H1N1 en 2009 ; la crise du Covid-19 prophétisée

par Bernard Dugué
jeudi 1er octobre 2020

 

 Je viens de reprendre le texte de mon livre paru en octobre 2009 intitulé H1N1 la pandémie de la peur (Xenia éditions). J’ai sélectionné ces extraits récupérés avec une recherche sur l’occurrence du mot « peur » (il y en a 54). Je vous les livre sans commentaire. J’ai juste surligné le texte.

 La nouvelle grippe fait peur, plus qu’en 2005. Cette inquiétude s’inscrit dans une tendance générale, accentuée depuis quelques événements. En 1995, la secte Aum commit un attentat dans le métro de Tokyo. Douze morts. Mais c’est à partir de 2001 et les attaques sur le WTC, avec les lettres à l’anthrax ayant suivi, que la peur s’est intensifiée et diffusée à l’échelle mondiale, à la fois chez les gouvernants et les populations. Néanmoins, la grippe reste quand même une maladie ordinaire mais les peurs qu’elle engendre sont sans doute accentuées par une interférence avec d’autres craintes.

 Un sondage effectué le 31 juillet livre quelques enseignements. Les parents sont plus inquiets que la moyenne. Parmi les catégories sociales, les ouvriers sont bien plus inquiets que les cadres, 48% contre 18%. Les citoyens censés être plus « instruits et informés » ont-ils des défenses rationnelles face à cette peur sanitaire ?

 Nous verrons si ces notions peuvent nous éclairer sur cette peur pandémique dont je pressens qu’elle signe l’épuisement d’une époque mise en sécurité par la rationalité scientifique. Cette fin a-t-elle déjà commencée, étant bien ancrée, ou bien sommes-nous au tout début de la fin ? Pour en discuter, il faudrait inclure d’autres objets d’analyse, la peur du climat par exemple, la crise sociale et bien d’autres choses. Place à l’Histoire !

 Chaque période a vu des excès. Inquisition puis chasse aux sorcières sans oublier les guerres de religions lors du premier âge ; ensuite, guerre contre les nations, contre les étrangers, les juifs, les communistes, les tziganes, l’ « ethnie », et maintenant sans doute, ces peurs sanitaires et climatiques engendrant des réponses inappropriées de la part des machines étatiques.

 Il se peut bien qu’une nouvelle ère se dessine si les individus parviennent à s’extraire de ce schéma de peur afin de gérer avec raison le risque et surtout le percevoir de manière adéquate. Ce qui pourrait libérer l’individu de l’emprise illégitime de l’Etat. Ce n’est plus de la philosophie mais de la prophétie.

 Devons-nous parler d’une pandémie autoritariste ? Ou alors plus simplement d’une soumission des autorités et des masses citoyennes face à un dispositif de création d’une ligne Maginot contre le virus. En vérité, une culture de l’expiation n’est pas le véritable ressort de cette réaction face à la peur pandémique. Elle n’en est que le piment qui donne du sel à cette affaire. En Inde ou en Chine, il n’y pas de culture de l’expiation. Mais de punition, peut-être, surtout en Chine. C’est à New York que la désinvolture affichée face à cette grippe donne un signe de clarté. New York la rebelle, bien que préoccupée de sécurité policière, ne montre pas de signe de panique sanitaire. Sans doute, l’esprit libéral allié à l’éducation des gens, immunise les âmes face à la propagation de la peur. Toutes les nations sont touchées par la grippe mais elles ne réagissent pas de la même manière.

 Le débat est interdit. Aucune dissonance n’est permise. Même le député Debré est revenu dans le giron des voix officielles, jugeant conforme la gestion du risque, après avoir dénoncé une banale grippette et des experts jouant à faire peur aux Français. Cet épisode de pandémie nous invite à établir un double bilan. Le premier, trivial, est un bilan sanitaire. Il sera livré en temps voulu, à la fin de l’épidémie, en avril 2010, en espérant que les chiffres ne soient pas tronqués voire truqués. L’autre bilan concerne la société et la manière dont elle est gérée, à travers des rapports de pouvoir et d’autorité mettant face à face des citoyens et un système composé d’experts et de gouvernants.

 Cela ressemble à un signe du crépuscule. Les politiques n’ont plus rien à proposer d’enthousiasmant alors ils usent des machines à faire peur et à rassurer.

 Cette pandémie de 2009 constitue un signal des égarements engendrés par des peurs artificiellement fabriquées, confirmant que la logique des machines étatiques ne répond plus à la finalité du bien public mais plutôt à celle de la domination des systèmes industriels.

 La machine sanitaire a semble-t-il manipulé l’opinion en usant de données scientifiques et cliniques sélectionnées puis amplifiées par la machine médiatique pour générer des peurs. Les populations demandent protection et la machine se met en mouvement pour lutter contre la pandémie avec des moyens utilisables parce qu’ils sont solvables. Est-ce bien raisonnable ?

 La conclusion philosophique s’avère limpide. La « pandémie de peur » est liée à une hypertophie d’un système se fermant sur lui-même et ce faisant, s’hypertrophiant, non seulement dans les savoirs mais aussi les savoirs-faire. Ce système, c’est la machine sanitaire « technoscientiste ».

 C’est juste une combinaison de mécanismes de riposte sanitaire sur fond de pouvoir et maîtrise exercé sur des populations qui elles, sont potentiellement gagnées par la peur, quitte à être plus restrictives que le ne sont les autorités.

 Imaginons une situation où les contaminations augmentent, jusqu’à atteindre une prévalence comparable à celle de la grippe ordinaire. Là où ça se gâte, c’est que la grippe H1N1 n’est pas jugée comme ordinaire. Du coup, les écoles ferment, les gens ne vont plus dans les lieux publics, spectacles, restaurant, magasins. Et même, ils ne vont plus travailler pour ne pas prendre les transports en commun ou côtoyer leurs collègues de bureau ou d’usine. C’est un scénario catastrophe, improbable certes, avec une telle ampleur, mais gageons qu’une proportion notable des Français risque de gérer au plus près la situation. Avec un masque et des déplacements limités au strict nécessaire.

 Que penser de cet affolement des autorités pour une grippe qui ne semble pas si meurtrière ? La science, au lieu de libérer l’homme, reste à l’image de Janus, engendrant des peurs irraisonnées. La situation est préoccupante d’autant plus que la gestion des peurs et des précautions sert des intérêts économiques et politiques

 « Le "syndrome Garetta". Telle est la maladie dont souffre la France depuis l'apparition de la grippe porcine, selon le docteur Jean-Paul Ortiz faisant ainsi référence aux dérives de l'affaire du sang contaminé dans les années 80. Président, entre autres fonctions nationales, de la confédération des syndicats médicaux français pour les Pyrénées-Orientales, le médecin estime effectivement que le matraquage médiatique qui a suivi l'apparition de ce nouveau virus "est totalement disproportionné". (…) "On se calme" répète à l'envie le docteur Ortiz tant aux patients qu'aux "technocrates qui sont dans une peur panique". (L’Indépendant, 04/08/09)

 Une modeste méditation sur le temps nous amènera à constater une évidence. Quand on attrape le virus de la nouvelle grippe H1N1, on met en général trois jours à s’en remettre, et un peu plus en cas de grippe saisonnière. Par contre, quand le virus de la peur pandémique entre dans le cerveau, son effet est durable. La peur de la grippe est maintenant bien implantée dans les consciences, celles des populations et des autorités. Elle coexiste avec une autre peur, celle du réchauffement climatique ainsi que d’autres choses aux propriétés anxiogènes, par exemple le terrorisme ou les nanotechnologies. Malgré des informations lacunaires sur l’épidémie et le virus, avec des données factuelles tangibles sur le faible impact de la grippe, les médias ont continué à diffuser des dépêches sur des décès suspects. Le processus enclenché ne peut plus s’arrêter. La propagande pandémique, car c’est est une, se poursuit inexorablement. On peut comprendre que les voix dissidentes peinent à se faire entendre. Drôle de consensus des autorités nous renvoyant à l’époque soviétique. Car en effet, quelques médecins ont vu dans la gestion pandémique la marque de fabrique des structures bureaucratiques, comme peuvent l’être l’OMS et les machines sanitaires de par le monde. Au passage, se confirme la suspicion légitime de tout citoyen envers les autorités et ceux qu’on appelle les élites, une défiance exprimée du reste sur le Net. La confiance se délite, que ce soit envers la politique ou la gestion d’un épisode aussi édifiant que peut l’être la pandémie psychique de 2009. D’ailleurs, ce qui se passe lors de cet épisode ne laisse guère augurer des jours sereins pour la démocratie. La technique tend à dépolitiser les sociétés. Je crois bien que la gestion de cette pandémie rend justice aux intuitions d’Ellul, illustrant de plus un « entrelacs de connivences » entre bureaucratie, technocratie et médiacratie.


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