Êtes-vous sûrs que la grève est un combat inutile ?

par actu
mercredi 13 octobre 2010

Le gouvernement présente les grèves comme inutiles. L’opinion publique ne semble pas toujours convaincue de l’efficacité des mouvements sociaux. Pourtant l’Histoire nous montre le contraire. Pourtant le mouvement de 2010 contre la réforme des retraites semble prouver l’inverse. Retour sur une manifestation qui mêle jeunesse, colère et indignation. 

Que de jeunes, que de jeunes...

Face à l’incertitude des chiffres, il y a deux certitudes. La première, c’est que le mouvement de contestation a pris ce 12 octobre, une nette ampleur avec 3,5 millions de manifestants en France selon la CFDT et 1,2 millions selon la police. Tous les chiffres, même ceux du ministère ont donc augmenté.

 La deuxième certitude est la présence massive des jeunes dans le cortège. En effet, Lycéens étudiants et même collégiens sont venus protester contre la réforme des retraites. Le diaporama photos réalisé par Acturevue, le montre très clairement. Et le gouvernement peut d’ailleurs commencer à s’inquiéter car la colère ne semble pas faiblir. 

Le gouvernement va-t-il entendre la protestation de la rue ? Oû va-t-il attendre qu’une grève générale, qui peut avoir d’importantes répercussions sur l’économie, paralyse le pays tout entier ? Il faut attendre les jours prochains pour se prononcer sur la durée du mouvement. Mais il semble que la détermination et la conviction que le gouvernement peut reculer, aient gagné l’opinion publique.

D.Perrotin 

Reportage en direct des manifestations par Acturevue

Il faut l’admettre, la grève est une tradition bien française dans le processus politique, mais malgré tout, elle a su apporter des avancées spectaculaires (1968 : Accords de Grenelle, 1995 : retrait de la réforme sur les retraites, les régimes spéciaux et la fonction publique). Et contrairement à ce que l’on tente de nous faire croire, à commencer par notre président Nicolas Sarkozy qui clamait en juillet 2008 que "désormais, quand il y a une grève en France, personne ne s’en aperçoit", elle s’est avérée dans le passé très efficace. 

La grève reste en effet, le moyen redoutable pour faire entendre sa voix lorsque celle-ci n’est pas prise en compte ou lorsque le gouvernement parle de négociation alors que les syndicats ont seulement été écoutés et non entendus. La grève apparaît dès lors, comme le résultat malheureux de l’absence d’un dialogue social.

Des erreurs propices au recul du gouvernement

Dans la situation actuelle, la grève peut être l’élément déclencheur d’un retournement de situation sociale grâce notamment au contexte politique actuel plutôt déprimant. 

Tout d’abord, l’affaire Woerth-Bettancourt, qui a mis à jour une certaine promiscuité ou proximité entre le monde politique et le cercle des grandes fortunes, ne peut que susciter la colère de ses "petits" travailleurs. En outre, une décrédibilisation croissante de la fonction présidentielle ( qui a pour symbole le célèbre « casse-toi pauvre con »)ne cesse de fait perdre la confiance que peut avoir le citoyen envers ses élus.

Enfin le flirt assumé par l’UMP avec l’extrême droite que l’on qualifie "d’erreurs" comme celle relative à la circulaire sur les Roms et celle du président de la république dans son discours de Grenoble indigne nombre de personnes (une partie des catholiques, des centristes...).

Pour finir la dernière erreur qualifiée de "maladresse présidentielle" par Michel Rocard dans Le Parisien du dimanche 10 Octobre était :"d’ annoncer un remaniement trop longtemps à l’avance". Cette décision politique délégitime en effet le rôle des ministres déjà très bousculés par la rue. 

Le contexte économique 

La crise économique et financière de 2008 a laissé des traces dans l’économie française avec en particulier une hausse sans précédent des déficits et de l’endettement de l’état. Le chômage massif qui touche notre pays - 9,7% de la population active au second trimestre de l’année 2010- renforce l’incertitude et le pessimisme d’une majorité de français. 

De plus, le caractère spécifique de la réforme des retraites ne résout pas le chômage des seniors et encore moins celui des jeunes (18-25 ans). 

On remarque également, que la tendance du gouvernement est de diminuer les budgets, supprimer des postes à l’exception d’un endroit : celui de l’Elysée.

Un contexte général d’indignation

Il n’y a plus de simples manifestations successives. Mais la construction d’un mouvement qui dure depuis le mois de juin 2010 (première manifestation le 7 juin 2010). Un mouvement qui rassemble un désamour profond contre le président de la république (présenté comme le président des riches dans une enquête sur l’oligarchie dans la France de Nicolas Sarkozy ; Michel Pinçon et Monique Pinçon-Charlot). Mais aussi une contestation politique éclairée des syndicats et des partis de Gauche...

Ce mouvement de contestation pourrait unir toutes les forces d’opposition de ce pays. Derrière cette réforme réside une colère de plus en plus partagée par la société. Plus qu’une lutte contre cette réforme nécessaire mais non négociée, ni même discutée , le peuple semble condamner un président qui décide de tout, qui décide du pire. Domaine sécuritaire, politique de l’immigration, politique fiscale (affaire Bettancourt, bouclier fiscal), tous ces actes ne sont à l’image ni de la France, ni des Français mais d’un seul homme : Nicolas Sarkozy.

Il n’est donc pas étonnant que cette colère gronde chez les français. 61% d’entre eux sont d’ailleurs favorables à un durcissement de la contestation (JDD et aujourd’hui en France lundi 11/10/2010). 

La grève contre la réforme des retraites semble bien être un argument de plus contre le système Sarkozy.

Notre cher président a-t-il redonné la vue aux français ?

Les français, contrairement à ce qu’on entend souvent dire, ne sont pas inconscients. Mais, l’incertitude économique, les affaires politiques ne peuvent qu’inciter à une radicalisation de ce mouvement social. La grève pourrait donc ne pas être inutile et venir satisfaire une envie démocratique. Satisfaire un besoin de dialogue social, mais aussi de dignité républicaine trop souvent bafouée ces temps-ci. Demain se joue donc un grand combat pour la démocratie.

Tibbo Camara

 

Les grèves qui ont fait reculer le pouvoir

  • Grève de 1947 : de nombreuses grèves, notamment chez Renault, conduisent à la sortie des ministres communistes du gouvernement. Les mouvements conduits par la CGT se multiplient après mai chez Citroën, à la SNCF, dans les banques, dans les grands magasins, à EDF, puis chez PeugeotBerlietMichelinetc. Le principal motif des grèves est la revendication de hausse des salaires ;
  • Grève de 1953 : grandes grèves dans la fonction publique, perceptibles aussi dans le privé, contre le projet du gouvernement de retarder l’âge de la retraite pendant l’été. Le projet est retiré ;
  • Grève de Mai 68 : Augmentation de 25 % du SMIG à 600 F par mois et de 10 % des salaires, la création de la section syndicale d’entreprise, actée dans la loi du 27 décembre 1968 et une quatrième semaine de congés payés, est entre autres conclue lors des accords de Grenelle)
  • Grèves de 1995 : Du 24 novembre au 15 décembre, des grèves d’ampleur ont eu lieu dans la fonction publique et le secteur privé contre le « plan Juppé » sur les retraites et la Sécurité sociale. Le 15 décembre, le gouvernement retire sa réforme sur les retraites, la fonction publique et les régimes spéciaux (SNCF, RATP, EDF), cette décision étant interprêtée comme une victoire par les syndicats de salariés.
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