De l’instinct de domination au sadisme

par Gilles Mérivac
samedi 20 octobre 2018

Alan Turing : "Savez-vous pourquoi les gens aiment la violence ? Parce qu'elle leur permet de se sentir bien." (extrait du film : The imitation game)

L'héritage génétique

Les premiers pas de l'espèce humaine sur notre planète furent aussi précaires que pour les autres espèces, il fallait lutter contre sans cesse contre les grands prédateurs et assurer sa subsistance dans des endroits où les ressources étaient maigres. Bien des groupes se sont éteints, d'autres ont franchi des distances considérables, mais la flamme vacillante de la vie humaine a fini par embraser le monde entier.

La raison de ce succès évolutif n'est pas dû seulement à l'intelligence, mais aussi à la volonté d'imposer sa loi sur le reste de la nature, le désir insatiable de conquête, c'est-à-dire de l'instinct de domination. C'est lui qui entraîne les meneurs d'hommes à faire combattre leurs armées et à bâtir des empires. Dans cette soif de pouvoir, la soumission des âmes s'accompagne le plus souvent par des actes de cruauté, la frontière entre la volonté de puissance et le sadisme étant presque inexistante.

Dans une expérience célèbre, Stanley Milgram distribuait des rôles d'enseignant et d'élèves à des volontaires. Les élèves sont en réalité des comparses, et les volontaires sont toujours désignés comme enseignants. On demande à ceux-ci d'appliquer des des décharges électriques aux élèves quand les réponses sont fausses, et les élèves simulent la douleur. Le but de l'expérience était de montrer que la soumission à l'autorité était un phénomène commun et très répandu.

Mais il y a une autre explication beaucoup plus perturbante selon laquelle le plaisir d'infliger de la souffrance qui est en germe en chacun de nous a pu s'exprimer grâce à l'aval de l'autorité. Elle a été rejetée par Milgram sous le prétexte que la tension maximale n'était jamais appliquée, mais l'argument est plutôt faible. De nombreuses observations montrent au contraire que cette hypothèse est la bonne, par exemple le phénomène des "têtes de turcs" dans les écoles, qu'Alan Turing avait pu constater à son détriment.

En tout cas, ce qui est certain, c'est que ce n'est pas l'élévation spirituelle qui a permis à l'humanité de régner partout dans ce monde, mais une féroce volonté de s'imposer par tous les moyens, et ce trait génétique est bien présent aujourd'hui.

Cinquante nuances de l'instinct de domination

Comment s'exprime cet instinct dans une société relativement apaisée et soumise à des lois et règlements de plus en plus complexes ? Ainsi que l'avait compris le marquis de Sade, la sexualité en est un domaine de prédilection et lui est lié inextricablement, que cela nous plaise ou non. Si ce n'était pas vrai, les oeuvres du marquis ne seraient jamais rééditées.

Les gouvernements savent très bien combien l'attraction sadique est puissante chez certains êtres, et ils préfèrent la plupart du temps l'utiliser à leur profit plutôt que la contrer vainement. Presque tous les régimes comprennent des groupes à la limite de la légalité et qui ne sont presque jamais sanctionnés pour leurs exactions, ou alors de manière superficielle. Au Brésil, c'était les "escadrons de la mort", le KGB en URSS, et en France nous avons les Black Bocks et les antifas qui assument ce rôle.

Plus prosaïquement, dans la vie de tous les jours, chacun connait des gens dont le seul souci semble être de pourrir la vie de leur voisinage. Le procédé le plus courant est le bruit, que ce soit de grosses sonos de voiture ou d'appartement, parfois on utilise aussi les chiens, il y a ceux qui portent plainte à tout bout de champ pour des motifs futiles comme des réparations, l'imagination peut être très fertile.

Une autre manière de régner sur le domaine public est d'utiliser la tolérance de certaines manifestations en débordant constamment des limites, comme ces mariages arabes avec force cris et pétarades et occupation maximum des rues. Ce n'est évidemment qu'un prétexte pour affirmer leur emprise et leur suprématie sur le quartier.

Quelle solutions ?

La biologie nous apprend qu'il existe deux circuits antagonistes dans l'être humain, le plus connu est celui de la douleur et le second, le circuit dit de récompense. Cependant, leur fonctionnement n'est pas le même, si la douleur est une réponse instantanée dont le but est de permettre de corriger un comportement dangereux, la récompense est plus durable et est capable d'orienter une personne vers des buts positifs pour toute une vie.

L'éducation des enfants devrait être consacrée à éveiller ce circuit de récompense grâce à leur curiosité naturelle. Ce n'est pas évident, car les dispositions et les talents de chacun peuvent être très divers, il faut donc simplement créer les conditions pour que cela arrive, et quand l'enfant se passionne pour quelque chose, c'est le signe d'une éducation réussie.

Quand un musicien crée une oeuvre, qu'un techicien trouve un meilleur procédé qu'avant, qu'un professeur trouve le moyen de transmettre sa culture, ils trouvent une récompense dans ce qu'ils font, et l'instinct de domination passe à l'arrière plan et est complètement occulté, c'est comme s'il n'existait plus.

Le but de la vie n'est pas la recherche de la richesse, ni même du bonheur, c'est l'amélioration de soi-même, chaque petite victoire personnelle nous rend vraiment heureux. Chacun d'entre nous dispose en réalité très peu de choix, même un prince d'Angleterre, nous sommes nés dans un environnement et des conditions auxquelles nous ne pouvons rien. Mais ce que nous pouvons tous faire, c'est nous améliorer.

La personne qui essaie de se rendre meilleure, même si elle est très défavorisée par le sort, a droit à mon plus grand respect, mais pas celle qui pleurniche et qui rejette la faute sur les autres. Car nous sommes tous logés à la même enseigne.


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