Eliminer le chômage par la généralisation d’un haut niveau d’instruction

par De ço qui calt ?
vendredi 23 juin 2006

Un taux de chômage de 9% , et les décideurs s’en félicitent. L’affaire d’Outreau avait déclenché une véritable campagne antipopulaire, mais on n’en parle plus guère. Après la crise des banlieues, la presse fait état de pratiques de certains employeurs consistant à sélectionner les candidats d’après des fiches policières sans confirmation en justice. En même temps, une affaire comme Clearstream nous rappelle à quel point la grande majorité des citoyens se trouve dans l’impossibilité de contrôler ce que font vraiment ses « élites ». Sur le plan institutionnel et sur celui de la démocratie, les choses ne font qu’empirer. Mais pour retourner à la stabilité sociale et à la transparence démocratique, une mesure permettrait d’avancer considérablement : l’élimination du chômage par l’instauration d’un enseignement de haut niveau pour tous.

Le Parisien du 22 juin nous apprend, page 8, que « 30% des chômeurs en fin de droits ont retrouvé un travail ». Il semblerait que ce soit une bonne nouvelle... mais que devient l’autre, 70% ?


Depuis vingt ans, le discours des décideurs a été de plus en plus ouvertement : « Ne perdez pas votre temps dans des études qui ne servent à rien ! Courez trouver un emploi... » Mais le bilan est très différent de ce qu’annonçait cette propagande : le chômage s’est installé autour de 10%, et ce sont des chiffres officiels souvent contestés par des organisations qui pensent que cette évaluation occulte une large partie du chômage et de la misère réels ; les banlieues ont connu il y a un an une crise sans précédent ; les sanctions électorales adressées par la population à ceux qui la gouvernent se durcissent à chaque élection ou référendum ; le gouvernement a dû retirer le CPE en toute hâte ; les organisations politiques et syndicales dites « majoritaires » se trouvent confrontées à un discrédit croissant... Et le rapport de la Commission parlementaire sur l’affaire d’Outreau nous rappelle à juste titre la misérable campagne médiatique « anti-pauvres » contre les « parents abuseurs issus des milieux modestes » , contre « deux mondes. L’un miséreux, oisif et sans instruction, rongé par l’alcool... » ou « deux mondes... l’un oisif vivant des allocations familiales... » , dénonçant un prétendu « réseau... construit au fil d’une misère qui s’installait... » ou encore se référant à « une sorte de mode de vie dans les cités », etc.


La crise des banlieues serait théoriquement « bien prise en main » avec la mise en exergue de « ceux qui s’en sortent », des peines sévères pour les responsables des désordres et, à en juger par le début de campagne électorale, des mesures d’embrigadement très conséquentes en préparation. Mais Le Monde du 23 juin nous en apporte une vue très différente du panorama « sécuritaire » français. Dans un article intitulé : "Roissy sélectionne sur des fiches policières", ce quotidien nous apprend que depuis l’automne 2001, l’aéroport de Roissy et ses 80 000 emplois sont devenus inaccessibles aux jeunes du département « connus des services de police », même « malgré l’absence de poursuite ou l’obtention d’une relaxe ». L’article évoque le cas d’un agent de sûreté qui s’est vu refuser une habilitation de la préfecture en novembre 2001 et a fini, de ce fait, par perdre son emploi à Roissy. L’intéressé a obtenu gain de cause devant le tribunal administratif en mars 2004, mais la préfecture a fait appel et, dans l’attente du jugement, le licenciement est intervenu en août 2004 faute pour l’agent de pouvoir « respecter ses obligations contractuelles ». Lorsqu’il gagnera en appel, en novembre 2005, il sera trop tard. Jusqu’où va, exactement, cette machine à exclure, quelles conséquences faut-il en prévoir ?


Et ces jours-ci, avec notamment Clearstream en toile de fond, on nous joue des mauvaises pièces de théâtre dans les hémicycles. Où va le pays ?


S’il fait beau lors des élections de 2007, Bonnet Blanc et Blanc Bonnet risquent de livrer des deuxièmes tours très solitaires. Déjà, en 2002, un sénateur s’était plaint des effets pervers de la pêche. Mais ira-t-on jusqu’à interdire ce loisir pour rassembler davantage d’électeurs ? Ou jusqu’à sanctionner ceux qui expriment leur rejet du monde politique en ne se déplaçant pas aux urnes ? De telles mesures risqueraient d’être vaines, car elles ne feraient qu’aggraver la marginalisation progressive de la grande majorité des citoyens, qui a caractérisé l’évolution institutionnelle et politique des deux dernières décennies.


Installer le chômage dans la durée permettait, du point de vue de certains, d’instaurer une « pression salutaire » sur le « marché du travail ». Il en a résulté une véritable spirale de catastrophes sociales et économiques. La surenchère sécuritaire et la course à l’exclusion et à l’embrigadement risquent de se solder par des résultats encore pires. Il existe, pourtant, une autre possibilité.


- Au lieu de fomenter le chômage pour entretenir la machine à dumping social, supprimons-le entièrement par la généralisation d’un enseignement obligatoire de haut niveau. Fournissons aux jeunes une culture pluridisciplinaire conséquente, au lieu de les jeter dans le marché du travail dans le seul but malthusien de « chasser des vieux de cinquante ans ».


- Garantissons à tous les citoyens un réel accès permanent au savoir et à l’éducation, leur permettant de concourir directement à la gestion effective du pays. Supprimons la filière ENA et remplaçons-la par une voie de recrutement citoyenne dans l’accès aux instances dirigeantes de l’administration. Transformons les administrations elles-mêmes, les tribunaux dont elles dépendent, le Conseil d’Etat... dans le sens d’une plus grande ouverture à la majorité des citoyens et d’une participation directe de ces derniers.


L’éducation remplaçant le chômage, et le monopole des « élites » dans la direction des affaires disparu, la France pourrait sans doute très bien se porter. Qui propose un tel programme pour 2007 ?


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