CoViD-19 – 7 bis pauvres jeunes
par LATOUILLE
lundi 9 novembre 2020
E. Macron, vraisemblablement en quête de voix pour 2022, veut faire pleurer sur le sort des jeunes : « On a fait vivre à la jeunesse quelque chose de terrible à travers le confinement on a interrompu leurs études, ils ont des angoisses sur leurs examens, leurs diplômes et leur entrée dans l’emploi. » Nous avons là l’illustration que certaines tranches d’âges (en gros ceux nés entre 1980 et 2000) sont dans l’impossibilité d’assumer des frustrations ce qui n’est que le résultat de l’addition d’une forme d’éducation et des effets d’une société outrancièrement consumériste, et la démonstration d’une démagogie politique poussée à l’extrême. En quoi les « jeunes » ont-ils vécus des choses plus terribles que les autres et que les jeunes de certaines époques ? Leurs études ont été modifiées dans les procédures mais n’ont pas été annulées, l’angoisse des examens a‑t‑elle vraiment plus forte qu’à l’ordinaire alors qu’il y a eu des allègements d’épreuves ce qui n’a en rien compromis l’accès au diplôme, bien au contraire comme en témoigne la réussite record au baccalauréat. C’est concernant l’emploi que leurs inquiétudes on des raisons d’être mais n’en est‑il pas de même pour les personnes licenciées notamment celles de plus de 50 ans qui ne retrouveront pas d’emploi dans le mois à venir.
Alors oui, les jeunes, notamment les intello‑bobo de la tranche trentenaires‑quadragénaires, se sont vus privés de bars, notamment après 22 heures, de cinéma et de spectacles. Que dire des « vieux » privés eux-aussi de cinéma, de théâtre et de leur petit café au bistrot du coin ainsi que de relations sociales car ils sont encore peu nombreux à manier « l’internet » et les réseaux sociaux. Les vieux n’ont plus l’angoisse des examens et de l’emploi, ils n’ont que le chagrin de ne pas voir leurs proches, surtout leurs petits‑enfants, et l’angoisse de la mort rendue si proche par la COVID, d’autant qu’on leur rebat les oreilles par les taux élevés de vieux morts en réanimation qui de surcroît asphyxient les hôpitaux et empêcheraient les jeunes de pouvoir se faire soigner.
Serge Tisseron (psychiatre) rappelle l’importance des relations sociales pour les jeunes, à l’instar d’Alain Megier (sociologue) qui qualifie les restrictions de « drame social absolu » qui empêche de devenir adulte : « On prive les jeunes de ce qu’il y a de plus important pour eux : la possibilité de faire des rencontres et donc de se construire. » Si les jeunes ont souffert, et je veux bien le croire même si je ne l’ai pas constaté dans mes échanges avec des jeunes, cette souffrance n’est pas si importante que le disent les politiques et les pseudoscientifiques, il y a de l’angoisse chez les jeunes mais pas plus que chez les vieux. Par contre les étudiants avec lesquels j’ai discuté montraient, sans retenue, la difficulté qu’ils ont à faire face à la frustration engendrée par les mesures de restriction. Ils ont beaucoup de mal à ne pas faire la fête, d’autant que la très grande majorité de leurs relations sociales se structurent autour des « teufs » et de l’alcoolisation.
On aurait pu penser, peut-être comme certains politiciens l’ont espéré notamment au gouvernement, que les jeunes pour étoffer leurs relations sociales se seraient dirigés vers les associations dont les bénévoles âgés étaient mis sur la touche, ces rencontres sont très enrichissantes et remarquablement formatrices. Mais il n’en fut rien, les engagements furent extrêmement peu nombreux même en y incluant les actions isolées. Nous avons construit, et éduqué nos enfants dans ce sens, une société où la consommation et le plaisir immédiat représentent, avec l’argent nécessaire pour alimenter ce haut‑fourneaux, les objectifs principaux d’une vie ; les jeunes ont été habitués à des réponses immédiates face à leurs demandes, alors oui ils souffrent d’être incapables de faire face à la frustration.
D’ailleurs ceux qui alimentent ce système festif, les bars notamment de nuit, les services de restauration en continu, les drives à toutes heures... ne cessent de manifester leur opposition aux mesures de restriction. Certes beaucoup d’entre eux vont disparaître et avec eux leurs salariés seront au chômage, tristes perspectives mais peut‑on continuer à laisser le virus se propager ? N’oublions pas, que si la majorité des lits de réanimation sont occupés par des personnes de plus de 50 ans, 40% le sont par des moins de 50 ans et que les jeunes sont aussi atteints par la maladie. Si la COVID19 génère des formes moins graves chez les jeunes, ce qui est vrai pour la plupart des maladies infectieuses, elle entraine chez eux des troubles suffisamment importants qui les obligent à interrompre leur activité professionnelle ou leurs études, et il faut compter sur les conséquences résiduelles qui durent longtemps et à propos desquelles ont ignore non seulement la durée mais aussi la capacité à réapparaitre et le degré d’invalidation.
Plutôt que de plaindre indument une jeunesse qui ne souffre pas plus que chacun d’entre‑nous, il faut lui expliquer la vérité de la situation, le rôle qui est le sien et la responsabiliser. Il ne s’agit pas seulement pour elle de se tenir à distance des vieux, elle doit aussi accepter de suspendre certaines formes de fêtes et comprendre que la vie n’est jamais faite que de plaisirs, il y a aussi des contraintes incontournables. Monsieur Macron devrait rappeler
les chiffres de Santé Publique France qui indiquait le 26 octobre que 32% des CLUSTER se situaient en milieux scolaire et universitaires, et ce chiffre ne prend pas en compte, par essence en raison de la définition d’un CLUSTER, ce qui se passe dans les bars, les restaurants et les salles de spectacle ni les rassemblements informels ; il serait de bon aloi que le président de la République cite aussi le très médiatique docteur Martin Blachier qui indiquait le 18 août dernier sur Europe 1 : « J’ai toujours cru à la clarté des consignes. (…) Aujourd’hui, le virus circule parmi les jeunes, donc toutes les fêtes de famille dans des lieux clos, il faut les annuler. » « Il y a plein de jeunes qui portent le virus aujourd’hui (…), donc si vous avez deux grands-mères et une tante qui sont contaminées, vous risquez de les envoyer en réanimation. Ne faites pas ça », et il appelait à « privilégier tout ce qui se fait à l’extérieur ». Attention, là les tenanciers de bars de nuit vont sauter sur la fin de la phrase et réclamer une extension des terrasses, chauffées en hiver, en oubliant que leurs clients ne respectent pas les consignes sanitaires : distanciation physique, masque, usage de gel hydroalcoolique.
Certes la vie n’est pas facile pour les jeunes, l’est-elle pour tous les vieux ? Cessons les discours adulateurs et flatteurs, qui deviennent démagogiques dans la bouche d’un président de la République, comme ceux d’A. Megier qui écrit dans La Croix : « Or le contexte est déjà compliqué pour les eux [les jeunes] : il n’a jamais été aussi difficile de se projeter dans l’avenir car il n’a jamais été si incertain. Entre la crise écologique, la précarisation du couple, etc. tout semble fragile. » L’éminent sociologue pense-t-il qu’au début du 20è siècle, qu’entre 1939 et 1945, les choses étaient plus faciles pour les jeunes, pense‑t‑il que les jeunes du « choc pétrolier » et l’émergence d’un chômage dans les années 1975-1970 n’ont pas eu d’angoisses ? Quant à la précarisation du couple, il ne tient qu’à chaque couple de rendre le sien pérenne.
Faisons l’éloge de la « fraternité » qui permet de reconnaître l’Autre comme membre de sa famille et donc de partager la vie. Un appel à la fraternité devrait avoir un certain écho à un moment où le président de la République et d’autres mettent tellement en avant les valeurs de la République : Liberté, Égalité, Fraternité. Des valeurs qui perdent leur sens si on oppose les uns aux autres, si on oppose les jeunes et les actifs aux « vieux » et si on ne demande pas aux jeunes de les mettre en action. C’est par l’action que l’Homme est Homme.