Du bruits dans les casernes, sur les bateaux, autour des avions...

par Sailor
vendredi 11 juillet 2008

Les médias et les différentes récupérations politiques ont eu tendance à faire croire que le malaise dans les armées était dû simplement au comportement du président Sarkozy. Certes, il a contribué à exacerber les rancœurs et les aversions que les militaires pouvaient avoir envers la réforme en cours, qui suscite d’ailleurs de vives inquiétudes dans la communauté militaire. Mais le malaise a une partie de ses origines ailleurs et des causes bien plus anciennes que les diatribes carcassonnaises du président.

Les militaires, professionnels depuis 2001, ont en effet un problème récurrent en ce qui concerne leurs instances représentatives. De par la loi 2005-270 et son article 6 interdisant les associations professionnelles et les syndicats, l’armée s’est dotée d’un système original, nommé comité de la fonction militaire (CFM) totalement inefficace en termes de représentativité.

Les représentants sont tirés au sort !

Sans remettre en cause l’implication de certains membres des CFM, force est de constater qu’ils n’ont pas de rôle décisif dans les décisions prises, étant donné qu’ils n’ont qu’un usage consultatif et qu’ils ne choisissent même pas l’ordre du jour lors de leur réunion !

C’est un peu comme si le Medef déterminait les thèmes de travail et de réflexion des syndicats.

Le fonctionnement des instances de concertation dans ces conditions, ressemble plus à une mascarade qu’à un réel comité d’évolution et d’évaluation de la condition militaire. Les militaires en activité ne s’y trompent d’ailleurs pas, ils ne s’y reconnaissaient pas, prouvant s’il le fallait que les hypocrisies politiciennes n’ont dupé personne au sein des forces armées.

Le malaise actuel chez les militaires est une résultante d’une multitude de problèmes, mais ignorer cet aspect, relève encore de la pire fourberie, voire de la couardise de nos représentants (haute hiérarchie et hommes politiques). Ce problème de liberté d’association est indéniablement un problème récurrent depuis la professionnalisation des armées. Il l’est d’autant plus que le conseil de l’Europe n’a de cesse de rappeler la France par l’intermédiaire de la recommandation de laisser la liberté d’association aux forces armées françaises (recommandation 903,1572, 1742).

La sous-représentation des militaires lors de la commission du Livre blanc est un exemple parmi tant d’autres du manque de considération et du manque de dialogue qui peut persister entre les militaires et la nation qu’ils servent pourtant avec courage et dévouement.

Ce lien armée-nation est une composante essentielle pour notre République, mais pour que ce lien existe il est nécessaire que les militaires soient reconnus et donc représentés de façon publique et indépendante et non au travers d’autorités désignées par le gouvernement en place.


L’armée, après la professionnalisation, est une armée en pleine émancipation citoyenne, elle se veut composée de citoyens en uniforme, et non d’une masse silencieuse posée sur des dogmes d’un autre temps.

La société a évolué, y compris ses militaires : les hiérarchies militaires et civiles se doivent d’être en phase avec cette progression citoyenne en acceptant le droit d’association aux militaires en activité.

Dans ce marasme, il faut tout de même distinguer plusieurs « courants » parmi les militaires, certains, une petite minorité, sont pour un syndicat, d’autres plus pragmatiques penchent pour une association professionnelle et le reste demeure dans l’immobilisme dicté par le statut.

Syndicat ou association professionnelle : les différences


Ce qui distingue véritablement les associations des syndicats tient à la différence du régime juridique qui leur est propre. Plus les moyens accordés seront importants, plus les possibilités de pression sur l’employeur seront développées.
A partir du moment où certaines de ces structures auront la faculté de s’opposer à la mise en œuvre de décisions voulues par le gouvernement, elles seront considérées comme inamicales.

A contrario, les associations peuvent être perçues comme des partenaires pouvant apporter une vision différente des problèmes liés à la condition militaire sans pour autant faire pression par des contestations nuisibles et affirmées, mais par des conclusions pragmatiques et séantes.

De plus les syndicats sont directement ancrés dans le fonctionnement de l’administration, là où les associations demeurent à sa marge, une différence notable. Leur influence peut paraître modeste dans ces conditions, mais elles permettent des recours devant les tribunaux pour la défense des intérêts de la profession.

Une autre différence importante, les associations ne demandent aucun local au ministère et aucun espace de diffusion ou d’affichage, donc aucun aménagement particulier à charge de l’employeur, ce qui n’est pas le cas d’un syndicat car le décret du 28 mai 1982 relatif à l’exercice du droit syndical dans la fonction publique, accorde une mise à disposition de locaux (article 4 et 5) et des espaces d’affichage et de diffusion (article 8 et 9).

L’article 11, qui fait bénéficier d’autorisation spéciale d’absence ne s’applique pas non plus aux associations.

Dans le contexte actuel, il serait irresponsable pour nos politiques d’ignorer l’origine même du problème : la démocratie sociale dans les forces armées au travers d’instances capables de défendre les intérêts moraux et professionnels des militaires.
Les transformations du contenu (Livre blanc) ne peuvent pas passer sans celles du contenant (loi 2005-270).

Il y a, certes, des réformes à faire au ministère de la Défense, mais elles ne doivent pas être purement budgétaires.

Ignorer l’émancipation citoyenne des forces armées, c’est, ignorer une reconnaissance pleine et entière de leur place au sein de la nation.
Il serait nuisible que les murmures d’aujourd’hui, soient, dans l’avenir, des râles récupérés politiquement et donc plus radicalisés.

Interdire le dialogue, c’est ne pas considérer son interlocuteur assez responsable pour faire preuve d’initiative constructive, mais c’est aussi oublier que les 355 000 militaires sont des électeurs.

A trop se dissimuler derrière des dogmes et à trop cultiver des craintes d’un autre temps, les « politiques » oublient que les militaires ne veulent plus être « Persona non grata » des réformes et des débats...

Ils sanctionneront avec le minima citoyen : le droit de vote...

Ils sont à prendre, Mme et M. les politiques soyez convaincants !


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