Emeutes dans les banlieues : les médias racoleurs ?

par Jean Claude BENARD
mercredi 25 octobre 2006

Cela fait plusieurs semaines que la presse dans son ensemble nous abreuve de messages alarmistes concernant « l’anniversaire » des émeutes dans les banlieues. C’en est à se demander si, faute de sujets racoleurs, les rédactions ne souhaitent pas quelques spectaculaires incendies de poubelles ou de voitures ?

Quelle est la source de cette information ?

A en croire les médias, cette information serait diffusée par les Renseignements généraux. Bien connus pour leur travail d’infiltration et d’information, les RG informeraient cette fois-ci directement la presse, ou les informations proviendraient-elles de leur ministère de tutelle ? Et dans quel but ?

En ce qui me concerne, j’étais à Clichy-sous-Bois vendredi, à Aulnay-sous-Bois samedi et à Bondy dimanche, et n’ai pas perçu de tensions particulières... ni vu les cars "régie" des TV et radios.

Cette tension présentée par la presse soulève de légitimes questions.

La presse « informée » par le ministère de l’intérieur n’est-elle pas en train de donner des idées ou de « chauffer à blanc » quelques individus à qui on donne beaucoup d’importance ?

La célébrité que peuvent trouver certains dans des actions de guérilla urbaine n’est-elle pas offerte sur un plateau par les médias sous forme de : « Nous serons présents sur place pour relayer par l’ image et le son vos actions » ?

La triste affaire de Grigny, où un groupe s’en est pris à un autobus qu’ils ont assailli avant de le brûler montre bien jusqu’à quel point quelques délinquants ont compris que les médias vont asseoir leur réputation. La couverture médiatique qui va s’ensuivre va créer une réaction de mimétisme dans d’autres bandes qui ne pourront pas se monter « médiocres » dans la surenchère.

Se souvient-on seulement que ces émeutes ont eu pour départ la mort d’un gamin dans un transformateur électrique ? Se souvient-on seulement de son nom ?

La classe politique nationale a beau expliquer, à droite que l’on a donné de l’argent et à gauche que l’on n’en a pas donné assez, un an après, le problème de société lié au manque d’égalité des chances ou aux discriminations n’a pas avancé d’un pouce.

En fait, en se déchargeant du problème sur le seul tissu associatif, nos élus ne font que confirmer l’abandon progressif d’une partie de la société française. Elus locaux et nationaux continuent à se renvoyer la balle sans pour cela décréter une union sacrée sur le sujet.

La très grande majorité des promesses gouvernementales ne seront applicables qu’à partir de 2007, et ceux qui les ont promulguées ne seront pas là pour les appliquer et (ce n’est un secret pour personne) sont en opposition avec le leader du parti majoritaire.

Le discours sécuritaire, associé à la fausse idée qui consisterait à remettre des blouses aux élèves et à jouer du gyrophare sur leurs lieux d’habitat, est un leurre dangereux. Alors qu’on demande à tous les Français d’oublier ce qu’ils ont été pour entrer de plain-pied dans le monde moderne inspiré par la mondialisation économique, on voudrait faire croire qu’il suffit de « serrer la vis » à la jeune génération pour les faire rentrer dans le rang.

Cette jeune génération a reçu la consommation et la publicité comme seule idéologie et considère bien souvent que l’égalité des chances commence par la possession de produits « incontournables ». Alors, lorsqu’il est clair que le chômage ou les petits boulots, voire un boulot à plein temps, ne vous donneront jamais accès à ces produits, les dérives arrivent vite et s’installent durablement.

Mesdames et Messieurs les politiques, êtes-vous conscients de l’urgence, ou jouez-vous encore à la gestion de plusieurs marmites avec un seul couvercle ?

Si Staline déclarait : « Le pape, combien de divisions ? », la société moderne a choisi : « Quelle est ta capacité de nuisance ? ». Le paisible est ignoré au profit du remuant. Bloquer les routes ou les ports, mettre le feu à des pneus devant des grandes surfaces ou déverser du purin devant les préfectures est bien entendu considéré comme citoyen par les politiques et mis en valeur par les médias. Alors, puisque ça marche pour eux, quelques voitures ou poubelles incendiées et quelques escarmouches avec les forces de l’ordre...

« Travailler plus pour gagner plus », comme le dit le président de l’UMP ? Certes, mais où ? Beaucoup d’habitants des banlieues et de certaines autres cités aimeraient déjà trouver un simple CDI de 35 heures !

Education, prévention, répression, me direz-vous ?

Certes, mais pensez-vous qu’il suffise de prononcer les mots ? En ne déclarant pas cause nationale prioritaire la dérive qui touche une partie des Français, ne mettons-nous pas en cause le fonctionnement et l’avenir de notre société ?

Il ne semble pourtant pas qu’on s’achemine vers des actions ciblées et financées, puisque nos dirigeants ne cessent de nous expliquer que nous vivons au-dessus de nos moyens, ce qui signifie : « Pas d’argent », et que si la prévention sera forcément le parent pauvre, la répression s’exercera avec des forces de l’ordre en sous-effectif.

Voilà une analyse que l’on aurait pu entendre et lire dans la presse. Il semble toutefois que le spectaculaire et le « frisson » soient la priorité des grands médias.

Il y a peu, j’écrivais un article qui portait le titre suivant : « Ma banlieue ne doit pas craquer  » : je le souhaite encore plus fort aujourd’hui.


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