Des flics à la maternelle
par Gwendal Plougastel
mardi 14 décembre 2010
La France a retenu son souffle au cours d’un début de journée interminable. Un homme âgé de 17 ans a en effet pris en otage des élèves et une institutrice d’une école maternelle de Besançon une matinée durant ce lundi. Avant que le GIPN ne maitrise l’individu et ne libère les derniers enfants à la mi-journée.
Il y a du bon à faire la grasse matinée, parfois. Une certaine frange de la population française se sera ainsi épargné quelque angoisse, pour peu que le sort d’enfants entre trois et cinq ans interpelle l’opinion. Une prise d’otages a en effet eu lieu en ce 13 décembre au sein d’une école maternelle de Besançon, après qu’un individu âgé de seulement 17 ans, et armé de sabres, ait pris possession d’une salle de classes.
Quelques heures auront suffit à clore le triste fait divers. Alors que les ¾ des élèves furent assez rapidement relâchés peu après 9 heures, les 5 derniers enfants furent libérés en même temps que leur institutrice en tout début d’après-midi, suite à l’intervention du GIPN, au moment où le ministre de l’Education Nationale Luc Chatel venait d’arriver sur les lieux.
Toute prise d’otages au sein d’une école renvoie inexorablement à Neuilly en mai 1993. 46 heures durant, Human Bomb, qui la tenait justement dans ses mains, avait créé instantanément sans le vouloir la première séquence de télé-réalité de l’Histoire du pays. Balladur et Pasqua ne lui avaient alors pas donné un quart d’heure de célébrité de plus, lorsque le RAID prit l’assaut 2 jours plus tard, libérant les 6 dernières têtes blondes et achevant le terroriste.
Où sont passés mes 17 ans ?
Au delà du contexte qui peut prêter à confusion, cette affaire de l’école de Besançon n’aura en rien été similaire au précédent Neuilly, de par les caractéristiques du personnage principal. Tout d’abord, le jeune âge du forcené, mineur, interpelle. Un gamin de 17 ans qui vit chez sa mère et passe un CAP industriel, ça tranche avec le profil de celui qui peut engendrer une tragédie nationale. Ensuite, alors que la prise d’otages était encore en cours, les informations avaient permis d’en savoir plus sur le garçon, à savoir qu’il était connu pour être dans un état dépressif au moment des faits ce matin.
Alors que HB, armé d’explosifs comme son nom l’indiquait, demandait une rançon astronomique, le forcené « au bout du rouleau » souhaitait lui en finir avec la vie. Il a ainsi demandé une arme pour se suicider, lors des échanges vocaux avec le GIPN. Aux dires de l’institutrice et des parents d’élèves, malgré la présence d’un intrus, les enfants ne furent jamais apeurés durant ces quelques heures de huis-clos forcé.
Si certains drames récents dans des lycées en Europe et aux USA, suite à des tueries, avaient laissé place à des analyses sociologiques, le fait divers du jour, tout comme celui de mai 1993, ne peut être vu que sous un point de vue purement psychologique : un homme en désespérance, pour divers motifs, cherchant à attirer l’attention. Alors que la tentative d’Eric Schmidt à Neuilly avait quelque chose d’un « Grand Soir » sans queue ni tête, l’acte de ce mineur, aujourd’hui, aura eu des allures d’appel à l’aide. D’un ado qui revient sur les lieux de l’insouciance, son école maternelle, pour qu’on le ramène à la vie avant qu’il ne s’en éloigne à jamais.
Voilà le genre de faits divers qui continuera à diviser le monde en deux catégories. Les pessimistes estimeront que le danger peut être partout, à tout moment. Les optimistes se diront qu’une fois de plus, la vie a été plus forte que la mort. Pour sabrer, on attendra le réveillon.
Gwendal Plougastel