Délinquance : le facteur culturel mis en évidence par un sociologue

par Douglas Barr
vendredi 17 septembre 2010

C’est le livre dont tout le monde commence à parler. Un coup de tonnerre dans l’univers du politiquement correct. Les partisans de Zemmour s’en frottent déjà les mains... peut-être à tort.

Le sociologue Hugues Lagrange publie "Le Déni des cultures". Un livre qui semble briser un tabou. Selon lui, le taux de délinquance varie en fonction de l’origine culturelle : ainsi, dans un même milieu social, la délinquance est beaucoup plus forte chez les Noirs d’origine sahélienne que chez les autres groupes. Suivent les Maghrébins, les Noirs hors Sahel et les Turcs. Les Européens et les Français (de souche) connaissent un taux de délinquance nettement plus bas.
 
Présentation de l’ouvrage sur Wikipédia : "Hugues Lagrange part du constat statistique qu’il y a, parmi les « mis en cause » dans les procès-verbaux de police judiciaire (antérieurement à toute décision judiciaire donc, sachant qu’une personne suspectée est présumée innocente), une surreprésentation de jeunes personnes issues de l’Afrique sahélienne, pour ensuite chercher les causes de ce phénomène. En plus de l’influence de l’origine sociale, il estime que des différences culturelles (mais pas ethniques) expliquent cette situation. Selon lui, les familles de ces jeunes « mis en cause » sont en difficulté financière, sans formation et avec une appréhension très limitée de la culture du pays d’accueil, ce qui affecte les jeunes à travers leur socialisation familiale."
 
Les émeutes de 2005 ont fourni le point de départ de ses réflexions. Et le 7 juin 2006, le sociologue pouvait déjà déclarer au Monde : "Pendant les émeutes, beaucoup d’observateurs ont signalé que les jeunes Noirs étaient aussi nombreux que les jeunes Maghrébins. Cela traduit, en réalité, une surreprésentation, dans la mesure où les premiers sont quatre fois moins nombreux sur le territoire. Il ne s’agit pas d’un problème de couleur de peau mais des conditions dans lesquelles s’opère l’éducation de ces jeunes."
 
Dans L’Express, Lagrange décrit aujourd’hui les difficultés que rencontre dans la société française un enfant originaire du Mali : "un enfant pauvre d’origine malienne a plus de risques de décrocher que les autres au primaire, par exemple. Certainement pas parce qu’il est noir, ni musulman, ni moins doué. Mais parce qu’il s’est construit autour de valeurs familiales bancales, que la plupart de ses voisins "de souche" ignorent. "Dans les familles subsahariennes arrivées récemment en France, près de 30% des hommes mariés sont polygames", constate sobrement le spécialiste. Les femmes sont aussi jusqu’à quinze ans plus jeunes que leur mari et ont chacune, en moyenne, entre 6 et 7 enfants. Lesquels sont, culturellement encore, généralement livrés à eux-mêmes avant d’avoir atteint l’âge de trois ans... Autant dire qu’ils entrent à l’école de la République désarmés. Faute d’encadrement spécifique, ils en sortiront détruits."
 
Dans France Soir, il poursuit son analyse : "Dans les familles d’Afrique sahélienne, les fratries sont plus grandes (entre six et sept enfants) et l’écart entre les époux est plus important (le père étant souvent plus âgé). Or avec une fratrie plus étroite, comme dans les familles d’origine du golfe de Guinée, de meilleurs résultats scolaires sont associés. Avec un père plus vieux, ces familles souffrent aussi - à l’opposé de ce que l’on entend souvent - non pas d’un grand manque d’autorité mais d’autoritarisme patriarcal très fort. Les structures familiales autoritaires sont plus fortes s’il existe un grand écart d’âge dans le couple parental. Alors qu’au Mali, l’éducation est faite par le groupe et la collectivité, la femme est donc entourée de ses frères et de ses parents, elle subit moins de discriminations au sein de la famille et le père n’a pas besoin d’assoir autant son autorité. Or en France, l’adaptation de ces familles venues du Sahel fait que souvent ces jeunes femmes sont recluses chez elles avec moins de famille à leurs côtés et ne travaillent pas. Ce qui élève peu de sentiments de fierté chez leurs enfants. Seulement, l’une des conditions la plus répandue pour une réussite scolaire passe par le niveau culturel de la mère."
 
Le journal de France 2 a rendu compte de la sortie du livre du sociologue et du débat qu’il ne va pas manquer d’ouvrir. Le reportage offre les réactions de Dominique Sopo (SOS Racisme), Patrick Lozès (CRAN), Manuel Valls (PS) et Eric Raoult (UMP).
 
 
Sur Public Sénat, Hugues Lagrange a été directement interviewé et a pu préciser la manière dont il convenait de comprendre son travail, propice aux récupérations politiques.
 
 
Malika Sorel, membre du Haut Conseil à l’Intégration, a également souvent tissé un lien entre culture et délinquance, et plus généralement entre la culture de l’immigré (à fonctionnement tribal) et sa difficulté d’intégration (dans la société occidentale qui valorise la liberté individuelle).
 
 
Pour remédier à cette situation difficile, indique Arrêt sur images, Hugues Lagrange suggère de "découpler la mixité sociale et la mixité culturelle", c’est-à-dire de ne pas essayer d’envoyer des familles des classes moyennes européennes dans les quartiers sensibles, leur installation réussie lui semblant une utopie. Il propose plutôt, par exemple, le "maintien à proximité de la cité d’une élite d’origine maghrébine qui en est issue", "susceptible de contribuer à maintenir la dynamique positive dans les familles qui ont des liens directs avec ces jeunes ménages".
 
Lagrange prône également un effort de valorisation des femmes africaines, clé de voûte de la réussite de leurs enfants en France : "Pour lutter contre l’autoritarisme patriarcale dont le premier danger est l’infériorisation de la femme, il faut accentuer le taux d’activité féminin dans les quartiers pauvres", propose-t-il dans France Soir.
 
Le débat est donc lancé autour du livre-événement de la rentrée, Le Déni des cultures, que les politiques ne devraient plus tarder à récupérer, dans un sens ou dans un autre.

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