Corrupteur et corrompu
par ÇaDérange
mercredi 5 juillet 2006
Je suis toujours surpris de constater, dans la manière dont le sujet de la corruption est traité dans les médias, qu’il y a une situation qui est considérée comme honteuse, celle du corrupteur, et une autre qui est beaucoup mieux acceptée socialement, qui est celle du corrompu. Comme si, dans la pratique, celui qui a le pouvoir de décision sur une affaire ou une autorisation était un agneau nouveau-né innocent et celui qui propose le versement ou le cadeau était le seul et unique responsable de l’acte corrupteur.
Dans la pratique des choses, le "corrupteur" sait parfaitement que le versement additionnel ne lui rapportera aucune certitude d’avoir ledit marché, car, là comme ailleurs, il y a une concurrence sur le montant de cette "dîme corruptrice", et que la décision se fera globalement. C’est donc simplement un surcoût à prendre en compte dans l’adjudication qui produirait sans doute le même gagnant, hors "dîme corruptrice". C’est d’autant plus vrai que dans les affaires qui viennent en Justice, on s’aperçoit que ladite corruption est quasiment sous forme de pourcentage.Le corrupteur sait par ailleurs que dès qu’il a "failli" une fois, l’ensemble de la communauté saura qu’il "paye" et donc il intègrera son acceptation de cette pratique dans l’offre qu’il attend de lui.
De même pour le "corrompu", prétendu innocent : ce dernier connaît parfaitement le force de son pouvoir et de son autorisation, et en a quasiment chiffré par avance la valeur. Dans beaucoup de cas c’est d’ailleurs lui qui vous dira : "Comme d’habitude, vous vous adressez à tel bureau d’études", ou dans d’autres pays, vous indiquera sur quel compte il faut effectuer tel versement. Ce n’est donc pas dans l’improvisation que l’agneau nouveau-né va accepter tel ou tel cadeau, mais dans un système organisé où les processus de paiement sont bien huilés.Certains ont d’ailleurs une réputation établie dans leur domaine ou dans leur pays. On sait qu’il "en croque".
Qui paye, finalement, dans tout ce système ? Le consommateur et/ou le contribuable, qui verra le prix du produit ou du service majoré de ce prélèvement supplémentaire, ou la qualité du produit ou service fourni, inférieure à son coût officiellement payé, ou le budget de la communauté qui le finance, plus élevé qu’il ne devrait l’être ?
Pour moi, corrupteur et corrompu sont deux faces du même problème, et il n’y a pas un pécheur d’un côté et un innocent de l’autre, dans ce processus, non plus que de raison de différencier entre ces deux comportements qui se rejoignent et sont tout aussi inacceptables l’un que l’autre. Nos médias et notre système juridique ne semblent pas encore l’avoir compris...
Ce commentaire est d’ordre général, et ne saurait s’appliquer à qui que ce soit en particulier. Toute ressemblance avec les actes ou comportements de quelqu’un existant ou ayant existé ne pourrait être que fortuite.