Covid-19, SARS-CoV-2 ; peut-on encore éviter le pire en freinant l’épidémie de peur ?

par Bernard Dugué
mardi 3 mars 2020

 Ce texte évoque un possible emballement de la machine sanitaire comme ce fut le cas pour la pandémie H1N1. Si vous pensez qu’il apporte quelques éclaircissements et des questions, diffusez ce texte, surtout auprès des professionnels de santé compétents. Leur avis est important. Pour l’instant, tout indique que l’opinion navigue à vue et que les autorités ont une mauvaise vue.

 

1) Les mauvaises nouvelles tombent de jour en jour. Pourtant, je continue à penser que cette épidémie de Covid-19 n’est guère plus grave qu’une grippe saisonnière. Je vous propose un décodage de la situation et j’en appelle aux cliniciens pour rassembler les données précises sur les décès imputés au Covid-19 et dire la vérité sur ce qui se passe. S’il faut se mobiliser, c’est bien plus contre la peur que contre le virus. Cette menace sanitaire est largement surévaluée. Avec des données incomplètes venues de Chine, les autorités sanitaires, avec la participation des médias de masse, ont construit une menace épidémique sans rapport avec la réalité. Au lieu de privilégier un scénario incertain voire plausible, les autorités misent sur un scénario du pire, moins plausible mais catastrophique. Ce qui correspond à une tendance forte à notre époque. Les Cochet, Servigne, Barrau et autres collapsos nous prédisent un effondrement !

 Il est même possible d’expliquer la construction de cette menace en se référant à quelques penseurs marginalisés comme Ellul ou Luhmann. Dans le Système technicien paru en 1977, Ellul suggérait que « le système technicien fonctionne à l’aveugle. On le constate avec cet épisode sanitaire. Ellul affirmait que nous ne sommes plus une société dominée par l’impératif de production mais par l’émission, la circulation, les réceptions, l’interprétation d’informations multiples : et c’est exactement cela qui achève de donner au système sa constitution ». La pandémie de Covid-19 serait alors plus une réaction du système technicien (santé et politique) qu’un fléau viral.

 Les autorités avaient une alternative ; considérer le virus du Covid-19 comme une forme plus agressive d’un coronavirus ordinaire occasionnant rhumes et grippes ; ou bien le prendre comme une forme moins agressive du terrible virus de 2002 responsable du SRAS. Cette bascule entre deux interprétation change tout en induisant une cascade de réactions sémantiques dans la chaîne des décisions sanitaires et politiques dont on sait qu’elle utilise ses codes telle une machine de Luhmann : « La capacité de différents lignages à se transmettre d’homme à homme est extrêmement importante pour comprendre le développement potentiel d’une épidémie. À cause de sa capacité à se propager chez l’humain et de son fort taux de mortalité, le SRAS (ou un virus semblable au SRAS) est considéré comme une menace de santé publique globale par l’OMS. » (source : nextstrain.org)

 

2) La situation est grave. Le stade 2 est activé et déjà, des mesures contraignantes sont employées. Fermeture des écoles et des marchés dans l’Oise et maintenant, même procédures en Bretagne. Vous vous doutez qu’au rythme des événements, la plupart des départements vont voir des foyers viraux apparaître, occasionnant d’autres fermetures et interdictions. Partout en France, on voit des gens paniquer. Les employés du Louvre ont cessé de travailler. Les rassemblements dans un milieu confiné dépassant les 5000 personnes sont interdits. Il faudrait alors fermer le métro parisien dans lequel des centaines de milliers de personnes sont confinées dans des rames. Cette affaire va se terminer par une panique collective avec le risque de mettre le pays à l’arrêt. Salon du livre annulé, messes interdites, marchés désertés, écoles fermées. La contamination par les peurs bureaucratiques va aussi vite que le nombre de cas répertoriés. La panique s’étend, comme du reste la durée du Covid-19 dans les JT, quelque 20 minutes le midi et le soir.

 

3) Décoder les chiffres. Depuis le début de la crise du coronavirus, les médias balancent des chiffres dont la signification est loin d’être évidente. Le premier mars 2020, les médias annoncent le nombre de décès en Chine diminue, 35 contre 47, alors que le nombre de contaminations augmente, 573 contre 427 la veille et 327 l’avant-veille. Ces éléments paradoxaux en apparence montrent que ces chiffres ne sont pas significatifs. Ils ne reflètent pas forcément la réalité. Le nombre de cas indique uniquement le nombre de tests réalisés dont le résultat est positif. Et les décès correspondent aux remontées des constats effectués par les équipes médicales avec des distorsions non significatives.

 Si on avait effectué la même comptabilité pour la grippe de l’hiver 2018-19, cela aurait donné des centaines de décès chaque semaine pendant deux à trois mois, et quelques millions de cas grippaux recensés. Nous en sommes loin avec le Covid-19.

 

4) Décoder la mortalité. Depuis deux mois, les médias nous abreuvent de chiffres indiquant la contagiosité et la létalité (mortalité). Aucun de ces chiffres n’est fiable. Tout simplement parce qu’ils se basent sur les tests effectués permettant d’apprécier le taux de prévalence du virus dans la population mais cela est impossible. Deux biais cognitifs empêchent d’obtenir le taux exact. Ces chiffres dépendent du nombre de tests effectués et ne tiennent pas compte des sujets porteurs du virus sans symptômes ou alors modestement affectés si bien qu’ils restent chez eux et ne se signalent pas auprès des professionnels de santé.

 La létalité est un indice significatif ; il permet d’apprécier le niveau réel de la menace pandémique. On sait que le H1N1 2009 fut l’une des pandémies grippales les moins sévères. Bien moins en tout cas que les grippes de 1957 et 1968 qui firent le million de morts. La létalité du SARS-CoV-2 responsable de la pathologie Covid-19 n’est pas connue avec exactitude puisqu’elle repose sur un ratio entre patients décédés et patients positifs. Les premières estimations ont donné le chiffre de 3, revu à la baisse (autour de 1) depuis les premières estimations (Au début de la crise, les tests n’étaient pas encore produits en grand nombre et les cliniciens ont privilégié les tests sur les décédés, ne pouvant effectuer les analyses sur tous les patients pris en charge par les autorités sanitaires de Wuhan, si bien qu’un chiffre inexact a circulé). La létalité pourrait être largement en dessous du 1% s’il s’avérait que le nombre de sujets positifs était sous-évalué.

 Le chiffre circulant pour la grippe n’est pas plus fiable. Et il repose sur une méthode différente. En France, les médecins du réseau sentinelle font remonter les données récupérées dans les cabinets de ville et les établissements de santé. Les constats de décès sont effectués par les médecins légistes. Ce qui donne encore des biais cognitifs car la comorbidité n’est pas évaluée et de plus, la présence de la charge virale n’est pas vérifiée. La létalité de la grippe est évaluée avec le nombre de patients ayant présenté des syndromes grippaux pendant l’épisode épidémique.

 Dans une étude réalisée à l’HP de Marseille, le professeur Raoult fait savoir que pour 5000 cas de syndromes grippaux : « près de 2 500 patients ont contracté un virus respiratoire, dont 500 infections à coronavirus (pas la souche chinoise) depuis le début de l’année. Et on ne représente qu’1 % du champ opératoire national » (La Marseillaise, 26/02/20). Ces chiffres incitent à être prudents. Ils indiquent également le nombre de Français infectés par un coronavirus non chinois, quelque 50 000 si l’on extrapole les chiffres de Marseille obtenus sur des patients reçus à l’hôpital. Imaginez le chiffre si on prend en compte la majorité des Français enrhumés ou grippés qui passent à travers le radar des tests.

 

5) Interpréter les données cliniques. Nous en sommes à quelque 3000 décès causés par le SARS-CoV-2 dans le monde. Ce n’est pas énorme pour une pandémie ayant émergé il y a un mois. Même en admettant que le chiffre soit sous-évalué, on est loin de la grippe, ou plutôt des syndromes grippaux avec les quelque 8000 décès enregistrés en France pour le millésime 2018-19. Et comme pour la grippe, le Covid-19 présente des statistiques cliniques comparables. Les décès augmentent en suivant deux facteurs, l’âge et l’état de santé des patients. Les personnes âgées sont en première ligne mais les jeunes semblent épargnés par le Covid-19. Quand ce n’est pas le grand âge qui emporte les malades, ce sont les états de santé chroniques. Sont impactés les insuffisants cardiaques, les diabétiques, les hypertendus, les malades respiratoires. Pour info, la bronchite chronique dite du fumeur occasionne 15 000 décès par ans.

 Les informations communiquées par les instances sanitaires manquent de précision. Lorsqu’un patient est déclaré dans un état grave, il est hautement probable que ce patient soit parmi des cas de facteurs comorbides et qu’il ne représente que l’un parmi les quelques milliers de patients gravement affectés par une affection respiratoire, voire cardiovasculaire. Des dizaines de données cliniques sont livrées à la presse sans détails pour les contextualiser et les apprécier. A se demander s’il ne faudrait pas une agence indépendante capable de centraliser les données.

 

6) Questions moléculaires et cardiovasculaires. Le SARS-CoV-2 comme du reste son homologue de 2003 utilise une protéine S (spike) pour entrer dans les cellules. Cette protéine située à la surface du virus se lie à une autre protéine située sur la membrane des cellules, identifiée actuellement comme ACE2, autrement dit un enzyme de conversion régulant le système rénine angiotensine qui intervient dans la physiologie cardiovasculaire. L’ACE2 se trouve sur les cellules épithéliales de l’appareil respiratoire mais aussi sur les cellules endothéliales des vaisseaux sanguins et du coeur. Ce virus pourrait alors interférer avec le système vasculaire, soit en perturbant le système rénine-angiotensine, soit en infectant les cellules endothéliales vasculaires s’il s’avérait qu’il puisse circuler dans le sang, ce qui reste à établir car pour l’instant aucune virémie n’est envisagée.

 Pour le volet clinique, un bulletin de l’American association of cardiology mentionne que parmi les patients hospitalisés pour cause de Covid-19, 50 % ont une maladie chronique lourde et que parmi cette moitié, 80% ont une pathologie cardiovasculaire, voire cérébrovasculaire. Autrement dit, si le syndrome du Covid-19 est en règle générale une affection respiratoire, les cas graves et les décès seraient liés à une pathologie cardiovasculaire qui pourrait alors être une cause secondaire ou parfois première dans ces décès (comme ce faut sans doute le cas pour le Sars de 2003).

 

7) Que faire ? On en est à se demander si ralentir la propagation du virus est vraiment utile dans un contexte où les mesures prises ressemblent plus à des décisions bureaucratiques visant à montrer que la machine fonctionne. La propagation ne peut pas être puissamment freinée, sauf en arrêtant la vie du pays. Au final, ne prendre aucune mesure de restriction serait une décision tout aussi sage. Il serait juste utile de mobiliser les services de soins pour s’occuper des malades, avec des précautions d’hygiène conventionnelle et un peu de bon sens. La politique et le bon sens ont parfois tendance à divorcer. On n’y comprend plus rien.

 

8) Le virus peut-il muter et devenir dangereux ? Certains le pensent. Pour ma part, j’aurais tendance à proposer un argument contraire. Les virus à ARN mutent, parfois rapidement. Il est plausible que cette mutation se produise lors de la phase d’infection cellulaire, avec la participation de l’épigénome de la cellule hôte. La vie repose sur la gestion efficace des informations moléculaires. On peut penser que les cellules auraient tendance à atténuer la virulence d’une particule dans la mesure où elles disposent d’un « arsenal épigénétique sémantique » conséquent qui du reste a permis à la vie de s’organiser dans un chaos moléculaire et de se perpétuer à travers les espèces. La science dira si cette hypothèse est exacte. Le H1N1 de 2009 a été moins sévère que celui de 1977 qui était beaucoup moins sévère que celui de 1918.

 Il n’est pas impossible que le SARS-CoV-2 soit une réapparition du premier virus de 2002 avec une série de mutations l’ayant rendu plus contagieux mais moins dangereux. Avec probablement des hébergements dans d’autre espèces. Rien n’est certain, les virus circulent le plus souvent sans être détectés, à l’insu des scientifiques.

 Les données centralisées sur les génomes viraux du SARS-CoV-2 semblent indiquer une souche commune issue de Chine puis transmise avec actuellement quelque dix mutations répertoriées en analysant les séquences récupérées sur les cinq continents depuis trois mois. Il semblerait que le corona mute bien plus rapidement que la grippe dont les mutations se produisent à l’échelle d’une année. Les virus circulant en France et en Italie n’ont pas un génome identique et sont différents de celui de analysé à Wuhan il y a deux mois (source : nextstrain.org). Rappelons que ces résultats relèvent de la virologie et n’indiquent pas l’impact du virus dont l’appréciation est dévolue aux cliniciens alors que l’épidémiologie mesure avec les statistiques la propagation de la maladie et du virus.

 

9) Et maintenant ? Honnêtement, le système n’en fait qu’à sa tête et je ne vois pas une armada de cliniciens, intellectuels et citoyens se mobiliser pour freiner cette machine sanitaire et politique lancée à grande vitesse dans des mesures devenues quasi-automatiques ; bref, comme l’aurait prédit Ellul, le système technicien suit son cours.

 

10) Planète. La mondialisation du système de santé crée les conditions d’une suréaction planétaire face à ce virus et c’est ce que l’on constate. La pandémie de Covid-19 nous renseigne sur l’état des sociétés humaines à l’ère de la domination technique. La démocratie est menacée. Les peurs climatiques renforcent cette menace. Les citoyens n’ont plus les capacités raisonnables pour résister à ce système technicien planétaire.

 

Sources utiles :

 

https://www.acc.org/ /media/665AFA1E710B4B3293138D14BE8D1213.pdf

 

https://www.nejm.org/doi/full/10.1056/NEJMe2002387?query=RP

 

https://nextstrain.org/ncov

 

https://www.cdc.gov/coronavirus/2019-ncov/about/index.html

 


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