Dévêtir le futur décret « anti-cagoules »

par lestudiantin
lundi 20 avril 2009

L’AFP a publié une dépêche le jeudi 16 avril affirmant qu’un décret visant à interdire aux personnes participant à des manifestations publiques de se dissimuler le visage, notamment à l’aide de cagoules, pour empêcher leur identification, a été transmis par le ministère de l’Intérieur au Premier ministre. Le texte vise ainsi les manifestants qui dissimulent leur visage avec « pour objectif » de ne pas être reconnu. « Quand on manifeste, c’est pour ses idées (…) Quand on arrive avec une cagoule cela accompagne souvent autre chose » a déclaré Michèle Alliot-Marie, ministre de l’intérieur, ce jeudi sur France Inter. On peut alors trouver comme fondement à ce projet de décret une logique politique qui semble nécessaire en cette période de « crise » mais sur le plan juridique plusieurs problématiques se soulèvent.

Ce projet de décret répond avant tout aux récentes violences de Strasbourg et Bastia des 2 et 4 avril derniers. En réalité ce texte a pour but de rassurer un électorat de droite qui pourrait se sentir délaissé en cette période actuelle voyant fleurir moult mesures sociales et qui demande une réactivité complète de la part du Gouvernement face à ce genre de violences. On pense par exemple à l’électorat d’extrême droite ayant voté Sarkozy pour qui des mesures de contrôle (nous frôlons ici l’euphémisme) sont nécessaires face à ce genre d’événements.
 
Ce décret permettrait certes d’évacuer les « casseurs » des manifestations mais aussi et surtout de ne pas perturber l’obtention de renseignements et d’informations par les services de sécurité intérieure et cela en corrélation avec les dernières mesures adoptées ou envisagées propres à notre « société de contrôle » (EDVIGE, vidéosurveillance, etc. …). Ainsi on appliquerait le principe de précaution durant les manifestations en écartant les fauteurs de troubles pouvant être vêtus d’une cagoule, des interpellations sembleraient alors pouvoir avoir lieu. C’est sur ces interpellations, c’est à dire sur le plan juridique que se posent de sérieuses questions.
 
Tout d’abord l’infraction prévue par le projet de décret est une contravention, il n’est donc pas possible d’user de pouvoirs de coercition que peuvent utiliser les forces de l’ordre uniquement dans le cadre juridique de la flagrance (c’est à dire pour les crimes et délits punis d’une peine d’emprisonnement). Le policier se devra de remettre une convocation au délinquant ou de lui demander de le suivre cordialement au commissariat (le café offert au commissariat ne semble pas être prévu par le texte !).
 
Se pose ensuite le problème de définition du terme « cagoule ». Si un individu décide durant l’hiver de manifester avec un bonnet et une écharpe il se pourrait qu’il soit interpellé pour avoir dissimuler son visage (l’auteur du texte n’a apparemment pas penser aux différentes maladies dues au froid en l’écrivant et ignore ainsi le déficit de la sécu !). Et si une femme vient à manifester en Tchador ? Elle dissimule alors son visage ; d’autres femmes pourraient se vêtir du même habillement même si elles ne sont pas musulmanes. Il est difficile de concevoir qu’un policier puisse écarter des manifestations les femmes portant des Tchadors et cela pour cause de discrimination ; et pourtant le Tchador peut être, en l’espèce, confondu avec la cagoule.
 
Le terme cagoule met mal à l’aise et reste bien trop vague. L’usage de ce genre de termes flous est fréquent dans la législation pénale. Lors des blocages de facultés, par exemple, la police peut intervenir sans autorisation « pour mettre fin à la commission d’infractions particulièrement graves » ; mais qu’est-ce qu’une « infraction particulièrement grave » ? le droit pénal ne connaissant que les crimes, délits et contraventions ! Le principe de légalité (à valeur constitutionnelle) impose des textes précis, on peut alors comprendre pourquoi cette mesure pourrait être appliquée par décret et intégrée dans la loi sur les bandes ; le risque de censure du Conseil Constitutionnel paraît fort plausible.
 
Néanmoins cette mesure pourrait faciliter le travail des policiers dans le maintien de l’ordre public durant les manifestations même si de nombreuses procédures vont être certainement annulées étant donné l’ambiguïté que laisse transparaître le futur texte.
 
Cette mesure renvoie-t-elle, en plus des différentes critiques qui lui sont adressées, à une nouvelle faillite de la politique ? car après avoir nommé D. Douillet et G. Montagnet secrétaires nationaux de l’UMP, c’est maintenant MAM qui retranscrit dans le règlement une chanson d’un « professionnel de la bonne humeur pour enfant de 4 ans » (selon Eric Zemmour) en la personne de Michael Youn qui a sorti en 2006 la chanson « fous ta cagoule » !
 

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