Des « Gay Games » qui posent question

par Fergus
mardi 8 octobre 2013

Après avoir perdu l’organisation des Jeux Olympiques de 2012 au profit de Londres, la ville de Paris a – modeste compensation – décroché lundi l’organisation en 2018 des « Gay Games » au détriment de sa concurrente britannique. Un succès dont se félicitait mardi matin sur l’antenne de France-Inter le maire de la capitale Bertrand Delanoë. Mais au fait, les « Gay Games », de quoi s’agit-il ?

Officiellement, les Gay Games ont pour objectif de mettre à l’honneur les valeurs d’intégration des minorités et la lutte contre toutes les formes de discrimination. Calqués sur le modèle des Jeux Olympiques avec une trentaine de sports en compétition, mais aussi de nombreux évènements culturels, les Gay Games sont ouverts à tous ceux qui souhaitent y participer, sans distinction d’âge, d’origine ethnique, de couleur de peau, d’orientation sexuelle, de nationalité et de religion.

C’est au médecin et décathlonien Tom Waddell (6e aux JO de Mexico) que l’on doit l’existence de ces Jeux dont la 1ère édition a été organisée en 1982 à San Francisco sous le nom de « Gay Olympics ». La 9e édition aura lieu à Cleveland en 2014. Elle devrait, comme la précédente, organisée à Cologne en 2010, réunir environ 15 000 participants. Et comme en Allemagne, la délégation française, encadrée par la Fédération Sportive Gaie et Lesbienne (FSGL), portera officiellement le nom d’Équipe France.

Équipe France, un nom validé lors de l’édition de 2010 par les autorités françaises en la personne de Rama Yade, alors en charge du maroquin des sports. Une Rama Yade qui avait alors reçu les responsables de la FSGL conduits par son président, Bruno Aussenac, et leur avait attribué une subvention de 15 000 euros pour financer les tenues labellisées des participants de notre pays. Ce label « France », le président de la FSGL y tenait tout particulièrement pour rompre avec un passé où les athlètes ne représentaient que leur association sportive ou culturelle. « C'est un geste fort qui va créer une véritable cohésion dans cette équipe. (...) C’est un vrai soutien moral », avait confié Bruno Aussenac au journaliste du site Le Monde.fr Thomas Héteau. Pour cette 10e édition qui aura lieu en 2018 dans la capitale française, « Paris et la France sauront offrir une grande fête ouverte à toutes et tous sans exclusion ni discrimination », a commenté Valérie Fourneyron, ministre en exercice, en se référant aux objectifs déclarés de ces Jeux.

Certes, mais comme le notait, sans esprit polémique, Thomas Héteau dans un article du 30 juillet 2010, les Gay Games sont « un événement sportif et culturel incontournable pour la communauté homosexuelle ». Et c’est bien là que le bât blesse. Non qu’il y ait quoi que ce soit de choquant dans la tenue de ces Jeux, mais le fait qu’ils soient organisés par des homosexuels pour des homosexuels n’en pose pas moins question, le nombre des participants n’appartenant pas au milieu « lesbiennes, gays, bi et trans » étant purement symbolique. On est donc bien loin, dans la réalité, des objectifs œcuméniques affichés par les organisateurs et relayés par les politiques.

En maintenant, édition après édition, cette appellation de Gay Games, les organisateurs s’enferment en effet de facto, et sans doute volontairement, dans une approche communautaire de ces Jeux. Les « lesbiennes, gays, bi et trans » ont pourtant longtemps milité, à juste titre, pour leur droit à l’indifférence, autrement dit leur droit à se fondre dans la société sans que leur orientation sexuelle puisse jouer le moindre rôle, qu’il soit positif ou négatif. À cet égard, le « mariage pour tous » s’inscrit parfaitement dans cette évolution de la société vers ce droit à l’indifférence. Or, voilà qu’avec ces Jeux, les organisateurs mettent en lumière précisément leur différence. S’ils n’avaient pas voulu foncièrement cela, et s’ils avaient agi en vecteurs de cet œcuménisme affiché dans les objectifs officiels, ce ne sont pas des Gay Games qu’ils auraient dû organiser, mais des « Jeux pour tous », des « Games for all » !


Lire l'article complet, et les commentaires