Handicap et tourisme : peut-on tout rendre accessible ?

par Fergus
samedi 8 juin 2013

Venise est une merveille historique et architecturale, un incomparable joyau de la civilisation occidentale qui mériterait d’être connu de tous. Une destination pourtant interdite de facto aux handicapés moteurs. L’illustre cité des Doges n’est pas la seule : nombre de hauts lieux du patrimoine, en France comme à l’étranger, sont inaccessibles...

Avec ses 118 îles, reliées entre elles par 435 ponts totalisant près de 6000 marches à la montée et autant à la descente, Venise est un enfer pour les personnes à mobilité réduite et a fortiori pour les handicapés en fauteuil roulant : entre les ruelles étroites et le franchissement incessant des ponts, impossible pour ces derniers de circuler au cœur des lieux les plus chargés d’histoire et des quartiers les plus pittoresques. Venise était et demeure par conséquent une ville proscrite aux handicapés moteurs, et même aux personnes à mobilité réduite. C’est un fait : ni loi nationale ni directive européenne sur l’accessibilité n’y pourront rien changer, sauf à défigurer totalement le visage de cette perle du patrimoine mondial de l’Unesco.

Il en va de même dans de nombreux sites touristiques de notre pays, à commencer par les villages escarpés du Périgord ou de Provence, et plus encore le fabuleux Mont Saint-Michel, autre chef d’œuvre inscrit au patrimoine mondial. À cet égard, les querelles nées du report dans les terres du parking situé naguère au pied même du Mont semblent bien dérisoires comparées aux difficultés rencontrées par les handicapés pour admirer in situ ce formidable témoin du génie créatif des hommes. Des efforts ont certes été faits pour l’accueil des handicapés et leur transfert jusqu’au Mont, mais la montée jusqu’à l’abbaye par les ruelles et les escaliers reste pour eux un obstacle infranchissable.

Même constat pour une majorité de sites naturels en montagne. Si l’accès à ce nombreux panoramas est envisageable dans les Alpes ou les Pyrénées grâce aux téléphériques, la visite des handicapés moteurs s’arrête là : impossible pour eux de s’aventurer sur les sentiers menant à des points sublimes réservés aux seuls valides. Comme pour Venise ou pour le Mont Saint-Michel, c’est à une visite virtuelle sous forme de vidéo qu’ils doivent s’en remettre pour contempler les aiguilles de Chamonix vues du Lac Blanc pour ne citer que ce panorama-là parmi les plus beaux de notre patrimoine naturel.

Régulièrement des associations, soucieuses du bien-être et des aspirations de leurs adhérents, réclament que soient multipliés les équipements d’accessibilité dans les sites actuellement interdits aux handicapés par la configuration des lieux. Une demande compréhensible sur le plan humain mais qui semble irréaliste dans de très nombreux cas. Doit-on défigurer des merveilles architecturales ou naturelles pour répondre à cette revendication ? Il appartient à chacun de répondre à cette question en fonction de sa sensibilité aux problèmes posés par le handicap. Encore faut-il que cette réponse soit mise en perspective, et pas seulement en prenant en compte la protection du patrimoine : quelle réponse apporte-t-on, dans le même temps, aux millions de nos compatriotes auxquels la précarité, voire la pauvreté, interdiront leur vie durant tout désir de voyage ou de découverte culturelle au-dessus de leur condition financière ?

Le maximum doit être fait pour faciliter l’accessibilité en tous lieux où la mise en place d’équipements dédiés est possible sans qu’il soit porté atteinte de manière significative au patrimoine. Encore convient-il de ne pas donner de faux espoirs : il est des sites où l’accessibilité restera malheureusement impossible. Aux handicapés comme aux pauvres !

Photos : Fergus (hors label Tourisme et Handicap)

Venise : le Grand Canal
Mont Saint-Michel
Chamonix : le Lac blanc

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