Encore un crime de récidiviste
par Diogene
mercredi 8 septembre 2010
Maitre Badinter
J’ai croisé un jour maître Badinter dans un aéroport. Il était tel que nous le voyons à la télévision. Il respire la tranquillité, la force tranquille de ceux qui semblent sûrs de leur bon droit et de leurs convictions. D’ailleurs il a très bonne presse dans l’opinion publique et il inspire le respect. En le voyant je me suis fait cette réflexion qui peut paraître étrange « Il doit dormir du sommeil du juste ».
Dans la presse d’aujourd’hui nous lisons le fait divers suivant « Le corps d’une joggeuse, Natacha Mougel, 29 ans, cadre commerciale disparue dimanche dernier près de Lille pendant son jogging, a été retrouvé hier, dans un bois au sud de Lille, au lieu-dit Phalempin, selon les indications d’un homme placé en garde à vue depuis lundi et qui a avoué avoir tenté de violer sa victime, l’avoir séquestrée et tuée. » . Le meurtrier a été arrêté. Il s’agit d’un récidiviste qui venait d’être libéré. Et à nouveau nous voici confrontés au problème de la récidive.
Je ne suis pas journaliste. Aussi je n’ai pas la longue liste de tous ceux qui ont été tués par des récidivistes. Je sais qu’il s’agit souvent d’enfants. Parfois comme ici ce sont des adultes qui sont les victimes. Et je crois qu’ils sont nombreux. Des dizaines sans doute. Peut être plus. Des personnes qui n’avaient aucune raison de mourir si tant est qu’il faille une raison pour mourir. Je revois encore ces visages qui nous sont régulièrement montrés lorsque de tels évènements se produisent. Souvent des visages d’ange. Et Natacha, parait il, était elle aussi une adorable jeune femme. Et ils sont morts. Parfois après des agonies cruelles. Pour Natacha il semble qu’elle ait été séquestrée, violentée puis tuée. Et pour les enfants le calvaire est parfois beaucoup plus long. Quand on retrouve leurs cadavres c’est une épreuve insoutenable. Des familles entières sont plongées dans la douleur. Pour toujours. Et ce qui est le plus révoltant dans tout cela c’est que c’est par notre seule volonté que de tels assassinats se produisent puisque les fautifs sont connus à l’avance, qu’ils ont déjà été punis pour des crimes semblables et qu’ensuite, par notre seule volonté, ils peuvent recommencer. Et chaque fois que j’ai connaissance de tels faits je me sens coupable. Il me semble que je suis moi-même celui qui leur a mis le couteau dans les mains. Mon remord est incommensurable. D’autant plus que je n’y peux rien. Sinon le dire comme je le fais ici.
Et ma compassion va beaucoup plus loin encore. Je me souviens par exemple d’un criminel qui fut enfermé quelques années pour avoir violé avec sévices une jeune fille. J’ai oublié son nom. Mais je me souviens bien des faits. Il fut libéré et il revint habiter à quelques mètres de son ancienne victime. Celle qui l’avait fait mettre en prison. Et tous les jours elle pouvait le croiser en allant faire ses courses. Quel supplice à la hauteur des plus atroces. Cette morgue qu’il devait avoir en la croisant puisque c’est volontairement qu’il était revenu sur les lieux. Cette certitude qu’elle avait que cela allait recommencer. Cette angoisse plus forte que l’agression elle-même . Cette angoisse constante jour après jour. Cette angoisse qu’elle était seule à connaître. Cette angoisse dont personne ne pouvait la délivrer ni la police, ni les services sociaux, ni toutes ces âmes charitables qui abondent dans notre pays. Cette angoisse qui amène parfois certains à préférer le suicide. Par chance, si on peut dire, il a bien récidivé. Mais sur une autre jeune femme qu’il a tuée. Il est à présent reparti en prison. Mais l’angoisse de la jeune fille est elle guérie pour autant ? Moi je crois que non. Car au bout de sa peine il sera à nouveau libéré. Cinq ans, dix ans peut être. Et il ressortira. Et je m’imagine la jeune fille comptant les mois en sachant qu’un jour on lui dira qu’il est à nouveau libre. Alors quel est le vrai condamné dans la décision qui fut prise par la justice ? Pour moi cela ne fait aucun doute : c’est la victime.
Et combien sont ils dans la France entière à vivre ce calvaire d’autant plus affreux qu’ils sont les seuls à le connaître. Pour le citoyen ordinaire, une fois que le criminel a été jugé et mis en prison le problème est réglé. Mais en est il de même pour les victimes qui n’ont pas eu la chance d’être tuées ? Certes non. Pour beaucoup les voilà à ne plus dormir la nuit ou bien à se réveiller en sursaut après avoir fait le cauchemar que leur bourreau est à nouveau libre. Qu’il va se venger. Et qu’elles n’y peuvent rien car la loi interdit de leur venir en aide. En effet quand un malfaiteur a purgé sa peine il est libre. Et on ne réalise pas que cette liberté dont il peut ensuite jouir en toute quiétude c’est le cauchemar à perpétuité pour ceux qui craignent ses représailles. Et sous cette menace infernale et sans fin, ceux qui ont été assassinés par leur bourreau ont presque eu d’une certaine façon plus de chance.
Sommes nous insensibles ou inconscients ? Je penche plutôt pour l’inconscience. Et dans notre inconscience nous sommes fiers de notre système. Nous nous flattons d’avoir aboli la peine de mort. Mais cette abolition est un leurre auquel nous voulons croire sans nous poser de questions. Car elle a continué. Depuis que la loi a été promulguée elle a même été appliquée des dizaines de fois. Mais au lieu de l’avoir dirigée vers des meurtriers, c’est sur des enfants et des innocents que nous l’avons appliquée. Sans cette loi ils seraient vivants. A cause de cette loi ils sont morts. Quel beau titre de gloire ! Comme nous pouvons être fiers de nous !