Cinquième vague de Covid, de peurs, de restrictions, de polémiques

par Bernard Dugué
mardi 23 novembre 2021

 Etonnant, sidérant ! C’est ce que l’on est en légitimité de penser en observant les événements causés par la pandémie de Covid depuis son émergence pendant l’hiver de 2020. Cette pandémie a engendré des répercussions de grande ampleur dans la gouvernance des pays et les sociétés. En France plus qu’ailleurs la secousse fut intense, dévoilant combien ce pays est traversé par les divisions et d’ailleurs, il l’a toujours été. Le Covid est un fléau et pourtant, la réaction de la nation a montré des dissensions, des oppositions et même des haines, alors que le bon sens inclinait à rester soudés, unis, cohérents (Dès l’été 2020, Francis Fukuyama avait noté que la gestion convenable de l’épidémie reposait sur un Etat fort et un leadership capable de prendre les décisions les meilleures). A chaque vague épidémique sa vague polémique, guerre de tranchée sanitaire, opposition entre partisans, entre idéologues improvisés et autoproclamés. Se sont succédé :

 

 i) Premier confinement et la querelle de la chloroquine, avec les positions du gouvernement, la doctrine sanitaire d’Olivier Véran, et les opposants partisans du professeur Raoult. Cette querelle a accompagné la première vague, depuis mars jusqu’à l’été 2020. Un an plus tard, l’heure aux règlements de comptes est arrivée pour Didier Raoult. Même si son dossier est chargé, cet éminent professeur a eu le mérite de tenter quelque chose pour soigner le Covid et il mérite le respect.

 

 ii) Querelle des rassuristes et alarmistes en octobre 2020, juste avant la seconde vague. Cette phase aussi a été marquée par la controverse de Barrington et Snow, les premiers optant pour une gestion humaine des personnes à risque et le maintien des libertés publiques, avec en ligne de mire une immunité de masse. La seconde vague a été haute mais pas autant qu’anticipée par l’INSERM, 5000 réanimations contre les plus de 7000 annoncées par le président Macron avant le second confinement. Pendant lequel nous avons découvert le concept de commerce non essentiel.

 

 iii) Querelle des pragmatiques et des rigoristes, pendant la troisième vague du variant alpha, les couvre-feux, la fermeture des lieux de divertissement. Les rigoristes appelaient à un troisième confinement et n’ont pas été suivi par le gouvernement. Les restrictions nouvelles tombent. Les enfants des écoles sont masqués à partir de six ans. Et les bars toujours fermés, avec les salles de cinéma et d’autres lieux accueillant du public.

 

 iv) Grande querelle des pro et anti vaccins. Sur fond de quatrième vague causée par le variant delta, relativement clémente, puis freinée en plein été avant que le passe sanitaire n’entre en vigueur sur fond de nouvelle querelle, cette fois conduite par le mouvement des anti-pass, en plein mois d’août. Une fronde inhabituelle en cette période estivale et un pic à plus de 200 000 manifestants. On ne confondra pas les deux tendances. Parmi les anti-pass figuraient une bonne partie de citoyens vaccinés mais opposés à l’idée de présenter son statut sanitaire pour aller au ciné ou s’asseoir à une terrasse de café et n’acceptant pas ces dispositions jugées ségrégationnistes.

 

 v) Dernière vague, la stigmatisation des non vaccinés. Une vague arrive, elle n’était pas prévisible début octobre. Un frémissement à la mi-octobre puis une accélération à la mi-novembre. Nous sommes maintenant habitués. Une vague d’inquiétude se propage, avec les messages anxiogènes diffusés dans les médias. Un seuil de 80 000 contaminations pourrait être atteint selon William Dab, alors que des voix diffusent alertent sur une saturation des lits en réanimation et la capacité de l’hôpital public à encaisser le rebond épidémique. Dans ce contexte de tensions, une nouvelle controverse est apparue sur les plateaux du bistrot des actualités. Faudrait-il "confiner" les non vaccinés ? On notera l’équivoque de cette question, qui n’en appelle pas forcément au bon sens scientifique, mais parfois au sentiment de vengeance assorti de la désignation de coupables, alors que plus aucun épidémiologiste sérieux ne parle d’épidémie de non vaccinés. Surtout après la multiplication des clusters de vaccinés, notamment chez les seniors, ainsi que les études des agence de santé sur la propagation virale. Nous ne sommes pas dupes, le confinement des non vaccinés est une tactique dont la finalité est politique et non pas sanitaire. Mettre le projecteur sur quelques millions de citoyens érigés en boucs émissaires permet d’éviter le regard sur l’insupportable gestion des hôpitaux publics depuis des années et les erreurs récentes du ministre en charge de la santé.

 

 La période qui arrive est incertaine, semée d’embûches, indécise, troublée. Le pays est plus que fatigué par bientôt deux ans de restrictions, les soignants sont usés. Les temps vont être agités, ou pas. Tout dépend de la résilience, de la bienveillance d’un côté, de la banque de colère de l’autre pour reprendre une notion chère à Peter Sloterdijk. Fatigués par la crise sanitaire, menacés par les restrictions, les Français pourraient être tentés de punir sévèrement les non vaccinés, à moins qu’ils ne changent de regard et frondent contre l’Etat et le gouvernement en place. Les options sont sur la table et se jouent dans les médias, les prises de parole, les joutes faussement intellectuelles, les nouvelles polémiques, les revirements.

 

----------------------------------------------------------------

 

 Pour finir, une incise historique sur notre époque de mutation dont les tendances et les traits ont été accentués et révélés par le Covid. Les événements, dissensions, divisions, colères et manies idéologiques, traduisent une lame de fond historique, présente dans d’autres secteurs, avec d’autres ressorts et motifs, dont on ne cerne pas encore les aboutissants. Tout au plus se dessine la confirmation d’une mutation de l’homme qui peu à peu, perd son essence d’animal historique dont la prise de conscience en Occident remontre à Hérodote puis Thucydide. C’est ce que j’ai tenté de comprendre mais ce n’est pas si évident. La disparition de l’homme prophétisée par Foucault sans savoir ce qui va le remplacer.

 

 Annexe

 

 Prospective épidémique. Actuellement, aucune option ne se précise. Dans une semaine, on saura si la progression est en accélération, soutenue ou déclinante comme fin juillet. Plusieurs scénarios. Le pic dans deux à quatre semaines. Le pic de contamination entre 25 000 et 50 000. Avec 80 000 dans l'option du pire de W. Dab. Un pic en dessous de 30 000 serait la bonne surprise de fin d'année. Il faut être sacrément optimiste pour y croire en sachant que l'on ne vit pas de la même manière en août et en décembre. La vague pourrait ne pas être très haute mais durer jusqu’en avril selon des avis avisés. Elle pourrait aussi s’effilocher dès février.

 


Lire l'article complet, et les commentaires