Combien de temps pourra-t-on encore fumer en plein air ?

par Georges Yang
lundi 10 août 2009

Les lois anti tabac sont donc passées sans encombre, un an et demi déjà ! Souvenez vous, Roselyne Bachelot avait laissé un jour de répit aux fumeurs, le Premier janvier 2008, et dès le deux, il avait fallu renoncer. Les fumeurs ne sont pas de grands résistants, ils ont fait le dos rond et en hiver, ils s’agglutinent devant les portes des bistros en grelottant. Depuis, le paysage a changé, plus de café cigarette au zinc, plus de petit cigarillo en fin de repas accompagnant un verre de prune salutaire. Alors, on fume dans la rue, chez soi, ou chez quelques tolérants, souvent fumeurs eux-mêmes, mais pas obligatoirement, qui vous invitent chez eux et vous laissent en griller une… ou plus. Les anti tabacs osent maintenant quelques réflexions acerbes aux fumeurs de rue, devant les bureaux ou les abris bus. La crise aidant, les cafetiers et restaurateurs en pâtissent et la TVA à 5,5% ne va pas régler tous leurs problèmes.

L’hygiénisme a réussi à éradiquer le tabac des lieux publics et dans la foulée s’est attaqué à l’alcool en interdisant sa vente aux mineurs. Pensant régler le problème de l’alcoolisme des jeunes et du tabagisme, les politiques n’ont fait que le déplacer et ont généré des stratégies de contournement.
 
Concernant le tabac, la plupart des fumeurs continuent allègrement et si le prix est pénalisant, certains ont la chance d’habiter en zone frontalière. Les Lorrains vont au Luxembourg, les Chti’s en Belgique et les Pyrénéens en Espagne ou encore mieux, Andorre. D’autres, commandent sur Internet, où le commerce explose malgré les saisies des douanes et les Parisiens se pourvoient au marché parallèle de Barbès Rochechouart et des Puces de Saint-Ouen. Bien sûr, la presse menace de cancer encore plus imminents et ravageurs les fumeurs ayant recours aux cigarettes de contrebande et de contrefaçon, venant obligatoirement de Chine, le pays qui dans l’inconscient collectif veut notre peau à coup de canapés toxiques, de chaussures allergisantes, de médicaments frelatés et de restaurants s’approvisionnant en raviolis fabriqués forcément dans des caves au contact des rats et des cafards, si l’on croit aux reportages de TF1 !
 
De nombreux bars et salons de thé où il était possible de fumer le narguilé sont sous la menace de fermeture et de sanctions s’ils n’obtempèrent pas. La plupart ont disparu à cause des tracasseries administratives. Un grand nombre de ces établissements était tenu par des partons originaires du Maghreb ou d’Egypte. Y venaient à la fois des clients arabes, mais aussi des amateurs de tabac, trouvant dans cette façon de fumer un art de vivre et un passe temps agréable. Bien que de nombreux établissements de ce type soient dans le quartier Charonne Bastille, la police de Sarkozy n’a pas imité celle de Papon qui le 8 février 1962 réprima des manifestants qui essayaient de se réfugier dans le métro Charonne. Il y avait eu des morts lors de ces événements tragiques, mais de nos jours on est paraît-il plus démocrates, on se contentera seulement de cogner si les derniers réfractaires refusent de fermer. Dans cette hypothèse l’expression passage à tabac prendra alors un sens nouveau !
 
Mais les propriétaires de ces établissements n’étant pas des délinquants, ils se reconvertissent progressivement dans le kebab, le loukoum et les pâtisseries orientales jusqu’à ce que le Ministère de la santé lance une campagne de prévention contre l’obésité et le diabète et menace à nouveau les reconvertis économiques d’une nouvelle fermeture, sauf s’ils servent leurs produits avec cinq légumes. Ces petits patrons n’ont pas la force de nuisance des buralistes et n’attirent chez eux qu’une clientèle ethnique ou de sympathisants, ils ne peuvent guère compter sur beaucoup de solidarité des autres commerçants poujadistes. Pour une certaine presse, ces lieux sont considérés comme des repaires de criminels potentiels. On ne peut d’une part, comme le fait la presse populaire et télévision, dénoncer en permanence le chômage, l’oisiveté et la criminalité supposée d’une catégorie de la population et en même tout faire pour empêcher de travailler des commerçants qui payent des taxes, ne gênent personne et gagnent honnêtement leur vie.
 
Par ailleurs, les premières amendes pour avoir fumé dans un bar sont tombées après l’application de la loi mais ne se sont pas généralisées comme pour les infractions au code de la route. Heureusement, la police a d’autres chats à fouetter et les amendes ne pleuvent pas. Et puis, les fumeurs sont dociles et les patrons de bars et de restaurants ne sont pas des rebelles.
 
 Par contre, nouveau paradoxe français, les établissements pénitenciers sont désormais les seuls espaces collectifs fermés où il est encore possible de fumer.
La prison, dernier espace de liberté pour les fumeurs. De nos jours, personne ne penserait mettre à l’entrée des établissements pénitenciers « Arbeit macht frei », mais « fumer rend libre » ferait assez bien l’affaire et vu le contexte actuel traduirait une certaine vérité.
 
Il est tout de même paradoxal de penser que le seul endroit où l’on puisse fumer tranquille est le fond d’un cachot et d’un ergastule. Mais le gouvernement n’est pas suicidaire et il sait très bien que l’interdiction de fumer en prison déboucherait sur des mutineries et des violences. Par contre, la prochaine cible risque d’être les maisons de retraites, car on voit mal de grands vieillards tout saccager. On les laissera mourir d’ennui à défaut de cancer dans l’indifférence la plus totale. Il est assez pitoyable de voir des malades quelquefois arrimés à une perfusion sortir dans la cour des hôpitaux pour en griller une par mauvais temps. Tout cela pour leur bien, c’est entendu.
 
Pour l’alcool, cela est plus insidieux. Les « jeunes » buveurs sont plus rebelles et plus inventifs. Ils trouveront toujours un majeur compatissant pour leur acheter à boire. A moins qu’au rythme où vont les choses, il ne soit créé un nouveau type de délit, celui d’assistance à buveur mineur. Cela est fort probable. Il n’est pas question d’encourager l’éthylisme juvénile, mais l’éducation des adolescents face à la boisson devrait être du ressort des parents. Mais au train où va la panique de la société à la moindre nuisance, la pseudo pandémie de grippe est là pour le démontrer, il va se développer de nouvelles initiatives gouvernementales contre ceux qui boivent dans la rue, même s’ils sont majeurs et ne commettent ni délit ou exaction. La mode américaine nous dirige droit vers une nouvelle prohibition hygiéniste qui s’installe déjà insidieusement. Déjà la traque aux prostituées s’intensifie, faute d’efficacité contre le proxénétisme. Cela sera bientôt le tour des petits pollueurs, de ceux qui n’obéissent pas encore au tri sélectif, et finalement contre ceux qui ne parlent pas politiquement correct. L’hygiène du langage remplacera celle de pieds et des ongles dans l’école républicaine, puis s’étendra au bureau et à l’entreprise. Déjà le délit de lèse président a fait son apparition. Que va-t-on inventer de nouveau pour nous pourrir la vie ? 

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