Euthanasie : l’humanisme, n’est-ce pas laisser mourir comme on le souhaite ?

par Laurent Herblay
lundi 30 juin 2014

Non seulement la Cour Européenne des Droits de l’Homme ne devrait pas avoir son mot à dire dans le jugement du Conseil d’Etat dans l’affaire Vincent Lambert, aussi douloureuse soit-elle. Mais sur le fond, cette affaire et celle du docteur Bonnemaison raniment le nécessaire débat sur l’euthanasie.

Une question délicate
 
La question de l’euthanasie est une question forcément délicate puisqu’elle touche à notre rapport à la mort. Naturellement, nous avons toujours l’espoir de trouver des moyens de soigner les cas les plus désespérés. En ce sens, la sortie du coma de Michael Schumacher montre que les soins, la volonté humaine et la persistance permettent de déplacer des montagnes. Les opposants soulignent le risque d’abus par souci d’économie et décrivent un avenir sombre où des malades pourraient être supprimés pour de mauvaises raisons. Mais une part de l’opposition à l’euthanasie aussi vient de motifs religieux, comme je le pointais en 2008 avec François Fillon.
 
Déjà, en 2008, le cas de Chantal Sébire avait sensibilité l’opinion. C’était une femme défigurée par une maladie extrêmement douloureuse qui souhaitait de l’aide pour mettre fin à sa vie. Mais la loi ne permettait qu’une euthanasie passive, à savoir le fait de ne pas nourrir le patient, qui peut alors mourir dans des souffrances guère acceptables. Tout ceci avait poussé à un nouvel examen de la loi Léonetti mais, malgré une opinion publique qui y était favorable, les réticences d’une partie de la majorité d’alors, au premier rang de laquelle le Premier Ministre, n’avait pas permis d’avancée notable sur ce dossier. Les cas de Vincent Lambert et du docteur Bonnemaison, qui peut aussi demander le reexamen de sa radiation, viennent de rallumer le débat sur ce sujet.
 
De l’humanité et de l’état de nature

Au final, je continue de penser qu’il y a quelque chose d’horrible, et même d’inhumain, à ne pas permettre à une personne qui le souhaite vraiment, de recevoir de l’aide pour mettre fin à sa vie. Pourquoi faudrait-il leur imposer un suicide violent ? N’y a-t-il pas quelque chose de proprement inhumain à leur imposer de laisser faire la nature, d’autant plus que dans de nombreux cas, il ne s’agit que de la laisser faire qu’en partie puisque les médications prolongent la vie d’un temps qui n’est même pas souhaité par la personne, alors prisonnière de son corps. Bien sûr, la vie est quelque chose de précieux, mais ne s’agit-il pas d’un fétichisme inhumain d’empêcher des personnes qui souhaitent en finir l’assistance dont elles ont besoin  ?

Il est bien évident que le suicide assisté, tel qu’il est pratiqué en Belgique, doit être encadré d’une manière extrêmement sérieuse. Mais le soutien apporté au docteur Bonnemaison par des familles de personnes qu’il aurait aidées à mourir amène à se demander si l’humanisme, paradoxalement, n’est pas dans le fait d’être prêt à aider à mourir, dans des circonstances bien précises évidemment. Bien sûr, il faut mettre au point un dispositif qui garantit qu’il ne s’agit pas d’un coup de tête temporaire, que le patient le souhaite véritablement, que son cas est véritablement sans espoir (ce qui impliquera le jugement de plusieurs médecins). Mais avec de telles règles en place, je ne vois pas au nom de quoi il ne faudrait pas accepter une réforme de l’euthanasie.

Bien sûr, il est délicat de faire dépendre l’agenda législatif des aléas de l’actualité. Et je reconnais ici que la question posée ici n’est pas simple, et respecte les opinions contraires. Mais je n’en reste pas moins convaincu qu’il serait plus humain de faciliter, de manière bien encadrée, l’euthanasie.


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