Comportement de Jean-Paul Huchon : une régression
par Philippe Bilger
vendredi 7 avril 2006
Il y a quelques jours, Le Monde a évoqué, dans un article sous les signatures de Gérard Davet et Piotr Smolar, "l’audition mouvementée de M. Huchon à la brigade financière". Si la teneur de ce texte est exacte, et je n’ai aucune raison d’en douter, le comportement de Jean-Paul Huchon constitue une régression au regard du principe d’égalité entre les citoyens. Jean-Paul Huchon, entendu dans les locaux de police, s’est prévalu de son statut, menaçant les fonctionnaires présents de représailles en disant avoir de la mémoire pour les personnes qui le traitaient mal.
Cette attitude a été dénoncée au procureur de la République de Paris qui avait déjà fait bénéficier M. Huchon d’une bienveillance particulière, ce dernier n’étant pas placé en garde à vue et pouvant regagner son domicile entre les auditions. Cette mansuétude procédurale aurait dû conduire Jean-Paul Huchon à plus de retenue.
Mais
sa situation, cette volonté clairement manifestée de ne pas être perçu
et traité comme un citoyen ordinaire, fait réfléchir bien au-delà de
lui-même.
D’abord, alors que Jacques Vergès est invité dans les
émissions les plus prestigieuses pour soutenir, contre l’évidence
d’aujourd’hui et en raison même des affaires qu’il mentionne, qu’il y
aurait "une justice contre les pauvres", l’absurdité d’une telle
attaque ainsi systématisée risque d’être battue en brèche par la
contradiction pitoyable apportée par M. Huchon.
Ensuite, en dehors des quotidiens Le Monde et Le Parisien du 4 avril, force est de constater que cette affaire, dont au reste il ne faut pas surestimer l’importance, n’a fait l’objet d’aucune autre mention, ni relation critique, sauf à avoir manqué une autre information sur le même sujet. A-t-on le droit de s’interroger sur ce qui se serait médiatiquement produit si cette triste aventure avait impliqué un homme ou une femme de droite ? J’ose espérer que son exploitation n’aurait pas été plus virulente.
Enfin, et c’est le plus important, lorsqu’on ressasse, pour culpabiliser policiers et magistrats, que notre Justice est une justice de classe, que les riches gagnent quand les pauvres perdent, alors que la réalité et l’expérience montrent, sinon l’absolue fausseté d’une telle affirmation, du moins son caractère aujourd’hui partiel et partial, il faut admettre cette dure certitude que certains puissants portent avec eux la conscience d’une supériorité, se croient investis d’une qualité d’essence qui interdirait qu’on les mélangeât avec le commun des justiciables et des gardés à vue (si Jean-Paul Huchon l’avait été !). Contre les faiblesses et les dérives de nos institutions, on peut se battre.
Contre l’arrogance humaine qui sévira même dans un univers idéal, pourquoi ne pas tenter de mobiliser les citoyens ? En tout cas, il est inadmissible de les passer sous silence, au prétexte qu’elles seraient inévitables. La démocratie réside souvent dans les détails.