Homosexualité : quelques réalités qui dérangent

par Bernard Lallement
mercredi 1er mars 2006

Homosexualité : quelques réalités qui dérangent

La Cour de cassation a rendu, vendredi, un arrêt confirmant la délégation de l’autorité parentale, sur deux enfants, consentie par une mère à sa compagne homosexuelle. Aussitôt, commentateurs, journalistes et militants des mouvements gais y ont vu un pas vers la reconnaissance de l’homoparentalité.

Le Monde a même affirmé que « la haute juridiction autorise pour la première fois un couple de femmes homosexuelles à exercer en commun l’autorité parentale sur Camille et Lou, les petites filles qu’elles élèvent ensemble depuis leur naissance. »

Rien n’est moins vrai.

La Cour suprême qui statuait, en droit, sur un pourvoi formé contre un arrêt de la Cour d’appel d’Angers, n’a fait qu’appliquer l’article 377 alinéa 1er du Code civil, disposant que : « Les père et mère, ensemble ou séparément, peuvent, lorsque les circonstances l’exigent, saisir le juge en vue de voir déléguer tout ou partie de l’exercice de leur autorité parentale à un tiers, membre de la famille, proche digne de confiance, établissement agréé pour le recueil des enfants ou service départemental de l’aide sociale à l’enfance. »

Il n’y a pas, en la circonstance, partage de l’autorité, mais délégation, ce qui est tout à fait différent, car cette dernière peut toujours être rapportée par la personne délégante.

Certes, les magistrats ont relevé que le code « ne s’oppose pas à ce qu’une mère seule titulaire de l’autorité parentale en délègue tout ou partie de l’exercice à la femme avec laquelle elle vit en union stable et continue, dès lors que les circonstances l’exigent et que la mesure est conforme à l’intérêt supérieur de l’enfant. » Mais ils ne manquent pas, également, de souligner l’absence d’établissement d’une filiation paternelle qui, si elle avait existé, aurait pu les conduire à une décision inverse.

Aussi, l’enthousiasme de l’Interassociative lesbienne, gaie, bi et trans doit-il être mâtiné de prudence.

Cela dit, cette décision relance le débat sur le mariage et la filiation homosexuels.

Plusieurs pays européens, dernièrement l’Angleterre, n’imposent plus, pour se marier, d’être de sexes différents. Force est de reconnaître que, dans nos sociétés occidentales, le schéma de la famille traditionnelle ne fait plus recette ni n’en constitue le noyau nucléaire. Aujourd’hui, les liens familiaux ont éclaté, se sont recomposés, hors des règles matrimoniales, en dissociant liens affectifs, biologiques et filiatifs.

La famille homoparentale

L’institution du mariage, telle qu’elle résulte du Code civil, participe essentiellement d’une organisation patrimoniale, tant dans son administration que dans sa dévolution. C’est un contrat qui ne revêt aucun caractère sacré.

Dans ces conditions, je ne vois rien qui puisse empêcher, en France, l’évolution constatée chez nombre de nos voisins.

En revanche, la question des enfants dans la famille homoparentale

pose un autre problème, bien plus complexe, relevant de l’ontologie. En la circonstance, il conviendrait de ne pas confondre le droit de l’enfant avec le droit d’avoir un enfant. Celui-ci est, avant tout, un être en devenir et non seulement l’élément réparateur de l’incomplétude d’un destin biologique.

Aussi, la revendication d’une partie de la communauté homosexuelle d’avoir accès à l’adoption, à la fécondation in vitro (FIV) ou à l’intermédiaire de « mères porteuses  » doit-elle être pensée à l’aune de cette évidence.

Elle suppose, au préalable, que soit débattue la question substantielle de la parentalité.

Nous pressentons bien qu’être parents aujourd’hui impose un changement dans l’ordre des valeurs du passé, notamment quant à la différenciation nécessaire de leur sexe. Sur ce point, pédopsychiatres et psychanalystes sont loin d’être en accord et aucune étude, faute de recul, n’a pu être encore menée.

Inventer de nouvelles relations

Quant au recours à la FIV, à juste titre le professeur René Frydman insiste sur le fait qu’il s’agit avant tout d’une thérapeutique n’ayant pas vocation à devenir simple opportunité de convenance. A cet égard, au titre de la réciprocité des droits auxquels aspirent les militants homosexuels, il faut nous interroger sur le bouleversement culturel qu’engendrerait la généralisation d’une telle pratique pouvant déboucher sur l’instauration d’une véritable « banque de sperme » en passe de devenir un supermarché de la procréation. Elle impliquerait, entre autres, d’admettre que la constitution essentielle de l’être humain est avant tout sociale, et que son patrimoine génétique

y jouerait un rôle négligeable, ce que les actuelles données scientifiques tendent à contredire.

Enfin je ne suis pas sûr que s’orienter vers des mères porteuses « professionnelles », comme j’ai eu l’occasion de le lire, soit un réel progrès humain, enfanter ne devenant qu’une simple technique totalement dépourvue de tout affect.

Il est d’ailleurs assez paradoxal de voir les tenants de l’homoparentalité tout à la fois endosser les convenances bourgeoises les plus traditionnelles, pour régler leurs rapports avec la société, et en référer à Michel Foucault.

C’est oublier que le philosophe les appelait à innover dans leurs relations sociales en créant de nouvelles pratiques et une nouvelle culture. « Il s’agit, je ne dis pas de redécouvrir, mais bel et bien de fabriquer d’autres formes de plaisirs, de relations, de coexistences, de liens, d’amours, d’intensités. »

C’est dire combien le combat mené par les organisations homosexuelles questionne notre paradigme sociétal et nécessite un réel débat, ne pouvant être circonscrit aux simples cercles d’influences des militantismes pro ou anti-gais. Car il reste un élément incontournable, qui semble avoir été oublié dans les diverses passions qui se sont emparées du sujet : il n’y a pas de rapports sexuels, pour reprendre le célèbre aphorisme de Lacan, et un homme ne sera jamais une femme. De même, un enfant sera toujours, quel qu’en soit le mode, le produit d’un rapport de sexes différents. Nous avons oublié que le désir d’enfant n’est pas (encore) un droit.

« Etre libre, disait Sartre, ce n’est pas faire ce que l’on veut, mais c’est vouloir ce que l’on peut. »


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