Faux-semblants sociaux

par Laurent Herblay
samedi 21 mars 2009

 La mobilisation exceptionnelle des Français démontre la réalité de la colère sociale du pays contre la crise et le gouvernement. Mais cette deuxième manifestation ne semble pouvoir déboucher sur rien. Et si elle ne servait que de soupape de la cocotte-minute sociale ?

 Un gouvernement qui multiplie les contre-feux

Il faut dire que le président et l’UMP jouent finalement un jeu assez habile face à ces mouvements sociaux. La première grande grève du 29 janvier avait été présentée comme une grève contre la crise et non pas contre le gouvernement. Si la ficelle était grosse, la part de vérité de cette affirmation permettait à Nicolas Sarkozy de proposer de manière magnanime un sommet social le 18 février où il a pu offrir une obole sociale de 2,6 milliards d’euros pour montrer qu’il pense aux victimes de la crise.

Encore mieux, avant la grève d’hier, un débat sur le bouclier fiscal et une proposition d’amendement instaurant une contribution fiscale exceptionnelle pour les hauts revenus a déchiré… l’UMP ! Alors que le PS appuyait de manière assez médusée les propositions de ces quelques députés francs-tireurs, la majorité présidentielle parvient à asphyxier un Parti Socialiste dont la sortie sur les libertés publiques est complètement à contretemps du climat économique et des préoccupations des Français.

Mieux, François Fillon s’est attaqué aux patrons hier soir sur TF1 pour détourner la pression du gouvernement. Il a ainsi affirmé « qu’il faut qu’une partie du patronat, qui n’a pas l’air de comprendre la gravité de la situation et le sentiment d’injustice des Français, cesse de se servir des salaire astronomiques. Et surtout, les parts variables devraient, compte tenu de la situation économique, être variables à la baisse ». Laurence Parisot joue le rôle de diversion pour le gouvernement.

Des syndicats aux motivations ambiguës ?

Mais si l’on peut imaginer que le gouvernement et le patronat jouent une partition pour se protéger l’un l’autre, par-delà les accusations publiques, cela semble difficile avec les syndicats de salariés. Mais l’interview de Jean-Claude Mailly, de F.O. ce matin sur RTL était très troublante. Car que veulent vraiment les syndicats ? En effet, leurs demandes sont tellement nombreuses qu’elles semblent forcément irréalisables. Et l’évocation d’une prochaine manifestation le 1er mai est suspecte.

En effet, lors d’une grève classique, il y a en général une demande précise, que refuse le gouvernement, mais que la rue cherche à imposer par la force. Aujourd’hui, aucune des revendications n’est clairement mise en avant par les syndicats (hausse du SMIC, réglementation des licenciements…). Cette absence de clarté dans les revendications laisse le gouvernement libre de sa réponse, comme cela s’est passé le 18 février. Cela évite la fixation de la mobilisation (comme pour le CPE ou les régimes spéciaux).

Mieux la date évoquée par Jean-Claude Mailly pour la prochaine manifestation, le 1er mai, est étonnamment lointaine. Après tout, les syndicats avaient déjà attendu près de 50 jours pour organiser une nouvelle manifestation après celle de fin janvier. Ils évoquent aujourd’hui une nouvelle action qui prendrait lieu dans plus de 40 jours. Cela leur laissera encore organiser une dernière manifestation mi-juin et ils pourront ensuite partir en vacances ! Bref, on peut se demander quel jeu jouent réellement les syndicats.

La colère sociale des Français est légitime. Mais aujourd’hui, avec une opposition inconsistante, un gouvernement qui multiplie les contre-feux et des syndicats qui lui facilitent le travail, cette colère s’exprime sans direction claire. Quelles seront les conséquences ?

Source : http://www.lefigaro.fr/politique/2009/03/19/01002-20090319ARTFIG00643-la-fin-de-non-recevoir-de-fillon-aux-syndicats-.php


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