Conseil et orientation en ligne : Comète ou Planète ?
par Yohan
mercredi 12 décembre 2007
Après l’enseignement à distance, devenu e-learning sur le web, voici venir l’orientation à distance, connue aussi sous les vocables d’orientation en ligne ou webcounselling.
Dans un contexte marqué par la réduction drastique des personnels de l‘orientation scolaire, la cyber-administration performante, rêvée par l‘Etat, va-t-elle pouvoir s’appliquer à l’orientation scolaire et professionnelle ?
Sur le terrain, c’est oui, mais en apparence seulement !
Ainsi, soucieuse de devancer les recommandations des tutelles, l’Université s’est lancée en premier avec ses CyberSCUIO (1), nouveaux services présentés comme devant favoriser l’orientation et la construction du projet professionnel et personnel des étudiants. En fait d’orientation active, il s’agit plutôt de l’intronisation des nouveaux Environnements Numériques de Travail (ENT) qui proposent à l’ensemble de la communauté universitaire une palette d’outils pratiques allant du bureau virtuel, en passant par la plate-forme de cours en ligne, jusqu’à la documentation électronique (Jurisconsulte, banques de stages en ligne, dictionnaires en ligne, etc.).
L’Onisep (2) vient compléter l’offre de services en direction des collèges et des lycées.
La région Île-de-France n’est pas en reste qui joue la carte des 12-25 ans avec son site grand public (3) (lesmetiers.net), qui connaît un grand engouement (100 000 visites par mois). L’avantage incontestable de ce dernier est de proposer un ensemble de services totalement gratuits et, ceci, sans enregistrement préalable.
L’outil web vient ici en complément des dispositifs d’information et d’orientation existants pour permettre aux jeunes d’appréhender le panorama des métiers de manière plus interactive et d’en affiner la représentation. Outre des vidéos et des témoignages concrets sur les métiers, ce site propose près de 400 fiches métier et service gratuit d’orientation en ligne animés par une équipe de Copsy.
Pour autant, force est de constater que la question de l’orientation en tant que telle est à peine effleurée.
L’offre privée se signale de son côté par de redoutables business développeurs comme L’Etudiant, Phosphore, Studyrama, Capcampus (4).
Leur cible : les étudiants. Leurs sites web et publications foisonnants, salons métier/formation, un tantinet racoleurs, sont devenus leur marque de fabrique. Les organismes de formation constituent leur première source de revenus.
Menacée un temps d’être réduite à jouer les utilités dans ce business scolaire, l’Onisep cherche à exister, ce qu’elle ne manque pas de faire en inaugurant ses chats prestigieux (5), où des invités viennent tour à tour évoquer en live les sujets brûlants du moment.
En marge de ces initiatives, des sites d’information associatifs (6) ou institutionnels (7) ont fleuri, qui permettent aux internautes d’accéder, tantôt à des sources d’information pratiques et opérationnelles, tantôt à des rubriques de conseil visant directement les jeunes et leurs parents (8).
Leur utilité : permettre aux usagers de se repérer dans les méandres du système d‘information et trouver des balises pour découvrir et se familiariser avec les métiers et les formations qui y mènent.
Mais d’orientation et de conseil en ligne à proprement parler, de réponses précises quant à l’élaboration de votre projet d’orientation, vous n’en trouverez point sur ces sites bien intentionnés.
En fait, pour ce genre de services en ligne, il faut se résoudre à passer à la caisse.
Et là, vous entrez dans une jungle touffue (9) où guide et boussole sont nécessaires pour y voir clair et trouver son Nord.
Cette jungle, c’est le nouveau business du conseil en ligne, (coaching d’orientation, bilan de compétences en ligne). Un marché qui stimule les appétits au point de séduire des majors du soutien scolaire comme Acadomia ou, encore, Legendre...
Tout le monde s’y met, le marché s’agite, mais la question qui vient sur toutes les lèvres est la suivante : ce marché est-il viable et est-il réellement rentable ?
Encouragés par des publicités très agressives et devant la difficulté à trouver un conseil à la hauteur de leurs attentes, certains parents n’hésitent pas à mettre la main à la poche.
De plus, le climat fortement anxiogène autour des questions d’orientation exacerberait chez les parents les attentes à caractère magique.
Du coup, un malaise s’installe devant le développement frénétique de ces nouveaux opérateurs. Pour certains Copsy (Education nationale), pas de doute, ces officines cherchent à tirer profit de la vulnérabilité et de la crédulité des parents. De plus, eu égard aux tarifs pratiqués (300 euros en moyenne), ils craignent de voir s’installer un système d’orientation à deux vitesses. Pour eux, la marchandisation de l’orientation est en marche et constituerait une grave menace pour l‘équité du système.
Pourtant, en épluchant les professions de foi de ces nouveaux venus sur la toile, on s’aperçoit qu’ils n’ont pas hésité à faire leur petit marché au sein même de l’institution scolaire. Pour les Copsy, ces petits ménages à la sauvette venant de leurs collègues sont mal venus dans le contexte actuel de leur profession (10).
Mais que proposent ces nouvelles officines ? Des batteries de tests pour l‘essentiel, assorties de quelques recommandations du professionnel (tout cela en ligne bien sûr).
Si certaines offres peuvent le cas échéant rendre un réel service, le prix acquitté est-il alors pleinement justifié ? Surtout qu‘en cherchant bien, il est possible de passer certains de ces tests gratuitement sur quelques sites concurrents (11) qui eux se rémunèrent en recettes publicitaires.
Pour l’heure, la cible préférée de ces nouveaux prestataires de services est avant tout les jeunes (scolaires, étudiants). En effet, si le domaine des bilans de compétences fait l’objet d’une réglementation rigoureuse marquant clairement les limites de l’utilisation de techniques d’investigation des personnes, le domaine du conseil en ligne est, quant à lui, loin d’être balisé.
Et alors que leurs services se banalisent au grand dam des professionnels de l’orientation attachés aux vertus du présentiel, on constate qu’ils reçoivent un soutien inattendu des pouvoirs publics. Il est vrai que le ministère ne cache plus son intention de laisser jouer la concurrence. Libérer, rationaliser devenant le nouveau leitmotiv.
En réalité, la vraie question qui se pose maintenant est de distinguer parmi les demandes du public, celles qui peuvent être automatisées (sans intervention humaine, via un site web) de celles qui requièrent la médiation d’un professionnel expérimenté.
Pour ce qui a trait à l’information sur les métiers, l’apport d’internet est incontestable. Pour les professionnels comme pour l’usager, le web permet d’accéder aisément à une multitude de sources actualisées et actualisables en temps réel. La médiation du professionnel peut parfois être souhaitable, mais non nécessaire, du moins pour une majorité d’usagers.
En revanche, s’agissant de prestations d’accompagnement en orientation professionnelle ou de bilan de compétences, il apparaît que le conseil en ligne n’offre pas toutes les garanties souhaitées.
De plus, l’usager qui paye pour ce type de services n‘est pas à l‘abri de déconvenues. Les chartes qualité étant pour l’heure absentes de ce nouveau paysage virtuel, il est difficile pour l’usager de se repérer dans l’offre de services et, envisager un quelconque recours pour prestation défectueuse ou non satisfaisante, n’en parlons pas !
Comme le souligne une internaute échaudée, on frôle parfois le Quiz de l’été sur ces sites, « J’ai essayé plusieurs tests d’orientation en ligne et ça donne vraiment n’importe quoi : je devrais devenir plombier, prêtre (je suis pourtant une femme) ou expert comptable ».
On le voit, rien n’est encore joué et il appartient aux professionnels d’affirmer et d’attester au quotidien et sur le terrain de la valeur et de la primauté du présentiel sur le distanciel (12).
La manne publique étant aujourd’hui ce qu’elle est, il est clair que la riposte réside autant dans l’addition des task forces (Copsy, enseignants, CPE) que dans le développement harmonieux des sources d’information via le net.
Un pari qui est aussi conditionné par la capacité des jeunes et des familles à prendre leur part et à devenir des acteurs éclairés du processus d’orientation, plutôt que des consommateurs passifs et grincheux.
http://sites.univ-lyon2.fr/cyberscuio (1)
www.iece.info/Test_orientation/Informations.htm (9)
www.agoravox.fr/article.php3 ?id_article=32102 (10)
www.mon-qi.com/test-qi/test-d-orientation-en-ligne-gratuit.php (11)
http://web-serv.univ-angers.fr/pagdiv.asp?ID=764&langue=1 (12)
www.orientation-metiers.fr (8)www.orientation-formation.fr (7)www.metiers.info (6)www.onisep-reso.fr/chats/metiers_2015/index.htm (5)www.capcampus.comwww.studyrama.comwww.letudiant.fr (4)www.phosphore.comwww.onisep.fr (2)