Eloge du miséreux : travailler moins pour vivre (et rire) plus !

par Svetlana Harouzka
mercredi 11 juillet 2007

Livre hilarant et enrichissant de Mabrouck Rachedi, jeune auteur brillant, « Eloge du miséreux » (éditions Michalon) est un essai à lire et à relire.

Etudiante en droit du travail, j’ai été naturellement intéressée par le sujet d’Eloge du miséreux. Le parcours de l’auteur, analyste financier avant de devenir... chômeur m’a aussi interpellée. Alors, comme le dit le sous-titre du livre « comment bien vivre avec rien du tout » ?

Mabrouck Rachedi décrit un miséreux (chômeur ou RMiste) qui au lieu de se lamenter sur sa misère, la prendrait comme une chance pour profiter de son seul luxe : le temps libre. Provoc ? Certainement car l’auteur s’attaque à l’un des piliers de notre société, le travail comme valeur fondamentale de notre société. Avec un second degré et un humour décapants !

Mettant en scène un chômeur qui fait tout pour le rester, Rachedi campe des situations drolatiques. Par exemple son « conseil » (je mets le mot entre parenthèses car j’ai vu l’auteur chez Ruquier où il précisait bien que les scènes étaient scénarisées) devant un conseiller ANPE « Il serait malvenu de venir trop bien habillé à un entretien ANPE. Ce serait inverser ostensiblement le rapport de force. Le but est d’être le fort dans l’habit du faible, pas d’être le faible dans l’habit du fort » ou, dans la même veine, face à l’assistante sociale « Avec l’assistante sociale, tout ce qui est vrai avec le conseiller ANPE est encore plus vrai. Habillez-vous encore plus mal car vous devez paraître plus pauvre. Soyez encore plus modeste car vous êtes dans une situation plus modeste. Paraissez avoir mille fois plus de projets car vous en avez mille fois moins ». Les conseils se multiplient, tous plus amusants les uns que les autres, avec des fausses lettres de motivations, une création d’entreprise bidon et plein de scénettes savoureuses.

Un autre exemple, à un entretien d’embauche, le dialogue avec un recruteur :

« - Pourquoi avez-vous répondu à notre annonce ?

- Parce que je m’ennuyais / parce que le conseiller ANPE me l’a ordonné / parce que c’était à la page sport de mon journal préféré.

- Quelles sont vos prétentions de salaire ?

- Un million d’euros en petites coupures non marquées déposées sur un compte off shore aux Caïmans chaque mois.

- Quel est votre plus grand défaut ? Votre plus grande qualité ?

- Ma plus grande qualité : ma puissance de travail. Mon plus grand défaut : ma mythomanie »

Eloge du miséreux regorge de pépites avec en point final la description d’un slacker pour qui « Doc Gynéco est un dangereux hyperactif sous amphétamines » ( sic !)

Mais derrière cet humour, qui fait d’Eloge du miséreux le livre le plus drôle de l’année 2007, il y a une vraie réflexion sur le travail. Pourquoi la société ne se mettrait pas un peu plus au service de l’individu au lieu de l’inverse ? Rachedi parle du travailleur « grand dépressif qui regarde avec envie un accidenté de la vie », le miséreux. Mon expérience personnelle me confirme ce propos lucide. Dans la France qui prône le « travailler plus pour gagner plus », qui exalte « ceux qui se lèvent tôt », il existe parallèlement une vraie angoisse, un malaise dans toutes les catégories socioprofessionnelles. Qui n’a pas entendu parler de l’industrie en crise ? Des agriculteurs en colère ? Du malaise des cadres ? Des buralistes inquiets ? Des petits commerçants mécontents ? La question est : doit-on travailler pour travailler comme une abeille dans une ruche ou travailler pour s’épanouir. L’homme en tant qu’élément de la société ne serait-il pas en train de supplanter l’homme en tant qu’individu ? Et le travail, est-ce vraiment une valeur, une fin ou un moyen ?

Eloge du miséreux a ouvert la porte à beaucoup de réflexions, entre deux fous rires. J’invite tout le monde à s’offrir le même plaisir que moi. Et si nous en reparlions quand vous l’aurez lu, en commentaires ou à la terrasse d’un café (rappel : j’habite à Paris) pour avoir une discussion intéressante sur un sujet qui me passionne (rappel : je suis étudiante en droit du travail) ?


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