Inflation de génération : drôle d’héritage que nous laissons

par Carreau G
mardi 22 février 2011

L’actualité est souvent brulante et sa flamme est si intense que l’on ne regarde pas les cendres ou la fumée qui s’en échappe.

Quand l’actualité explose, comme c’est le cas à notre époque, grâce aux multiples sources d’informations qui nous bombardent tant et plus, on ne prend pas le temps de s’attarder sur des sujets qui sont repris uniquement quand on n’a rien à dire aux 20 H.

Alors prenons quelques lignes et à peine plus de quelques minutes de lecture pour s’attarder sur la situation de notre jeunesse.

On en entend parler  comme de la génération gâchée, perdue, précaire, oubliée, sacrifiée, mais au-delà des mots il y a beaucoup plus. Pour la génération « mai 68 », tout était possible, la France était comme un matériau brut dont il fallait se saisir pour en faire un idéal. Une utopie. Il s’agissait du temps de l’espoir, car peu importe ce que l’on voulait, c’était « possible ».

Aujourd’hui, la plupart des moins de 30 ans désespèrent. Le 21ème siècle nous a fait voir les crises : financière, du logement, sociale, pétrolière, économique, environnementale, sanitaire, de la famille : peut-on vraiment parler de La Crise comme d’une entité unique ? Nous sommes un des pays les plus déprimés au monde, en partie dû à l’état de notre jeunesse ; n’y a-t-il comme seule coupable que La Crise ?

 

Parcours différent - regard croisé

Le parcours « classique », il y a encore 60 ans consistait à faire des études, mais pas trop, à quoi bon ? Ensuite, on trouvait un premier emploi, qui nous conduisait au second, jusqu’à une entreprise où il semblait agréable de faire carrière. Entre temps, que l’on soit ouvrier ou cadre, on se mariait, fondait une famille, on achetait son logement, une ou plusieurs voitures et on pouvait partir en vacances sans que le budget le plus important que l’on pouvait s’accorder soit l’essence… un seul membre du couple pouvait travailler pour que la famille ait accès à ces items.

Le parcours lambda qu’a eu un trentenaire aujourd’hui, est plus complexe. Il a fait des études, longues en général, tout en ne pouvant prétendre qu’à un sous-emploi, au mieux, en sortant. Il a fait ses études en travaillant éventuellement à coté, car ni les bourses ni ses parents ne pouvaient l’aider, et un crédit serait trop incertain à rembourser. Ensuite il a enchainé les stages, avec des conditions de travail souvent proche de l’esclavage. Puis frappe une première fois le spectre du chômage. Après quelque temps, il trouve un emploi, précaire évidement (CAE, Intérim, CDD de Mission, CDD d’usage, CUI, Emploi jeune, service civile volontaire, service civique volontaire, …). Puis de nouveau le chômage, cet emploi n’ayant rien apporté dans la durée malgré toutes les promesses faites à la signature du contrat.

Après de nombreux essais / erreurs, il parviendra enfin à un premier emploi stable (en moyenne obtenu à 28 ans). Cet emploi sera stable certes, mais sans perspective, sans opportunité future (a priori) et avec l’épée de Damoclès permanente du licenciement où il faudra de nouveau être mobile, disponible, diplômé, sans exigence pour avoir une chance de trouver quelque chose.

Le plus dur est cette conscience que l’avenir à de forte chance d’être pire :

- Cotiser pour une retraite pendant 42 ans (en ayant commencé à travailler à 22 ans) sans pour autant croire que l’on y aura réellement droit.

- Ne pas pouvoir acheter son logement car c’est bien trop cher, et il faut être mobile pour retrouver un travail

- 1 chance sur 3 de divorcer. Encore plus si l’on travaille dans le social ou si on habite la région parisienne.

- 

 

Un déficit d’image ?

Ce jeune que l’on dit feignant et sans bonne volonté, aura perdu espoir après espoir avant même d’intégrer la vie active. « Je pensais que mes stages me permettraient de faire valoir mon expérience », « on m’avait dit qu’avec ce diplôme c’est l’emploi direct en sortant ! C’est pour ça que j’ai pris un crédit », « à l’école on n’apprend rien, voilà ce que m’a dit mon manager quand j’ai fait valoir mon diplôme pour monter en grade », voilà quelques exemples de ce que l’on peut entendre, si on prend le temps d’écouter les jeunes d’aujourd’hui.

 

Quelques repères

En regardant les informations, on entend les chroniqueurs et journalistes nous débiter sans cesse les mêmes rengaines et les mêmes statistiques. Untel est plus apprécié qu’un autre en politique ou à plus de chance d’être élu. cela doit être extrêmement utile et important de savoir cela pour se sentir informé et capable de prendre la parole dans les diners mondains.

Nous entendons tant et plus ces refrains, qu’au final on en oublie de se renseigner, de s’informer par soit même ! Et de rechercher, qui sait, parfois une information de fond qui est parfaitement ignoré, au grand plaisir de nos politiques.

Voilà quelques exemples de perles, accessibles à qui a : un ordinateur, internet et un doigt pour taper sur un clavier :

· En 1991, 10% des 20/24 ans travaillaient en même temps que leurs études. En 2010, 25%. Les bourses sont donc très utiles et gages d’égalité des chances comme nous le répète le ministre de l’éducation nationale ! (sources : Insee, enquêtes Emploi) 

· En 1974, moins de 5% des moins de 26 ans étaient dans un emploi précaire, en 2009, ils sont plus de 25%. Quel beau démarrage dans la vie pour les jeunes. (Source : Insee, enquêtes Emploi).

· Le salaire moyen d’un jeune sorti depuis 1 à 4 ans de formation initiale est de 1339 euros (brut bien sur). Après être sorti depuis 11 ans de formation, il pourra espérer toucher 1500 euros (brut toujours) soit 12% d’augmentation… voilà qui offre de belles perspectives d’avenir, n’est ce pas ? (Sources : Insee, enquêtes Emploi).

· 59% des jeunes sortis du système scolaire auront comme premier emploi un emploi précaire (CDD, Intérim, Contrat aidé). C’est sans doute fait exprès pour leur donner envie de s’investir dans une entreprise, d’y croire. (Sources enquête Cereq, jeunes sortis en 2001)

· 1/5 des jeunes sans qualification ont, au minimum, un an de chômage en continu dans l’année qui suit leur sortie de formation initiale et quand même 6% des jeunes avec un diplôme supérieur au bac +2. (Source : Insee, enquêtes Emploi).

· Les moins de 25 ans dépensent 32.1% de leur budget brut pour leur logement contre seulement 5.3% de leur budget brut pour les 60 ans et plus. C’est vrai que ça justifie que le ballet électoral se fasse en direction des plus de 60 ans. Source Insee enquête Logement (données de 2006)

· Le poids du logement dans le budget des locataires a augmenté de 30% entre 1984 et 2005, sans pour autant que les salaires augmentent d’autant (Insee : enquêtes Budget des familles, 1985, 1989, 1995, 2001, 2006)

Et ce ne sont que quelques exemples, essentiellement centrés sur l’emploi car, comme le disait notre président, l’emploi est sa priorité ! Je n’ose m’interroger de ce qu’il advient d’un « dossier » quand il n’est pas sa priorité…

 

S’indigner ?!

Stéphane Hessel s’indigne. Les jeunes aussi. Ils sont même consternés, atterrés, stupéfiés par le monde que leurs parents et leurs grands parents leurs laissent. Au rythme où cela avance quel monde ils laisseront, eux, à leurs enfants ?

Posez vous la question, auriez vous aimé : naitre, grandir, être éduqué, chercher un travail, puis vieillir dans le monde tel qu’il est aujourd’hui ? Ou bien pensez vous que les conditions d’existence étaient plus agréables il y a une cinquantaine d’année ? Si « c’était mieux avant », alors la question à se poser est : qu’est ce que nous pourrions faire pour que ça change ?

Il serait grave d’assister à une sorte de guerre froide des générations où chacun voudrait tirer la couverture pour lui, au détriment de l’autre. Cet autre qui la plupart du temps n’est qu’un anonyme. C’est plus facile.


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