Industrie nucléaire : la saga d’un fiasco
par VICTOR Ayoli
mardi 23 février 2016
Heu-reux ! Heureux parce que ma facture d’électricité a baissé de façon drastique. Pas parce que le prix a baissé, non, mais parce que je ne sacrifie plus à cette aberration prônée pendant des décennies par EDF : se chauffer à l’électricité. Je suis un bon élève de la « transition énergétique » : je chauffe à l’aide d’un poêle à granulés de bois ! Chaleur douce et régulée, belle flamme, on jette les cendres une fois par saison de chauffe, et en plus chauffage totalement écololo : il ne rejette dans l’atmosphère que le gaz carbonique que les arbres lui ont pris !
Ben ouais, Victor. Mais ça n’arrange pas les affaires d’EDF un comportement pareil… EDF, c’est l’électricité avant tout nucléaire. Moderne ça Coco ! Pas comme tes bouts de bois transformés en granulés genre « totaliment ». Et ce n’est pas bon pour les comptes d’EDF, donc pour les bénefs des actionnaires c’est-à-dire monsieur L’État à plus de 84 % ! La valeur de l’action de ce qui fut l’un des plus beaux fleurons de l’industrie française s’enfonce dans un gouffre : elle a été divisée par 8,5 en moins de dix ans… Et ce n’est pas fini.
L’industrie nucléaire est une industrie du passé, du siècle dernier. Son avenir est derrière elle depuis longtemps déjà. Mais EDF, appuyé sur le puissant lobby nucléaire, n’a rien compris. Au niveau mondial, la production d’électricité nucléaire ralentit depuis l’orée de ce siècle. Les nouvelles centrales mises en service ne le sont qu’en remplacement des unités arrêtées pour obsolescence. Et la catastrophe de Fukushima n’a pas arrangé les choses, notamment au Japon et en Allemagne qui ont arrêté les frais (et les risques). Par contre l’électricité d’origine renouvelable est en expansion rapide partout dans le monde. Sauf en France. On a tout faux…
Tout faux parce que la consommation d’électricité n’augmente plus tant au niveau français qu’européen.
Tout faux parce que la loi de transition énergétique ambitionne de diviser par deux la consommation d’énergie d’ici 2050, et que l’énergie « électricité » ne restera évidemment pas à l’écart de cette baisse drastique.
Tout faux surtout pour les dirigeants d’EDF – en tête desquels Henri Proglio, son ancien président – qui prédisait une augmentation de la consommation électrique de 40 à 50 % d’ici 2025 ! Et donc que le passage figurant dans la loi de l’électricité nucléaire de 75 à 50 % n’entrainerait pas de fermeture de centrales nucléaire. Bonjour la compétence !
Tout faux parce qu’aucun pays européen ne programme d’augmenter son nombre de centrales nucléaires. L’Allemagne a arrêté les frais, la Grande-Bretagne se contente de remplacer ses trop vieilles centrales par deux EPR, et même la France limite son parc à son potentiel actuel.
Tout faux parce que la France est à la traine concernant les énergies électriques renouvelables telles l’éolien, le photovoltaïque, la biomasse, etc.
Et, cerise sur le gâteau nucléaire, la chute des prix du pétrole n’arrange pas les affaires des nucléocrates.
L’aveuglement tant des dirigeants d’EDF que d’AREVA – autre fleuron en faillite par l’impéritie de des dirigeants – et des gouvernements successifs, quel que soit leur bord politique est flagrant et reflète l’influence néfaste du lobby pro nucléaire à l’œuvre depuis des décennies. Leur crédo : la consommation d’électricité va augmenter, il faut donc anticiper cette augmentation ; le marché mondial ouvre un bel avenir à la technique nucléaire française qui est la première du monde Mouais…
Et ce fut donc l’aventure des EPR. Areva en vend un clé en mains à la Finlande et un autre à EDF à Flamanville. Fiasco sur toute la ligne. Ces deux prototypes multiplient les déboires techniques, les retards. Leur prix est multiplié par 4 et leur mise en ouvre sans cesse retardée. Aucun des deux ne fonctionne actuellement. Fonctionneront-ils d’ailleurs un jour ? Idem pour deux EPR construits en Chine. Quant à ceux soi-disant vendus aux Anglais, on en reparlera… Bref, un sacré bide !
Le pognon jeté dans l’EPR manque ailleurs, en notamment dans la maintenance du parc de centrales existantes, au risque de catastrophes incommensurables. La vétusté des installations fait que la disponibilité du parc est en baisse constante, d’autant plus que Fukushima est passé par là et que l’Autorité de Sûreté Nucléaire (ASN) impose à l’opérateur des mesures de mise aux nouvelles normes. C’est ce qu’ils appellent le « grand carénage », opération de rénovation dont la facture oscille de 55 milliards (selon les « organisateurs », EDF) à 100 milliards (selon « la police », la Cour des comptes). Ceci dans le but hypothétique de prolonger l’utilisation des centrales de 10 ans supplémentaires. Hypothétique parce que ces travaux excluent les éléments essentiels : la cuve et l’enceinte de confinement qui ne sont en aucune manière remplaçables. Bonjour les risques…
Et combien coûtera le démantèlement des centrales ? Démantèlement que les techniciens nucléaire sont incapables de mener à bien (voir Brénilis).
Enfin, quid du stockage des déchets, le site d’enfouissement de Bure étant loin d’être opérationnel ?
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