Des chiffres officiels de la délinquance bidonnés ?

par Sébastien Ticavet
jeudi 20 novembre 2008

Le dernier rapport annuel de l’Observatoire national de la délinquance le révèle : le nombre d’agressions physiques est très largement sous-estimé en France.

Fondée sur une vaste étude réalisée pendant deux ans auprès de 22 000 personnes, l’enquête de l’Observatoire évoque plus de 1 400 000 faits de délinquance en 2007, pour seulement 273 000 plaintes auprès des services de police et de gendarmerie.

Pire, elle indique que les violences physiques ont augmenté ces deux dernières années, contrairement à ce qui apparaît dans les statistiques officielles du ministère de l’Intérieur, toujours très médiatisées (-11% depuis 2002).

Certes, nous sentions bien que les chiffres officiels ne reflétaient pas la réalité. La délinquance était déjà censée diminuer depuis 3 ans en 2005 quand se produisirent les émeutes généralisées d’octobre et novembre.
Des faits divers de plus en plus violents sont sans cesse répertoriés. Encore tout récemment, dans le Vaucluse, on brûlait le drapeau français sous les yeux des policiers. Les bagarres entre bandes se multiplient, et atteignent désormais le centre de nos grandes villes.

Mais cette fois-ci, avec le rapport de l’Observatoire national de la délinquance, le doute n’est plus permis : l’insécurité ne recule pas. Au contraire, elle prospère.


Alors d’où vient ce décalage entre réalité alarmante et chiffres rassurants ?

1. En premier lieu, d’une culture de la manipulation des chiffres, très forte en France depuis plusieurs années. Les statistiques du ministère de l’Intérieur sont à l’évidence bidonnées. Et elles le sont tout particulièrement depuis 2002 et l’arrivée place Beauvau de Nicolas Sarkozy, qui avait fait de la lutte contre la délinquance son fonds de commerce.


2002, miracle, correspond justement à l’amorce de la baisse dans les statistiques, alors que dans le même temps les effectifs de la police et de la gendarmerie commençaient leur lente mais sûre décrue...

La manipulation des chiffres ne se limite d’ailleurs pas à l’insécurité. On vient encore d’en avoir une preuve flagrante concernant le taux de croissance de l’économie au dernier trimestre. Comment expliquer que les Etats-Unis, le Japon, l’Allemagne, le Royaume-Uni et l’Italie soient en récession, alors que la France, seule, ne l’est pas, à 0,14% près selon Madame Lagarde ?...
Peut-être tout simplement parce que ces pays n’ont pas la chance d’avoir l’INSEE...Ce même INSEE qui il y a quelques années nous assurait, sur commande évidente du pouvoir politique, que l’inflation n’existait pas en France et que l’euro n’avait pas entraîné de hausses des prix.

==> Pour des raisons électorales et politiques, on a donc sciemment construit une fausse réalité de la délinquance, qui craque aujourd’hui de toutes parts.


2. Deuxième explication de ce décalage, plus technique mais soulignée par de nombreuses études, la mise en place depuis quelques années d’"indicateurs de performance" et "d’objectifs et valeurs-cibles" dans les services de police et de gendarmerie.
Dépend de l’atteinte ou pas de ces objectifs le niveau des primes de performance que touchent désormais les différents directeurs d’administration du ministère de l’Intérieur. En résumé, bons chiffres = du beurre dans les épinards.

Ces objectifs et indicateurs figurent noir sur blanc dans un document présenté chaque année au mois de juin au Parlement, les "Projets annuels de performance". Il est nécessaire de s’y plonger pour comprendre les mécanismes de manipulation des chiffres.

L’un de ces indicateurs s’intitule : "Nombre de crimes et de délits constatés". Le document précise qu’"il doit évoluer à la baisse".
Tout cela n’est que bon sens. Aucune politique ne vise l’augmentation du nombre de crimes et de délits constatés...

Sauf que ce mécanisme est extrêmement pervers dans la mesure où il se focalise sur les "crimes et délits constatés", et qu’une dégradation des statistiques se traduit très prosaïquement par l’absence de prime de performance pour les chefs de service.
L’objectif, on le comprend aisément, est dans ce contexte d’inciter les victimes à ne pas porter plainte.

==> Ce mécanisme n’est pas la résultante d’une trop grande naïveté du pouvoir politique qui l’a mis en place. Ses conséquences avaient été pesées, et voulues. A la clé, ce qui était recherché était la baisse de la délinquance, dans les statistiques.


Le sentiment de progression de l’insécurité n’est donc pas un fantasme.
Quand on y réfléchit, rien d’ailleurs ne pourrait expliquer une baisse de la délinquance. Le nombre de policiers et de gendarmes a déjà été fortement réduit. La tendance s’accélérera encore avec la "Révision générale des politiques publiques".
Les problèmes liées à l’immigration et aux banlieues n’ont pas été traités à la racine.
Dans ce contexte, une diminution de l’insécurité aurait relevé du miracle.
Et les miracles sont malheureusement très rares.

Voyons désormais comment les grands médias réagiront aux révélations de l’Observatoire de la délinquance. Continueront-ils à passer sous silence la plupart des événements dramatiques que connaissent chaque jour les multiples zones de non-droit de notre pays ? Continueront-ils de nous faire croire que le problème de l’insécurité est réglé depuis 2002 ?

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