Encore une salve pour la réouverture des maisons closes

par fredo
jeudi 23 septembre 2010

Régulièrement, les médias relancent le débat de la réouverture des maisons closes. Canal + y va de sa série. Histoire de banaliser encore un peu le sujet. Histoire de nous faire accepter, petit à petit, dans un grand esprit de tolérance qu’après tout ce serait bien mieux pour les personnes prostituées et surtout...pour les clients. C’est très facile de donner la parole à celles et ceux qui se revendiquent comme heureux(ses) et indépendants(es). Mais la réalité est bien différente de la fiction et du fantasme. Pour éclairer quelques lanternes, voici quelques témoignages édifiants. Nous pouvons nous aussi nous répéter...

Des femmes prostituées en maisons closes racontent.

Natacha, Bulgarie, prostituée dans un bordel en Allemagne
On nous a emmenées dans un bordel près de Metternich. Un homme a demandé les passeports. (...) J’ai dû travailler à cet endroit, j’y étais obligée. Comme je ne connaissais pas bien le métier, des plaintes revenaient toujours de la part des clients et la plupart du temps ils demandaient à la « mère maquerelle » de leur rendre leur argent. J’étais logée très loin, je n’avais pas le droit de quitter la maison. Je n’ai pas touché d‘argent (...)
Peu de temps après, (on m’a) conduite dans un autre bordel dans la direction de W. (...) La propriétaire était d’une dureté de pierre. Quand de nouveaux clients arrivaient, elle m’envoyait toujours vers l’un d’entre eux. Je devais travailler même lorsque j’avais mes règles. A cette époque, j’étais la seule fille mineure à cet endroit et beaucoup de clients me voulaient. Il fallait que je travaille, c’était un enfer.

Agatha, Roumanie, prostituée dans un bordel en Allemagne
Le nouvel ami lui obtint un visa de touriste et Agatha se rendit en autobus de Roumanie en Allemagne (...) Dès le premier soir elle fut emmenée dans un bordel dans le sud de l’Allemagne. Une femme, probablement réceptionniste, lui explique quelle sorte de travail elle aurait à faire : la prostitution. Elle était horrifiée et se défendit. Aussi, elle appela les deux propriétaires du bordel afin de leur parler. Ils lui firent comprendre qu’ils l’avaient acheté pour beaucoup d’argent et qu’elle devait faire ce qu’ils diraient. Comme elle pleurait et s’y refusait, un homme s’enferma avec elle dans une pièce à un étage supérieur, la frappa fortement et la viola pendant trois heures pour finalement l’enfermer dans une chambre. Tout le jour qui suivit, elle resta enfermée dans l’obscurité. Lorsque le soir vint de nouveau dans la chambre, toutes les résistances d’Agatha étaient brisées.


Olga, Russie, prostituée par son oncle en Allemagne

Son oncle l’amena dans un bar. Il lui dit qu’elle avait de grosses dettes envers lui et qu’elle devait (...) lui remettre la plus grosse partie de l’argent qu’elle gagnerait. Le propriétaire du bordel conserverait directement l’argent ; elle n’aurait pour elle que cinq euros par jour.
Après avoir passé quelques jours dans le bar, son oncle vint la rechercher. Le patron du bordel s’était plaint auprès de lui. Elle n’était pas disposée à travailler sans préservatif et à accepter les demandes perverses des clients. Comme les menaces du patron du bordel ne servaient à rien, il exigea que son oncle vienne la reprendre.
Il la plaça dans un autre club en lui disant « Tiens toi mieux ici, sinon je te mets dans un bordel de Turcs. Ils savent comment te mettre au travail, ça tu peux en être sûre ! » Il régnait ici une ambiance plus dure. Les femmes ne devaient ouvrir ni les fenêtres ni les rideaux. On avait collé une amende de 100 euros à Olga du fait qu’elle avait décidé de travailler uniquement avec un préservatif lors d’un échange buccal. Tout cela n’était devenu supportable qu’avec l’aide de beaucoup d’alcool.

(extraits de Um Gottes willen, Lea !, de Lea Ackermann, Freiburg im Breisgau, 2005)


Monika, prostituée dans un bordel en Belgique

Les filles sont déclarées treize heures par semaine. En réalité, on travaille vingt-quatre heures sur vingt-quatre. Disponibles à toute heure du jour et de la nuit. Nourries, logées, blanchies. Il m’est arrivé de ne pas arrêter de six heures du matin le samedi à une heure du matin dans la nuit du dimanche.
Quand les clients sont là, il faut les faire boire.(...) La patronne prend un pourcentage sur les bouteilles. Elle retire 1000FF par mois pour la nourriture, le logement, le linge. Enfin, en théorie, parce que l’argent, je n’en ai jamais vu la couleur.
Pendant un mois et demi, je ne suis jamais sortie. J’ai vécu de la chambre au bar. Dans la pénombre, sans voir la lumière du jour. (...)
La police vient voir si les filles sont déclarées. Elles le sont pour 13h par semaine. Les flics avalent ça. Ils ne font jamais le tour, ne vont même pas voir les chambres. (...) À un moment, il y a eu une mineure, elle était planquée dans une chambre derrière. Ils ne sont jamais allés voir. (...) Tant qu’il n’y a pas de violences visibles, les flics ferment les yeux.

(Prostitution et Société, n° 134)


Roselyne, ancienne prostituée en Belgique et dans le Nord de la France

La réouverture des maisons closes ? « Ce serait laisser la porte ouvert à toutes les saloperies et les trafics. On laisse les filles enfermées physiquement et psychologiquement : elles ont encore moins de contact avec le monde extérieur, les associations », assure l’ancienne professionnelle. « Sur le trottoir, c’est toi qui choisis tes clients. Pas dans les bordels, où le client paye et fait ce qu’il veut. Dans le bar où j’ai travaillé en Belgique, j’ai vu des copines massacrées alors que le client était sorti depuis longtemps ».

(Le Monde, 12/07/2002)

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