C’est une idée qui commence à faire parler d’elle dans la Tribune et sur le site de France TV en novembre, puis dans le Monde en décembre : l’instauration d’une allocation universelle pour tous les citoyens, sans la moindre contre-partie. Petite revue des arguments sur cette proposition iconoclaste.
Vers une société décente ?
C’est un militant de DLR qui m’avait alerté sur le sujet il y a près de deux ans,
à partir d’une vidéo suisse (cette années, les Suisses se prononceront sur le sujet). Si on oublie
la forme de la vidéo, qui semble venir d’une secte, sur le fond, elle pose de bonnes questions. En effet, la mise en place en place d’un revenu de base permettrait de mettre fin à la pauvreté, objectif que l’on pourrait qualifier de prioritaire dans des sociétés brassant autant d’argent. En outre, cela apporterait une forme de sécurité à tous les citoyens, qui rendrait la société moins dure et donc plus humaine. Une société décente.
Certains points techniques évoqués dans la vidéo sont intéressants, que ce soit sur la TVA, qui permet de taxer les importations, ou le fait que notre système fiscal pèse trop sur le travail des hommes. Néanmoins, l’absence de chiffrage précis du projet surprend
dans la vidéo, d’autant plus qu’en Suisse, les promoteurs du projet réclament pas moins de 1900 euros par adulte et 500 euros par enfant !
Selon France TV, cela correspond à 950 et 300 euros en France, soit un peu plus de 600 milliards d’euro, 30% du PIB ! En outre, se pose la question de l’effet sur le marché du travail : n’y aurait-il pas le risque qu’une part trop importante de la population cesse de travail, ne permettant pas de la financer ?
Bien sûr, on peut répondre que la liberté et la sécurité des citoyens sont plus importantes, ce qui n’est pas faux. On peut aussi penser que le marché du travail s’adapterait en imposant de payer davantage pour les métiers les plus pénibles, ce qui ne semble pas injuste, permettant alors une mécanisation plus importante. D’ailleurs,
comme le souligne la vidéo suisse, la progression de l’automatisation des tâches doit être prise en compte. Enfin, on peut également souligner que les individus garderaient un intérêt à travailler pour avoir une source complémentaire de revenus et augmenter leur pouvoir d’achat.
Un projet aux multiples visages
D’autres avancent des sommes moins importantes. Dans un article très bien fait, la Tribune évoque les travaux de Marc de Basquiat, basés sur un revenu de base de 450 euros par adulte et 215 euros par enfant, soit un peu plus de 300 milliards (15% du PIB). C’est proche de l’hypothèse qu’avait avancé Joël Halpern sur son blog. L’économiste dont parle la Tribune propose de le financer par une taxe unique de 20% sur tous les revenus (et une taxe sur les actifs nets). En outre, elle se substituerait à des aides existantes. Mais cette flat tax remet en cause les systèmes de taxation progressifs.
Certes, les libéraux ont beau jeu de souligner qu’aujourd’hui, la progressivité de l’impôt est mise à mal par les niches fiscales,
qui permettent aux plus riches de payer proportionnellement moins d’impôts que la moyenne. Mais on peut leur rétorquer que jusqu’aux années 1970, nos pays ont vécu avec des systèmes fiscaux très progressifs (et des taux marginaux d’imposition entre 55 et 75% en France, en Grande-Bretagne ou aux Etats-Unis) sans sombrer dans le communisme. Il faut noter que parmi les promoteurs de cette idée, beaucoup se recrutent dans les milieux très libéraux, voir même libertariens.
Néanmoins,
comme le souligne Baptiste Mylondo dans un long texte (pas lu totalement), il y a aussi des intellectuels de gauche qui soutiennent cette idée. Baptiste Mylondo a le mérite de proposer un mode de financement, qui semble, sur le papier, tenir la route, à savoir une augmentation de la CSG de 35 points (soit un total de 47 points !). Tout revenu se verrait amputé de 47% pour financer la protection sociale et le revenu de base (ce dernier n’étant pas taxé). Il soutient même que cette CSG pourrait être progressive (il suggère un barème de 20 à 60 points) pour assurer une forme de redistribution.
Si les objectifs philosophiques du projet sont louables, je reste dubitatif devant l’énormité des sommes engagées, l’impact sur le marché du travail (que se passerait-il si 20% ou plus de la population cessait de travailler ?) mais aussi l’augmentation (excessive ?) des dépenses de transferts dans le PIB.