Du « mariage pour tous » au transhumanisme

par Pierre de La Coste
jeudi 2 mai 2013

Avec l'adoption pour les couples homosexuels, qui prélude à la Procréation Médicalement Assistée pour les couples de femmes, l'Homme a l'illusion de s'auto-procréer. Une évolution qui s'inscrit dans une longue Histoire, tendant à émanciper l'Homme de Dieu, puis à le remplacer.

Qu'on le veuille ou non, que l'on s'en félicite ou qu'on le déplore, le débat provoqué par le « mariage pour tous », ne relève plus de la bataille politique, mais de la guerre de religion. Ce sont deux conceptions qui s'opposent, deux Frances qui s'affrontent, dans l'incompréhension absolue. Le débat au Parlement, violent, tronqué, raccourci par un artifice de procédure, a laissé un goût amer à tout le monde. Et pour cause : il s'agit d'un débat de nature métaphysique, et nos parlementaires d'aujourd'hui, de droite comme de gauche, ne sont pas de grands métaphysiciens. Alors que la société française, elle, raffole des grandes querelles théoriques.

Frigide Barjot, l'égérie talentueuse et déjantée de la manif pour tous, avec ses amis cathos branchés ou homos au grand cœur, aura au moins réussi une chose : faire passer le « mariage entre personnes du même sexe » d'un sujet concernant les adultes, donc les droits de l'Homme, à un sujet lié à la filiation, donc aux enfants. Ici, tout bascule. Qui parle de nos enfants parle de notre avenir, parle de nous, demain. Or, que serons nous ?

A cet appel, à cette question, la France profonde, provinciale, traditionnelle, émue aux larmes, a répondu comme un seul homme, ou comme une seule femme. Contre le droit à l'enfant, les droits de l'enfant. Des centaines de milliers de personnes (donc au total des millions) sont « descendues dans la rue » ou « montées à Paris ». Personne ne peut dire pourquoi ni comment le parisianisme de Frigide Barjot et de ses amis a su toucher ainsi une fibre intime de la France profonde. Au passage, cette France que l'on disait retardataire, pas spécialement technophile, s'est emparé sans effort, sans même y penser, des réseaux sociaux et des technologie de l'information pour construire, en quelques semaines, de véritables contre-pouvoirs aux médias traditionnels. Ils ont été capables de drainer des audiences comparables à celles des journaux TV qui, au départ, ignoraient ou méprisaient le phénomène (depuis, ils ont changé d'avis).

 Un besoin existentiel pour la gauche

 Mais, en face, la riposte était prête. Des « éléments de langage » étaient visiblement élaborés de longue date par les conseillers ministériels et furent relayés par des mass-médias en ordre de bataille : les opposants au mariage homosexuel sont, par principe, homophobes. L'homophobie, évoquée par le code pénal, est assimilée au racisme. C'est donc un délit. On n'a pas le droit d'être opposé à ce qui n'était alors qu'un simple projet de loi. Or, on a toujours, en démocratie, le droit d'être opposé à un projet de loi.

L'unanimité, à gauche, est presque totale. Quelque chose d'ultime, d'essentiel, unit les politiques, les syndicats, les médias, les associations, les municipalités, les réseaux, les stars, les intellectuels se réclamant de la gauche : l'instinct de survie. Si là gauche ne réussit pas cela, elle n'existe plus. Avec un ministre des impôts qui ment sur son compte en Suisse, des usines qui ferment les unes après les autres au mépris des promesses de campagne, une mondialisation qui broie lentement la France comme l'Europe dans le piège du libre-échange et de la rigueur, la gauche a un besoin existentiel de cette « promesse sociétale ». Même Lionel Jospin et son épouse philosophe, en conscience opposés au projet, l'ont avoué : le Parti a décidé, on s'exécute.

Ce n'est pas la gauche d'aujourd'hui seulement, qui est en cause, mais la gauche de toujours, la gauche du Progrès et des Lumières, celle qui nous vend les lendemains qui chantent et l'avenir radieux depuis 1789. Le combustible idéologique de la gauche est épuisé, comme celui d'une fusée qui n'a pas trouvé son orbite et qui menace de retomber sur terre. Comme nous l'avons souligné ici même, Taubira avait soulevé une partie du voile dans son discours à l'Assemblée Nationale : elle était en train de sauver le grand processus historique, qui laïcisait progressivement la société française. Mais cette laïcité n'est en rien une neutralité qui laisse la religion à la vie privée. C'est une conception métaphysique bien ancrée : la religion de l'Homme, ennemie jurée du christianisme.

Ce processus est en panne, depuis quelque temps, parce qu'il est arrivé à ses limites. Où est le paradis terrestre promis par les communistes ? Où en est l’amélioration régulière de la condition humaine garantie par les socialistes ? La société du bonheur et de la jouissance sans entrave prophétisée par les années soixante-dix s’est elle réalisée ? L’Homme, affranchi de toute contrainte morale est-il plus heureux, plus libre, mieux assuré de son avenir ?

Il faut donc frapper un grand coup, pour masquer les échecs de cette religion de l’Homme, permettre à l’Homme de s’auto-fabriquer. C’est la raison pour laquelle les hétérosexuels de gauche veulent absolument que les homosexuels puissent « avoir des enfants ».

Sur un tout autre plan, cette démarche porte un nom, c’est le « transhumanisme ». Elle a ses ardents partisans, comme Raymond Kurzweil, et ses experts désabusés qui nous assurent que le mouvement est déjà en marche. Son principe est simple : l'Homme, grâce aux technologies, notamment aux biotechnologies, peut s'améliorer à l'infini, pourquoi pas jusqu'à l'immortalité. Dans la Silicon Valley on lui consacre déjà des investissements colossaux.

 Les prophètes de l’Homme-Dieu

Pour ces prophètes de l'Homme nouveau, l’affaire semble entendue : la techno-science envahit notre espace, pénètre notre corps, sonde l’infiniment petit et l’infiniment grand. Les réseaux d’information, visibles prolongements du cerveau humain, diffusent les paquets d’information qui innervent l’intelligence collective. Les nano technologies permettent de modifier les structures de la matière. L’Homme, tôt ou tard, deviendra Dieu, parce qu’il est déjà démiurge, qu’il maîtrise sa vie en décryptant son ADN et l’allonge grâce à la thérapie génique, aux implants et aux robots. Il n’aurait donc nul besoin d’une quelconque transcendance, puisqu'il devient transhumain.

Pour les opposants à cette vision, au contraire, une autre lecture de l’évolution de l’espèce humaine est possible. Elle est même rendue nécessaire par la prise en compte des catastrophes dont la techno-science s'est déjà rendue responsable, ce que, semble-t-il, l'Humanité a déjà oublié, bien qu'elles encombrent nos médias quotidiens. Ainsi donc, l'apprenti sorcier qui dévaste la planète, la réchauffe, la salit, épuise ses ressource, ne serait pas vacciné contre cette funeste idéologie du Progrès indéfini de l'espèce humaine !

Car le transhumanisme n'est en rien l'avenir objectif et déterminé de l'Homme, auquel rien ne pourrait nous soustraire, mais bien une idéologie reprenant et prolongeant toutes les erreurs commises par la Science et la Technique depuis trois siècles. Mais vers quelle philosophie de l'Homme, vers quel nouvel humanisme se tourner pour mieux comprendre, surmonter, civiliser la techno-science envahissante et totalitaire ?

Lorsque la France et toute l'Europe ont accepté la légalisation de l'avortement, savait-on que celle-ci menait droit à l'eugénisme ? Aujourd'hui, grâce à la génétique, nous savons « prédire » avec précision qu'un embryon donnera un enfant atteint d'une maladie lourde, comme la trisomie. Dés lors, son sort est scellé. Il ne verra jamais le jour. Mais qui décide qu'une vie vaut ou non la peine d'être vécue ? Qui nous dit qu'un jour, la génétique et l'avortement ne serviront pas à éliminer les enfants porteurs d'une maladie lourde, mais curable, autrement dit coûteuse pour la Sécurité Sociale que les adultes veulent préserver pour eux-mêmes ? Aujourd'hui la trisomie, demain, pourquoi pas, le diabète ?

 Toujours mortels…

 Suivre l'idéologie du mariage homosexuel et la funeste théorie du Genre qui l'accompagne, c'est à la fois couronner la religion de l'Homme en une apothéose qui la justifie a posteriori et donner le champ libre à ces technologies qui peuvent être utilisées pour le meilleur et pour le pire (on devrait pourtant le savoir). C'est aborder ces nouvelles technologies, ces nouveaux défis éthiques, avec de dangereux a priori. C'est tomber dans une illusion qui est au cœur même du transhumanisme : en réalité, l'homme n'invente rien, quand il séquence le génome et manipule l'ADN. Il ne fait que trafiquer la création. De même, ces enfants adoptés par des couples homosexuels, et demain peut-être issus d'une PMA au sein d'un couple de deux femmes, garderont bel et bien un vrai père et une vraie mère. La folie humaine couvre d'un voile artificiel les mécanismes réels de l'engendrement.

En voulant prouver qu'il est capable de s'auto-procréer, en dehors des règles qui ont été fixées par Dieu et qui prévoient, par construction, la différence des sexes, Homo Sapiens Sapiens prend officiellement la place du Créateur. Il faut maintenant que l'Homme, ainsi augmenté jusqu'à Dieu, nous prouve qu'il est immortel. Tant qu'il ne l'aura pas fait, je ne croirai pas en lui.


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