De l’injonction d’accueil des migrants et des classes populaires

par Laurent Herblay
mercredi 9 septembre 2015

Bien sûr, dans les conditions actuelles, avec l’émotion générée par les réfugiés de Syrie, il peut paraître à certains presque inhumain de ne pas ouvrir les bras sans retenue. Pourtant, les sondages indiquent que l’opinion publique est loin d’être aussi unanime que les grands médias. Pas illogique.

 
Du devoir d’accueil des réfugiés
 
Dans l’immense majorité des médias, la question est entendue, et le traitement de l’information est sans la moindre nuance. On peut le comprendre, humainement. Après tout, il s’agit d’une expression de solidarité humaine bien compréhensible pour qui voit la photo du petit Syrien de trois ans mort sur une plage. Si la machine à émotions tourne à plein, je crois qu’elle le fait de manière sincère, tripale, primaire en un sens. L’actualité charrie depuis des mois les horreurs commises par Daech et, dans le passé, les guerres ont provoqué des exodes où des réfugiés ont pu compter sur l’accueil d’autres pays. Dimanche, 66 artistes ont lancé un appel à « tendre la main aux réfugiés  », les grands médias développant longuement les gestes de solidarité de citoyens français à l’égard des réfugiés.
 
Pourtant, les rassemblements de dimanche n’ont pas attiré grand monde. Parallèlement, se développe un discours de dénonciation de l’égoïsme et du repli. D’abord, ont été visés les Etats qui ne laissent pas les frontières grandes ouvertes (Laurent Fabius se permettant de critiquer la Hongrie pour poser des clôtures, comme si les frontières de Schengen ne devaient pas exister). Puis, ceux refusant les quotas obligatoires de la Commission (comme s’il était nécessaire de passer par Bruxelles pour fixer un chiffre). Se développe peu à peu une critique de ces classes populaires réticentes à l’accueil des migrants (même à droite, avec Jean-Paul Delevoye). En effet, les sondages semblent indiquer clairement que le degré d’acceptation de l’accueil de ses populations croît avec la condition sociale.
 
Un deux poids deux mesures
 
Les Marie Antoinette de notre époque considèreront sans doute que les classes populaires manquent de générosité ou d’ouverture à l’autre comme le théorise Raphaël Enthoven sur Europe 1. Mais comme la reine de France ne parvenait pas à comprendre que quand il n’y a pas de pain, il n’y a pas de brioche non plus, les élites du pays ne comprennent que cette injonction sans nuance d’accueillir les migrants est assez violente pour des classes populaires littéralement abandonnées par nos dirigeants depuis plus de trente ans. Elles ont largement été éjectées des centres urbains, trop chers pour elles, les rendant particulièrement sensibles aux variations du prix du pétrole. Ce sont elles qui subissent les délocalisations et le chômage qui en suit, et que personne ne semble vouloir véritablement freiner.
 
Ce sont elles qui subissent aussi le gel du SMIC, quand certaines factures ne cessent de monter, comme pour certains services publics, qui n’en ont plus que le nom, quand ils ne ferment pas. Ce sont elles qui subissent la pression d’une course effrénée à la productivité, dont elles ne tirent généralement aucun profit. Ce sont elles qui s’inquiètent pour l’avenir de leurs enfants, qui se sentent abandonnés par des politiques qui ne les écoutent plus, quand ils ne leur font pas des promesses qu’ils ne tiennent pas. Du coup, même si le sort des réfugiés Syriens est dur, comment ne pas imaginer que toute cette solidarité qui s’étale pour ceux qui ne sont malgré tout que des étrangers, ne les choquent pas quelque peu, surtout quand ils entendent des réfugiés dire qu’ils espèrent qu’on leur trouvera un logement…
 
Bien sûr, il n’est pas illégitime d’aider les réfugiés Syriens, mais il faudrait quand même s’interroger sur le message envoyé par notre société aux classes populaires, que l’on somme un peu imprudemment et injustement d’être généreux quand on ne l’est jamais avec elles.
 

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