Débat, éducation, économie : l’horreur numérique

par Laurent Herblay
mardi 27 février 2018

Bien sûr, la révolution numérique n’a pas que des aspects négatifs  : elle donne la parole et permet à quiconque le souhaite de défendre ses idées sur un blog par exemple. Mais plus le temps passe, et malgré la fascination qu’exerce cette révolution sur beaucoup, le voile de fumée s’effrite, de la désertion fiscale à leur impact plus général sur nos vies ou le débat public.

 

Ces cris d’alarme qui se multiplient
 
Marc Dugain et Christophe Labbé ont publié « L’homme nu », un livre qui a remarquablement synthétisé les dérives apportées par cette révolution numérique. Un nouveau papier de la Tribune décrit les pratiques révoltantes d’Alphabet, la maison mère de Google, qui a transféré en 2016 pas moins de 15,9 milliards d’euros des Pays-Bas vers une société écran aux Bermudes pour éviter de payer des milliards d’impôts. C’est la technique du « double irlandais  » et du « sandwich néerlandais  ». J’avais rapporté récemment que les GAFA se débrouillent pour facturer plus de 90% de leurs revenus réalisés en France ailleurs, une forme de vol légal d’1,5 milliard d’euros d’IS par an pour 4 entreprises  !
 
Se pose aussi la question de l’effet de cette révolution sur le débat public. Beaucoup ont pointé la fermeture provoquée par les réseaux sociaux, où ne résonnent que des opinions similaires, comme des pro-bremain l’avaient témoigné après le référendum sur le Brexit, qu’ils n’avaient pas vu venir au regard de fils d’actualité où leurs contacts votaient tous Bremain. On peut aussi voir d’un œil méfiant la chasse aux soit-disantes fausses nouvelles, qu’analyse remarquablement Frédéric Lordon, qui ressemble parfois à une chasse aux sorcières, pour laquelle Facebook rémunère désormais le Monde, après l’avoir dépouillé d’une bonne partie de ses recettes, créant un drôle de meilleur des mondes…
 
Beaucoup, comme les auteurs de « L’homme nu  », pointent le caractère malsain de l’avènement des Big Data sur nos vies. Denis Olivennes pointait récemment dans le Figarovox le fait qu’aucune dimension de nos vies n’échappe plus à la connaissance des géants d’Internet, qui pourrait les transformer en Big BrotherDans un article extrêmement bien documenté, Marianne racontait toutes les nouvelles formes d’espionnage de Facebook, qui peut suggérer des amis en fonction de la géolocalisation des téléphones des personnes qui se croisent et échangent ensemble, ou reconnaître automatiquement les personnes présentes sur un photo, sans la moindre indication de la personne qui la poste.
 
Une littérature grandissante pointe les effets délétères de cette révolution numérique sur l’humanité et la jeunesse. Un ancien cadre de Facebook dit croire que « nous avons créé des outils qui déchirent le tissu social, (qui) détruisent le fonctionnement de la société (…) vous ne comprenez pas, mais vous êtes programmés  », dénonçant une « renonciation à l’indépendance intellectuelle  ». Certains voient un lien avec la hausse du nombre de suicide des jeunes filles de 65% de 2010 à 2015 quand d’autres pointent que Bill Gates interdit l’usage de smartphone avant 14 ans à ses enfants, que Steve Jobs interdisait l’Ipad à ses enfants ou qu’il y a une école non connectée dans la Silicon Valley.
 
 
Et pour couronner le tout, un juge anti-terroriste a accusé Facebook et Twitter de complicité avec la propagande de Daech. S’il ne s’agit pas de refuser toute évolution, ce qui est frappant ici, c’est le laisser-faire total dans lequel cette nouvelle économie se développe. Nos politiques semblent tétanisés à l’idée de la moindre critique, ou pire, régulation, sur un univers qui en aurait pourtant bien besoin.

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