Crise du Porc : Quand le productivisme agricole industriel mondial s’enraye

par SaeD
samedi 15 août 2015

Les négociations en cours qui devraient aboutir à un compromis d’ici quelques jours entre le gouvernement et les industrielles de la filière porcine, ne résoudront pas la problématique du productivisme alimentaire international.

Au mois de juillet, des milliers d’agriculteurs ont manifesté partout en France contre la faiblesse des prix de vente de leurs productions porcines, bovines et laitières. Ils ont justifiés leurs actions par des prix à la vente qui ne couvrent plus les coûts de productions, les cotisations sociales, le prix des aliments pour les animaux et autres charges (médicaments, carburant…). Les barrages qu’ils ont érigés, à pousser le gouvernement à présenter en urgence un « plan de soutien à l’élevage Français » doté d’une enveloppe de 600 millions d’euros. Pour la filière porcine, le ministère de l'agriculture s’est engagé à faire remonter le prix du kilo de porc, à baisser les cotisations sociales, et à favoriser une meilleur redistribution des marges entre les producteurs, les intermédiaires (abattoirs, transporteurs, négociants…) et la grande distribution. Suite à ces annonces, la coopérative Cooperl et la société Bigard-Socopa qui sont les deux plus gros acheteurs et transformateurs de viande porcine en France (30% du marché national) ont décidé de boycotter la cotation des produits du Marché du porc breton. Cette décision se traduit aujourd’hui par un refus de leurs parts, à s'aligner à l’achat sur le prix revalorisé par le ministère de l'agriculture, soit 1,40 euro le kilo. Ils estiment en effet que ce tarif est trop élevé, notamment par rapport aux prix pratiqués en Espagne et Allemagne qui ont des coûts sociaux d'un rapport de 1 à 3 avec la France. Ces derniers s'estimant lésés, car le porc français est trop chère et pas compétitif à l'export, et ils se considèrent donc incapables de tenir le choc face à la concurrence européenne et internationale. La situation actuelle est d’ailleurs assez absurde : L’Allemagne produit le double de la France et vend à perte, et l’hexagone qui était encore il y a quelques année le premier producteur européen de cochons importe aujourd'hui 20% de ses jambons. Les exportations françaises se limitant désormais aux sous-produits comme les abats, les pieds ou les oreilles, surtout vers la Chine.

On voit donc bien que le problème du porc est beaucoup plus vaste que celui de la simple survie des éleveurs et des industrielles. Ces crises à répétition révèlent les failles du libéralisme économique qui n’estime plus la production porcine comme une activité agricole, mais comme une activité purement industrielle "hors-sol", où les prix s’autorégulent selon la loi de l’offre et de la demande du marché. Dans ce vaste marché du travail d’élimination pure et simple des "petits" au profit des "gros", les financiers oublient de dire que les prix sauf dans les créneaux de qualité reconnue, ne tiennent pas compte des différences réglementations sanitaires, normes environnementales, et autres valeurs monétaires des cotisations sociales en vigueurs quand elles existent pour protéger les salariés. C’est d’ailleurs dans cette même logique que les critères d’ajustements des néo-libéraux à l’internationale se traduisent dans les faits par des écarts de salaires de 1 à plus de 80, l’expansion accrue des monocultures, l’accaparement des terres partout dans les pays pauvres, la destruction de l’agriculture vivrière, des pollutions qui contaminent les nappes phréatiques, et des problèmes de santé publique sont visibles dans bon nombres de pays peu regardant sur leurs législations environnementales. Cette logique d’élevage à grande échelle exploite pour un salaire de misère les ouvriers agricoles, maltraite les animaux, méprise l’environnement, détruit plus d’emplois qu’ils n’en créent et permet aux patrons de l’agroalimentaire de faire de larges profits. C’est cette même libéralisation des marchés qui engendre une destruction et un gaspillage du tiers de l’alimentation produites dans le monde chaque année. La surconsommation des pays riches met en effet à la poubelle 670 millions de tonnes de nourriture, et le manque d’infrastructures volontaire des pays pauvres en annihile 630 millions de tonnes. Un tel gâchis provient des politiques marketings elles-mêmes, qui régulent volontairement les quantités de denrées alimentaires végétales et animales mises en vente pour obtenir le maximum de bénéfices. Dans ces conditions, les protagonistes de l’économie du marché qui fonctionnent selon les lois de l’offre et de la demande, détruisent les surplus économiquement non-rentable et spéculent sur le prix des produits agricoles. Cette aberration tue ainsi impunément 5 millions d’enfants chaque année, et fait souffrir 925 millions personnes par jour dans le monde.

Si l’on veut mettre en place une politique agricole internationale ambitieuse au service de l’intérêt général des peuples, il faut d’une part donner les moyens à chaque pays de mettre en place sa souveraineté alimentaire, offrir des emplois et des revenus décents aux salariés du monde agricole, produire une alimentation de qualité nutritive et gustative partout dans le monde, œuvrer à la transition écologique de l’agriculture en produisant de façon agroécologique, et il est primordial d’ériger des normes d’importations drastiques pour éviter le dumping fiscale. D’autre part, il est temps que les citoyens consommateurs se mettent à consommer autrement en privilégiant les produits respectueux du bien-être animal, et qu’ils décident de manière générale à consacrer un pourcentage plus important de leurs revenus à la nourriture, à la santé, et au développement de sa région pour un meilleur vivre ensemble.

SaeD


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