Congestion
par C’est Nabum
mercredi 19 décembre 2012
Y'en a marre ...
Il faut tout gérer …
Voilà le verbe de la période actuelle. Il s'accommode à toutes les sauces, pimente l'ensemble des activités humaines, s'accole à tout un ensemble de notions qui vont du temps, aux émotions, du stress au match, de l'énergie aux loisirs, du dossier à sa carrière. Tout passe dans cette étrange moulinette qui ne signifie pas grand chose et qui donne de l'importance à celui qui l'emploie.
Étrangement, c'est au détour d'une crise économique sans précédent que ce verbe à connotation financière a connu son envol. Le sport qu i devrait être tout le contraire de cette manière boutiquière s'en est emparé avec une frénésie incroyable. Le plaisir ne semble plus être à l'ordre de cette activité physique, les critères de rentabilité, d'efficacité et de performance ont fait du sportif un gestionnaire impénitent.
Vous n'imaginez pas la quantité de détails et de variables que l'individu en short doit gérer. Il doit dominer son angoisse qu'il convient d'appeler stress au risque de passer pour un vieux ringard. Il doit en outre gérer une multitude d'impondérables qui se regroupent sous l'étiquette de pression. N'allez pas penser qu'il s'agit de quantité d'air dans un ballon, ce sont tous les paramètres qui viennent gonfler cette pauvre baudruche qui se prend au sérieux.
Il lui faut encore prendre le contexte, l'âge du capitaine, la direction du vent, le soleil et le temps qu'il fait. Il ne doit pas omettre de mettre en équation la stratégie de l'adversaire, le classement, les réactions du public, les fautes de l'arbitre, les erreurs individuelles, les choix de l'entraîneur … Et tout cela, mon bon monsieur, se gère dans le sport professionnel, ce qui peut se concevoir, comme dans son homologue amateur, ce qui vous laisse pantois.
Mais l'intellectuel de l'activité physique n'est pas le seul à jouer de la machine à calculer dans ses activités. L'artiste fait de même avec sa carrière, ses choix de rôle et de metteur en scène, son répertoire et son environnement sonore et lumineux, son impresario et sa communication … Tout ceci se gère, vous devez bien vous en doutez, avec sérieux et application.
L'homme politique n'échappe pas à cette folie du moment. Il lui faut faire les bons choix, choisir son étiquette, ses amis, ses postures, ses costumes, ses apparitions et ses silences. Seuls les mensonges ne se gèrent pas, ils viennent naturellement en bouche comme une congestion verbale, inévitable et carrément consubstantielle à cette curieuse activité. Jusqu'au revers électoral qui peut parfois rentrer dans cette manière de prétendre avoir prise sur les circonstances.
Mais, il n'est pas temps de se gausser. Nous n'échappons pas au délire de l'époque. Nous gérons nous aussi, ma bonne dame, toute ce qui nous passe à portée de vie ! Le temps qui nous fuit entre les doigts, notre silhouette qui se refuse aux critères esthétisants, nos congés avec les RTT et le crédit temps, notre carrière avec les inévitables revers de la mobilité, les loisirs et tout ce qui fait de nous des êtres sociaux.
Finalement, nous, comme les grands de ce monde, les états et les banques, les institutions et les clubs sportifs, tous ces experts en gestion tout azimut, en recherche de la maîtrise sur tout ce qui constitue notre environnement, nous prenons grand soin à chercher à dominer l'ensemble des facteurs et des déterminants de nos existences. Nous sommes des êtres dotés d'une volonté inflexible de contrôle.
Mais hélas, un petit aspect anodin, une broutille, un presque rien, un détail échappe à l'ensemble des protagonistes de cette immense farce. Personne n'est désormais plus en mesure de gérer ce qui devait être autrefois, en des temps fort lointains, le secteur d'activité où devait s'exercer cette étrange capacité comptable ! Plus personne ne gère son budget, son argent, ses finances. C'est la débandade collective, la crise colossale, la fuite de toutes parts, le krach, la banqueroute, l'envolée de la dette, l'emballement des compteurs. Et là, je peux vous l'assurer, personne ne gère quoi que ce soit !
Gestionnairement leur.