Comment en finir avec Dieudonné... (mode d’emploi)
par Beauceron
lundi 6 janvier 2014
Le thêatre de la main d'or est situé à deux pas du métro Ledru-Rollin à Paris. Pour autant la ruelle qui l'accueille n'est pas aisée à dénicher. En ce samedi après-midi dans la capitale je décide d'y faire un saut et de m'incruster à la "réunion publique" de l'ennemi public numéro un du ministre de l'intérieur : le saltimbanque Dieudonné M'Bala M'Bala. Direction donc son antre où il doit s'exprimer vers 18h30... et pour me guider il suffit de suivre le stationnement des cars de gardes mobiles et les cordons déployés par nos forces de l'ordre. Curieux : je ne me sens pourtant pas en danger, et l'intérêt que me portent certains passants qui me dévisagent quand je m'engage dans l'impasse du théatre en me faufilant entre deux gendarmes m'intrigue : s'agit-il encore de dragueurs gays ou de policiers en civil ? Difficile à savoir. J'arrive sur place au son de la Marseillaise entonnée par un groupe de supporters du quenellier en chef, et c'est très sympa : le patriote que je suis apprécie de voir des gens d'horizons divers se rassembler et entonner l'hymne national à tue-tête... ainsi que le comptine "François et la quenelle".
La foule est dense, on y trouve de tout : des badauds curieux, des militants pro-palestiniens, beaucoup d'islamistes tranquilles, des blacks en tresses "rastas-reggae" et même des nanas avec leurs gamins ! Ainsi, sans doute, que quelques policiers et journalistes incrustés. A l'intérieur la salle est vite remplie et bondée, un lascar apprenti-humoriste chauffe la salle avec dynamisme puis le "monstre" fait son apparition sur la scène : Dieudonné himself ! Jovial, décontracté, barbu, dodu qui entonne la "quenelle" avec son public survolté. Puis le speech dure une demi-heure environ, pas de propos racistes ou antisémites mais des réponses percutantes envers ses détracteurs : le quenellier remet chacun à sa place et rappelle à Manuel Valls qu'il n'a pas besoin de son aide pour la promo de ses spectacles. Au premier rang se trouvent les "notables" : une ex-écologiste, un ancien militant de l'ultra-gauche syndicaliste FO, Mathias Cardet et ses potes (c'est le gars qui a rédigé l'effroyable imposture du rap)... mais aucun représentant de l'extrême-droite, pas plus qu'il n'y en a dans le public, au contraire. Rien de pathétique dans le discours sauf lors de l'arrivée du brave Jacky (compagnon de scène du maestro) qui relate son tabassage par trois militants du Betar il y a quelques temps (à trois contre un mec épais comme un fil de fer !).
Puis c'est la sortie du théatre, la cohue. Une file de gens attend déjà pour le spectacle de 20h. Il y a un peu de friture avec des journalistes de BFM-TV (ceux qui voient des "hitlériens" dans les spectacles de Dieudo), et chacun regagne l'avenue Ledru-Rollin sous l'aimable vigilance d'un deuxième cordon de pandores...
Bref rien de bien folichon. Mais alors pourquoi en veut-on à ce point à Dieudonné ? Ami agoravoxien je pense que ce n'est pas le fond, mais la forme qui pose litige chez notre comique. Antisémitisme ? Fadaise. Il n'en dit pas plus que Desproges ou même Chabat et les "nuls" à la grande époque : souvenez-vous des sketchs sur les frères Macaches et leurs appels en PCV dans Nulle part ailleurs. Antisioniste ? Comme beaucoup de gens choqués par la politique israélienne, ce qui est leur droit (en principe en tout cas). Il s'attaque à une communauté ? Allons-bon, la république n'en reconnait aucune puisqu'elle est indivisible. Monsieur Valls s'est-il indigné de la christianophobie, de l'humour anti-cathos ou des caricatures ridiculisant le prophète de l'Islam publiées par des journalistes plus soucieux du tirage de leur périodique que de la laicité ? Soit on décrète qu'on ne peut s'attaquer à aucune communauté, soit on laisse chacun s'exprimer et ironiser sur tout le monde : il faut être cohérent...
Car ce qui dérange le plus est la disproportion que prend l'affaire, on dit que seule la vérité blesse... quand on n'aime pas quelqu'un on évite de lui faire de la retape, alors de quoi se mêlent les pouvoirs publics ? Du fait que Dieudonné suscite des débats, des réactions, de la réflexion... oui, il fait réfléchir, échanger des arguments, réunit des gens... tout en se marrant. On n'avait pas connu cela depuis Coluche et Desproges. Oui, Dieudonné est dangereux car il incite à prendre parti et à réfléchir, que l'on partage ou pas ses points de vue...
Notre homme est subversif, et cela dérange dans un pays miné par une crise grave où chacun doit la boucler pour prévenir une éventuelle explosion sociale. Dans toutes les dictatures les artistes sont surveillés de près, et l'attitude du pouvoir à l'égard de Dieudo inquiète, comment vont-ils s'y prendre pour l'éliminer ?
1- Par le pognon, en le ruinant. Des milliers d'euros d'amendes, des contraventions non payées (65000 euros : Où et comment Dieudo gare-t-il sa bagnole ?)... mais le procédé a des lacunes : il est possible de planquer son fric à l'étranger (même sans être copain avec Cahuzac).
2- Par l'intimidation physique. Procédé utilisé par le passé : souvenez-vous du SAC, le fameux service d'action civique qui chassait les syndicalistes à coups de barres de fer. Mais c'est trop voyant... et puis notre homme a déjà encaissé des coups par le passé.
3- Par une solution à la Coluche. Un accident de la route, un camion qui percute par mégarde la cible conduit par un chauffeur inidentifiable. Vous connaissez le nom du gars qui a dézingué Coluche ? Non. On ne se souvient que de son visage impassible et sans émotion...
4- Par la verbalisation de ses clients... euh pardon, de ses spectateurs. Quiconque assistera à ses réunions publiques sera poursuivi pour "antisémitisme". Là-encore c'est limite, les gens peuvent se masquer... et il est difficile, contrairement aux clients des prostituées, de ramasser tout le monde à la sortie d'un spectacle.
5- Par la provocation. De type "antifas" ou "femens" ; organiser des troubles et des bagarres. Tiens, c'est curieux : l'ami Klarsfeld (le jeune) organise une manif contre Dieudonné ce lundi 6 janvier à 18h00 devant le zénith de Nantes... imaginez qu'un "fan" de Dieudonné grimé d'une belle barbe vienne blesser un participant (ou pire) ? J'extrapôle ? En tout cas le prétexte serait suffisant pour interdire notre saltimbanque... souvenez-vous de l'affaire Méric !
Bref les moyens ne manquent pas. A défaut de proposer des solutions aux vrais problèmes de nos compatriotes les princes qui nous gèrent s'occupent d'autre chose et font diversion, de qui est de mauvaise guerre. On aime ou on aime pas un artiste, mais on ne le censure pas. En démocratie on discute, on échange et on réfléchit... rien n'interdit à Klarsfeld d'aller parler à Dieudonné autour d'un café. Ou aux journalistes d'organiser un débat entre notre homme et ses détracteurs sur un plateau-télé. Mais sommes-nous encore en démocratie ?
En retournant à la gare Montparnasse les affiches d'un autre "humoriste" attirèrent mon attention : on voyait celui-ci grimé en cro-magnon, et c'était censé être drôle. Même les mômes ne souriaient pas en passant devant. Quand l'humour en est réduit au pipi-caca et à ce niveau de nullité on se dit que oui, il faut sauver le soldat Dieudonné... oui au droit d'être intelligent et de rire. La médiocrité culturelle n'est-elle pas l'arme des régimes totalitaires ?