Il faut réaffirmer le caractère intolérable des actes racistes !

par Jurisconsult
mardi 28 novembre 2006

« Quand on brûle les livres, les écoles, les églises ou les synagogues, on finit toujours par brûler les hommes ». Ainsi Bertolt Brecht avait bien senti les ravages de la xénophobie, du racisme et de l’antisémitisme.

Le 27 octobre 2005, deux jeunes étaient électrocutés à Clichy-sous-Bois ; mais un technico-commercial était aussi battu à mort, devant sa femme et son enfant.

Incendie criminel d’un autobus, le 28 octobre à Marseille, dans lequel une jeune femme, Mama Galledou, a été gravement brûlée. Antoine Granomort, policier martiniquais en poste à la Police des transports de Paris a ouvert le feu une seule fois pour protéger un supporter français du club israélien, Yanniv Hazout, poursuivi par une centaine de fans du club parisien hurlant des injures racistes et antisémites. (Selon les premières constatations, c’est la même balle qui a tué Julien Quemener, âgé de vingt-cinq ans, atteint au coeur, après avoir blessé Mounir Bouchaer, vingt-six ans, dont le poumon a été transpercé. Ce dernier a été hospitalisé et sa vie n’est pas en danger.)

Ce ne sont que les derniers exemples en date d’actes qui se produisent, hélas, chaque mois en France.

Après une diminution notable ces derniers mois, notre pays connaît depuis deux ans une vague de violences racistes sans précédent depuis les heures les plus sombres de son histoire : lieux de culte incendiés, bus attaqués, personnes frappées ou insultées en raison de la couleur de leur peau, ou de leur religion. Très nombreux sont, en outre, les incidents moins graves qui n’ont trouvé aucun écho dans les médias, mais qui atteignent dans leur dignité ou dans leur chair ceux de nos citoyens qui en sont les objets.

Au-delà des souffrances des victimes, ces actes portent atteinte aux fondements mêmes de la République, qui garantit, aux termes de l’article premier de la Constitution, « le respect de toutes les croyances et l’égalité devant la loi sans distinction d’origine, de race ou de religion ». Agresser la communauté juive, c’est agresser la France, c’est agresser les valeurs de notre République, qui ne peuvent laisser place à l’antisémitisme, au racisme et à la xénophobie. Chacun a le droit à la liberté de conscience, à la liberté de culte, à la liberté de pensée. Chaque existence a droit à la différence.

De surcroît, ces actes ternissent l’image de la France dans le monde, alors même qu’ils ne sont le fait que d’une minorité qui ne se reconnaît pas dans les valeurs de la République. Il faut combattre avec vigueur ces comportements qui fragilisent la cohésion nationale et mettent en péril l’esprit républicain.

Ce combat passe d’abord par la reconquête des valeurs de tolérance, notamment au sein de l’école, qui ne doit plus être le champ clos d’un racisme quotidien. Il passe aussi par l’application du dispositif répressif actuel, notamment de la loi du 29 juillet 1881 sur la presse. Les autorités judiciaires doivent recevoir un signal fort pour mettre fin à leur conciliante passivité !

Ce n’est pas la même chose d’agresser quelqu’un pour lui voler son porte-monnaie ou de le faire à cause de sa couleur de peau, de sa religion ou de son origine. Dans le deuxième cas, on n’a plus affaire au délit économique d’une « petite frappe », mais bien à un acte qui agresse la nation tout entière, dans la mesure où il porte atteinte au principe même d’égalité, valeur essentielle de notre République.

Il est impératif de tracer une ligne jaune et d’adresser un message à la fois aux victimes de ces actes et à leurs auteurs.

Aux victimes d’abord, trop souvent ignorées. Face à la recrudescence, ces dernières années, des crimes et délits à caractère raciste, nombre de nos concitoyens, et parmi eux beaucoup de confession juive, se sentaient désespérés et se demandaient quand les hautes autorités de l’Etat allaient réagir. Ils attendaient, et ne voyaient rien venir. Je suis heureux et fier que la réponse qu’ils attendaient vienne de la représentation nationale. Quand on n’appartient pas soi-même à une communauté en butte à l’hostilité de certains, il est difficile de se rendre compte de l’atteinte que constitue une agression à caractère raciste.

Le message doit s’adresser aussi aux agresseurs. Quand on voit des excités d’extrême droite prendre prétexte d’un match de football pour se regrouper et attaquer des gens qu’ils considèrent comme leurs ennemis, quand on voit dans les tribunes du Parc des princes des bras se tendre d’une façon que l’on ne pensait plus revoir, quand surgissent sur nos murs des slogans tels que « Vive Hitler (ou Ben Laden) » ou « Mort aux juifs », on comprend la nécessité de ce message.

Mais il faudra aussi que ce message s’accompagne d’une lutte contre la ghettoïsation de nos quartiers et que les politiques publiques veillent à une meilleure répartition des logements sociaux et des populations d’origine étrangère.

Quand des jeunes juifs sont agressés, au nom de ce qui se passe au Proche-Orient, par des jeunes beurs, qui eux-mêmes se plaignent du racisme des blancs ou des noirs à leur endroit, quand on voit des groupuscules extrémistes juifs attaquer des beurs ou des noirs, quand on voit se former dans une ville une communauté complètement repliée sur elle-même - des Asiatiques par exemple, ou bien des Pakistanais ou des Hindous -, on comprend qu’il y a urgence.

Il faut lutter contre ce besoin qu’ont certains d’appartenir à un clan - forcément constitué contre d’autres - plutôt qu’à la nation française. Il faut permettre à tous ces jeunes des quartiers, qui constituent leur identité contre les autres plutôt que par eux-mêmes, de se sentir bien dans leur pays, de se sentir vraiment chez eux en France.

Notre pays doit se donner les moyens de passer de la coexistence groupe contre groupe à la cohabitation harmonieuse. Il faut apprendre à vivre ensemble et à construire ensemble le pays de demain !

Aujourd’hui les auteurs de violences racistes sont punis par les tribunaux, sans aucun laxisme. Même, nos magistrats sont plus sévères, je crois, avec celui qui a violenté une personne en raison de son appartenance à une communauté religieuse ou ethnique, qu’avec celui qui aura commis un acte identique pour voler un téléphone portable. Pour lutter efficacement contre le racisme, nous devons déclarer la guerre à l’ignorance. La haine de l’autre ne peut être enrayée que par la connaissance de l’autre. Il y a là un effort pédagogique de chaque jour, qui incombe à tous. A défaut, les dispositions législatives seraient de peu de portée.

De fait, la loi ne peut pas répondre à tous les maux de notre société. Au contraire, l’inflation législative se retourne contre la loi. On le sait, « trop de loi tue la loi ». Les lois contre le racisme existent. Peut-être faudrait-il commencer par les appliquer. Je pense à la loi Gayssot, et à tout l’arsenal législatif destiné à lutter contre ce fléau.

Ensuite, sachons reconnaître que les inégalités et les injustices sociales et territoriales donnent prise aux idéologies racistes les plus folles. La communautarisation alimente les clivages ethniques et religieux qui gangrènent la société et portent atteinte à la cohésion républicaine. Ce défi, il serait à notre honneur de le relever. Il faut, pour cela, réussir l’intégration sociale de tous en réduisant toutes les inégalités.

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