il toujours pas après 15 ans de rave party, et une loi les autorisant dans certains conditions mais non respectée par les autorités.

Au moins certains fonctionnaires auront pu se lâcher et seront retournés dans leurs familles satisfaits du travail accompli...

 

Ci-dessous le communiqué de presse des teuffeurs, fait le dimanche 21, mais peu relayé ou alors mal retranscrits dans les journaux.

Bin.

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Chasse aux Ravers à Paris : des dizaines de blessé-es lors d’une Fête de la Musique Libre

Communiqué de presse du dimanche 21 juin 2009


Ce samedi 20 avril, une quinzaine de chars sonorisés et plusieurs milliers de Ravers ont défilé dans une ambiance festive à l’occasion d’une « Free Parade », manifestation en faveur des valeurs d’autonomie, de partage, de gratuité et de liberté (http://www.freeparadeparis.org/). En cette veille de fête de la musique, cet événement était aussi porteur d’un message d’alerte et d’inquiétude des acteurs et des actrices de cette scène musicale. Cette mobilisation visait à dénoncer la répression que subit la Tekno Libre (musique techno non-marchande), faisant ainsi écho aux manifestations de la semaine passée, qui avaient rassemblé plus de 1000 teufeurs et teufeuses dans les rues d’Évreux et de Mulhouse. C’est en effet toute une mouvance musicale et culturelle qui est en proie à une répression drastiquement durcie depuis quelques mois, dont le « traditionnel » Teknival du 1er mai 2009 (festival autogéré rassemblant plusieurs milliers de Ravers et dont Nicolas Sarkozy s’était engagé à faciliter la tenue chaque année) a constitué le point d’orgue : plus de 30 « Sounds Systems » français ont été arbitrairement saisis par les autorités de l’État (http://www.systematek.org/gargouilles/), qui ont réquisitionné tout le matériel de sonorisation de ces collectifs musicaux, artistiques et culturels (matériel dont la valeur peut être estimée à deux ou trois millions d’euros !). Des centaines de personnes se retrouvent ainsi dépossédées (voire ruinées) pour avoir voulu offrir des fêtes autonomes et non-commerciales. Une répression sans précédent en près de 20 ans de Zones d’Autonomie Temporaire festives...

À l’ère du numérique, saisir le matériel sonore n’est il pas une nouvelle forme d’autodafé ?

À la fin de cette Free Parade les manifestant-es ont décidé de prolonger la « teuf » au bois de Boulogne, en célébrant dès minuit une Fête de « leur » Musique, conçue comme une légitime mise en accusation de la réduction croissante du droit d’expression des artistes et musiciens amateurs lors des festivités officielles du 21 juin.

Quelques centaines de personnes se trouvaient déjà sur le site lorsqu’une cinquantaine d’agents de la B.A.C et de policiers en tenues anti-émeute, bientôt rejoints par de nombreux renforts, ont violemment chargé la foule à coups de matraques. Les gens se sont alors regroupés pour éviter les coups et protéger le matériel sonore. En dépit de cette réaction manifestement pacifique, la police a poursuivi les charges au moyen de grenades lacrymogènes et de pistolets flash-balls, parfois de façon particulièrement dangereuse (tirs tendus ou même à bout portant, en direction du buste ou du visage, etc.). Des individus à terre ont été roués de coups de pieds et aspergés de gaz ; un handicapé, membre de Médecins du Monde (MDM), fut même jeté hors de son fauteuil roulant avant d’être molesté au sol. Au passage, les forces de police ont volontairement détérioré des véhicules et du matériel appartenant aux fêtards.

Empêchant l’accès aux véhicules, la police a pendant plusieurs heures conduit une véritable « chasse aux Ravers », n’hésitant pas à lâcher des chiens à leur poursuite… Une attitude d’autant plus paradoxale que les Sound Systems avaient commencé à partir dès l’intervention policière.

Tandis que les membres de Médecins Du Monde tentaient d’effectuer des premiers soins, les policiers ont interdit l’accès aux pompiers venus secourir les blessé-es. En plus des dizaines de blessé-es à déplorer, nombre de personnes se trouvent en état de choc suite à cette longue nuit où les forces de l’ordre ont fait preuve d’une violence inconcevable face à des jeunes qui dansaient paisiblement au bord d’un lac attendant l’aube d’un 21 juin normalement placé sous les auspices de la musique...

Nous demandons donc la libération immédiate des quatre interpelé-es et la restitution de tous les Sound Systems saisis, ainsi que l’arrêt des poursuites judiciaires à l’encontre des acteurs et des actrices de la mouvance Tekno !

Collectif des Sound Systems


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