Formation professionnelle, chronique d’un chaos annoncé

par Didier Cozin
jeudi 17 décembre 2009

La formation tout au long de la vie n’est pour longtemps encore, que l’intitulé de deux Lois promulguées en 2004 et 2009, un vœu pieux des pouvoirs publics face à un monde du travail ne parvenant pas à sécuriser les trajectoires sociales et professionnelles dans notre pays.

Malgré les mises en garde répétées depuis des années (la Cour des comptes en 2008 et 2009, d’innombrables rapports et études, l’alerte donnée via un article de Loi (l’article 7 de la Loi du 24 novembre 2009) le monde professionnel sous-estime, oublie ou néglige toujours le dossier du Droit Individuel à la Formation (DIF). Absorbé par le quotidien, accaparé par de nouvelles obligations (les handicapés, les seniors, la baisse des budgets sous l’effet de la crise) ou simplement incapable de changer de modèle en formation,  le monde professionnel joue l’attentisme et la pusillanimité face au pourtant fondamental Droit Individuel à la Formation.

Quelle est la situation en cette fin d’année 2009 ?

  1. Le DIF a plus de cinq ans, c’est le temps nécessaire pour qu’un dispositif de formation soit connu et utilisé en France. Le CIF, les bilans de compétences ou le plan de formation ont tous connu ces périodes de démarrage poussif. La seule différence, mais de taille, tient au fait que cette fois tous les salariés sont concernés par le DIF, un droit généralisé, universel et capitalisable sur six années
  2. Un DIF replacé en première ligne par la nouvelle Loi. Cette installation irréversible dans le paysage de la formation déstabilise certaines organisations qui avaient parié sur son abandon tant il remettait en question leurs habitudes et leurs préjugés (les travailleurs peu qualifiés ne voudraient pas se former ou évoluer)
  3. La crise économique qui interpelle de nombreux salariés sur leur avenir professionnel et donc  sur le développement de leurs compétences et de leur employabilité. Aucun dispositif simple et accessible, sinon le DIF, leur offre  cette opportunité de développer leurs compétences et de se former aux nouveaux métiers.
  4. Les 120 heures fatidiques des  compteurs seront atteintes le 1 janvier ou le 7 mai prochain. Désormais si je ne demande pas mes 20 h annuelles de DIF, je les perds, si ma société me les refuse, je perds une chance de rebondir vers un autre emploi ou d’améliorer ma situation professionnelle.
 
Les salariés vont donc demander leur DIF en 2010. Après n’avoir qu’effleuré le DIF depuis cinq ans, 20, 30 ou même 50 % des salariés vont poser leur demande de DIF. Face à cette brutale montée en puissance (mais qu’il était possible de parfaitement anticiper) les grandes organisations imprévoyantes  ont préféré jouer la montre et vont dès lors se trouver  dans une situation infernale

 

Sans vouloir jouer les cassandres, nous pensons que l’année 2010 sera donc à haut risque parce que tous nos grands problèmes sociaux ou d’apprentissage n’ont toujours pas été traités sérieusement : médiocrité et coûts élevés de notre système d’enseignement, faible qualification d’une fraction importante de la population (risquant une marginalisation professionnelle durable), mauvaise habitude du monde du travail qui sous prétexte de productivité rejette depuis des lustres tous ceux qui n’entrent pas dans les standards étroits du travail (jeunes, seniors, handicapés, peu qualifiés…).

Nous allons donc devoir affronter une montagne de difficultés jamais vraiment traitées alors que les marges financières manqueront et que la mondialisation nous met sous pression face à des pays dynamiques, volontaristes et très pressés de réussir. Pour ces quelques raisons (et bien d’autres) nous pensons que l’année 2010 sera socialement et professionnellement celle de tous les dangers.   

 

Didier Cozin

Auteur d’histoire de DIF paru aux éditions A Franel et de
Reflex DIF, seconde édition à paraître en 2010 aux éditions Arnaud Franel


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