De Zemmour et de la démocratie

par Laurent Herblay
lundi 5 janvier 2015

Cela a été une polémique du mois dernier : le renvoi d’Eric Zemmour d’Itélé suite à des propos tenus sur les musulmans. Une grande partie de la gauche a applaudi, quand la droite l’a soutenu avec le renfort de figures de la gauche, comme Jean-François Kahn, qui a dénoncé une « fatwa médiatique  ».

Délit d’opinion et totalitarisme intellectuel
 
Le cas Zemmour est sans doute symptomatique de notre époque, de la difficulté, ou du refus, de débattre, et de la crispation, pour ne pas dire de la radicalisation, du débat. J’y reviendrai bientôt dans le compte-rendu du « Suicide Français  », que je suis en train de lire. Même si l’on peut comprendre qu’un média ait une préférence idéologique et propose une lecture un peu partisane de l’actualité, comment ne pas voir que sur de nombreux sujets, la grande majorité des médias sont tous d’accord, qu’ils soient de gauche ou de droite ? Le comble a sans doute été atteint en 1992 et en 2005 sur les référendums européens, avec un véritable divorce entre l’opinion médiatique et celle de la population.
 
Dès lors, dans ce cadre, même sans être d’accord avec une bonne partie de ce qu’avance Zemmour, des personnes comme Jean-François Kahn ou Michel Onfray, ont pris position en faveur de l’éditorialiste auteur d’un succès de l’année en librairie. Pour ce dernier, « en France, on ne polémique plus : on assassine, on méprise, on tue, on détruit, on calomnie, on attaque, on souille, on insinue  ». Il semble y avoir un refus du débat démocratique, auquel Zemmour participe en apportant une voix différente de celle de la grande majorité de ceux qui sont invités dans les grands média. En ce sens, le renvoi d’Eric Zemmour est plutôt regrettable car il peut représenter un appauvrissement du débat.
 
Opinion et responsabilité

Malgré tout, cette vision des choses est peut-être insuffisante. D’abord, il ne perd qu’une de ses tribunes, puisqu’il officie toujours sur RTL et Le Figaro, qui offrent bien plus d’audience encore à ce qu’il dit. En outre, même si je peste moi aussi sur l’uniformité bien trop forte de nos grands médias depuis plus de vingt ans, il faut noter qu’avec Natacha Polony, la pensée alternative a gagné un relais d’influence. Au global, ce n’est quand même pas parce qu’Eric Zemmour n’officiera plus sur Itélé que la démocratie serait en danger dans notre pays. Ensuite, ce faisant, Itélé s’expose à la réaction de ceux qui l’apprécient, qui peuvent déserter son antenne, et ainsi la sanctionner, par la baisse de son audience.

Et on peut aussi se demander si cette décision n’est pas injustifiée. Après tout, ce n’est pas parce qu’un média accorde une tribune à une personne qu’il doit y avoir droit à vie, quel que que soit ce qu’il dit ou fait. Itélé a le droit de penser que les propos de Zemmour dépassent le cadre qu’elle souhaite donner à son antenne. L’éditorialiste doit aussi assumer ce qu’il dit ou écrit et en accepter les conséquences. La frontière avec l’irresponsabilité semble ténue ici. Et pour avoir lu un tiers de son livre, et même si je suis d’accord sur certaines analyses, une grande partie est très critiquable et on peut y voir une forme de radicalisation, en partie compréhensible, mais parfois un peu inquiétante.

Voilà pourquoi, même si je pense que le débat n’est pas assez ouvert dans nos média, je ne suis pas particulièrement choqué par la décision d’Itélé. Après tout, les propos de Zemmour sur une Allemagne trop métissée pour gagner la coupe du monde ont des relents bien désagréables.


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