Guerre et paix

par jack mandon
mardi 3 septembre 2013

« Le courage c'est de chercher la vérité et de la dire ; c'est de ne pas subir la loi du mensonge triomphant qui passe, et de ne pas faire écho de notre âme, de notre bouche et de nos mains, aux applaudissements imbéciles et aux huées fanatiques ! » [Jean Jaurès]

Aujourd'hui, un siècle après les tueries innommables de 1914-1918, rien a changé.

Au gré des événements complexes et délicats, c'est à dire au pied du mur de l’œuvre politique, les masques tombent et nous révèlent les incompétences. Oublier la lutte des classes, laisser proliférer la domination des détenteurs du capital et du monde de la finance sur la société laborieuse, admettre l’ordre social dans sa forme et ses fondements, c'est renoncer à un idéal humaniste. Idéal qui, il est vrai ne s'inscrit qu'imparfaitement dans tous les partis, mais se trouve formulé à l'occasion des élections par les plus rêveurs, les plus habiles ou peut être les plus fourbes. Et pourtant il est de bon ton de se réclamer de Jean Jaurès en pareille occasion, même en transcendant le mythe, le modèle, qui ne fut pas parfait.

Dans une époque pas si lointaine, Jean Jaurès s'opposait à la guerre encourageait l'union des forces ouvrières, malgré ses efforts, l'histoire dans sa marche folle égrainait ses événements funestes. Le 24 Juillet 1914, l'Autriche adressa un ultimatum à la Serbie.

le 31 juillet 1914, syndicalistes et socialistes français furent réunis dans la même conception de la lutte ouvrière pour la paix. Ce fut le triomphe de Jaurès. Mais celui-ci fut de courte durée, car le même jour, il fut assassiné.

Le 1er août, l’Allemagne et la France décrétèrent la mobilisation générale. L’assassinat de Jaurès, la veille, avait désemparé le mouvement ouvrier. Les dirigeants, qui avaient soutenu l’effort de paix du gouvernement, ne purent plus désavouer celui-ci, et renoncèrent à la lutte contre la guerre. La défense nationale devint la priorité. Il fallait défendre le pays désormais menacé,. Il ne semblait plus y avoir d’espoir de sauver la paix. Le Parti socialiste se résigna, devant son « devoir envers la patrie » (en effet, Jaurès ne rejetait pas le patriotisme, qui selon lui allait de pair avec l’internationalisme. Quant aux socialistes hostiles à la guerre, ils étaient minoritaires et créaient plus tard en 1916 le journal Le Populaire, dirigé par Jean Longuet.

Mais au fond tout ça n'est que vaine politique, je préfère mettre l'accent sur ce qui se trouve au cœur de l'homme simple, cet homme qui obéit sans trop se plaindre mais qui confronté à une belle occasion, une trêve, choisit la paix dans sa sagesse viscérale.

L'histoire qui suit n'est pas unique dans l'élan d’allégresse qu'elle soulève, mais elle apparaît en miroir de la genèse politique et guerrière qui lui donna vie.

L'été 1914 connut en chaîne la mise en route d'un monstre planétaire constitué de tous les belligérants internationaux. Le temps passant, après les premières ruées funestes, la guerre s'enlisa. La neige s'installa. Noël arriva avec son cortège de cadeaux venant des familles et des états-majors. Mais la surprise ne vint pas des nombreux et généreux colis arrivant dans les tranchées françaises, allemandes ou écossaises. Car c’est l’impensable humanité qui se produisit . Pour quelques instants, on posa le fusil pour aller, une bougie à la main, voir celui d’en face, pourtant décrit depuis des siècles, à l’école aussi bien qu'à la caserne, comme un monstre sanguinaire, et, la musique coutumière des chants de Noël aidant, se produisit un miracle. Chacun sentit à sa mesure que celui d'en face lui ressemblait. Il découvrit en lui un humain, il put lui serrer la main, échanger avec lui cigarettes et chocolat, et lui souhaiter un « Joyeux Noël », « Frohe Weihnachten », « Merry Christmas ». C’est alors que l’on assista à une trêve passagère, maintenant mémorable « au grand dam de leurs états-majors », entre les trois camps, qui fêtèrent Noël ensemble. Puis, pris d'attachement, les chefs de ces trois camps sauvèrent mutuellement leurs ennemis. Une histoire réelle oubliée de l'Histoire elle-même qui se serait passée à Frelinghien, dans le Nord, près de Lille, actuellement un parc et un centre équestre.

Malgré la destruction des photos prises lors de cet événement, certaines arrivèrent à Londres et firent la une de nombreux journaux, dont celle du Daily Mirror, portant le titre An historic group : British and German soldiers photographed together le 8 janvier 1915. Aucun média allemand ou français ne relate cette trêve.

L'État-major fit donner l'artillerie pour disperser les groupes fraternisant les jours suivants et fit déplacer les Unités « contaminées » sur les zones de combat les plus dures. Sur le front de l'Est, les conséquences furent plus graves : la répression des fraternisations du côté russe entraîna des mutineries et concourut à la décomposition du front russe. Lors de l'insurrection de Petrograd en 1917, les soldats fraternisèrent avec les ouvriers, ce qui alla dans le sens de la bolchevisation de l'armée. Et voilà à quoi aboutirent les mesures iniques, connues et expérimentées depuis le début des temps.

Aujourd'hui il faut débattre fermement avec ceux qui instaurent du haut de leur savoir stratégique amoral, voire même immoral, sur le sens de la guerre et sur ses conséquences. Dénoncer ceux aussi qui par fanatisme, ignorance ou perversion répondent à leurs attentes.

« Sous une pluie de fer, de feu d'acier de sang, pluie de deuil terrible et désolée », J. Prévert. Entre propagande, censure et bourrage de crâne, les conséquences ce cette guerre et de toutes les autres passées ou à venir, demeurent illimitées.

 

Monsieur le Président
Je vous fais une lettre
Que vous lirez peut-être
Si vous avez le temps...



Monsieur le Président
Je ne veux pas la faire
Je ne suis pas sur terre
Pour tuer des pauvres gens

C'est pas pour vous fâcher
Il faut que je vous dise
Ma décision est prise
Je m'en vais déserter...

Depuis que je suis né
J'ai vu mourir mon père
J'ai vu partir mes frères
Et pleurer mes enfants

Refusez d'obéir
Refusez de la faire
N'allez pas à la guerre
Refusez de partir

S'il faut donner son sang
Allez donner le vôtre
Vous êtes bon apôtre
Monsieur le Président

Si vous me poursuivez
Prévenez vos gendarmes
Que je n'aurai pas d'armes
Et qu'ils pourront tirer

Boris Vian

 

Voir Joyeux Noël, un film français réalisé par Christian Carion, sorti en 2005. Ce film a pour sujet la Trêve de Noël de 1914 lors de la Première Guerre mondiale.

Tout ce qui vit dans le cœur de l'homme, quant, au hasard d'une trêve, dans sa liberté retrouvée, il honore naturellement sa personnalité en découvrant l'autre.

 

 


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