Insécurité : les choses qu’on vous cache

par Phileas
mercredi 4 août 2010

Je sors de la douche. J’écoute la radio et tombe sur Luc Chatel. Pour un peu, j’aurais cru entendre le nouveau porte-parole du gouvernement. C’est normal, le journaliste qui remplace Apathie l’entretien sur le marronnier estival : l’insécurité.

Pour ceux qui ne savent pas ce que signifie un marronnier en terme journalistique, il s’agit des dossiers ou articles redondants, que nous ressortent une fois par an les magazines hebdomadaires d’information. Une fois passée : le festival de Cannes, Rolland Garros et le Tour de France.

Si si …vous en avez forcément lu : la Franc-maçonnerie ; le prix de l’immobilier chez vous ; les adolescents et leur mode vestimentaire ; vos impôts en 2010 ; Immigration : ce qu’on vous cache.. etc… C’est le truc qu’on fait semblant de lire à la plage et qui vous tombe des mains à peine arrivé à la fin du premier paragraphe.

C’est pratique lorsque l’actualité n’est pas épaisse. Le lecteur à l’air intelligent de lire l’actu à la plage et le magazine fait son beurre.

D’ailleurs de nombreux bloggeurs font la même chose. J’en connais. Eux-mêmes s’adonnent au couplet irrésistible de l’insécurité. Le thème est très tendance. C’est super simple et ça maintient leur blog haut placé dans les moteurs de recherche. 

Il suffit de lire le Parisien en ligne et hop , on y trouve matière : la petite vieille agressée ; la dingue qui trucide ses huit enfants et les enterre dans son jardin tandis que son mari n’y voit que goutte ; le vieux séquestré dans son garage par l’ancienne gouvernante devenue un temps sa maîtresse ; le suicidé au gaz qui fait exploser son quartier ; le mec qu’on a poussé sur sous une rame du RER ; le type qui se défenestre avec sa môme ; un conflit entre deux quidams qui finit par un coup de couteau et un remorquage spectaculaire en hélicoptère du blessé et.. tenez-vous bien, tout ceci se passe en plein cœur de la capitale !! ; un braqueur qui vise le ventre d’une femme enceinte ; la baigneuse violée sur la plage ; l’agression de deux flics dans le Sud et d’une infirmière psychiatrique dans le Nord ; les braquages successifs d’un même bureau de tabac en six mois ; le type excédé par les pétards qui tue un môme ; le gros chien de merde qui bouffe le bras d’un bébé. C’est année, on a même eu droit aux deux Bonnes Sœurs expulsées par leur congrégation, d’une maison qu’elles occupaient depuis 40 ans.

A ce moment-là, il faut vous IN-DI-GNER ; c’est super important. Sinon, vous n’êtes pas crédible et on aura tôt fait de vous prendre pour un humoriste. Ecrivez quelque chose d’assez simpliste. Utilisez la règle d’M6 : pas plus de 300 mots des plus fréquents. Exclamez-vous : « Mais où va le monde ? » « Que fait la police ? » Dénoncez la clémence des juges. Evoquez Mai 68. Laissez entendre que les assistantes sociales sont toutes gauchistes.

Accolez-y les termes de racaille, de voisinage bruyant, les adjectifs de laxiste, d’angoisse, de criminalité. Demandez-vous pourquoi on relâche cette racaille pourrie ? Énoncez des thèses et exprimez des poncifs. Parlez d’insécurité. Dites qu’il n’y a plus de respect. Argumentez en citant quelques chiffres que personne n’ira vérifier et qui démontrent, preuve à l’appui, que nos prisons sont peuplées par des populations d’origine maghrébine. Appuyez-vous sur Zemmour et Finkielkraut qui auront toujours une longueur d’avance sur vous. Faites de jolies associations : Islam-Racaille, France-Poubelle, Equipe de Football-Africain.

Trouvez un tritre raccoleur : Insécurité : les choses qu’on vous cache.

Et si vous êtes très en forme, mais seulement si vous êtes très, très en forme : terminez en balançant une vidéo d’Alain Soral. D’abord votre lecteur appréciera cette petite pose visuelle après une éprouvante lecture, tandis que vous lui démontrerez, en toute simplicité et sans tabou, que vous n’êtes pas ennemi de thèses plus extrémistes que les vôtres. Que vous savez leur tendre l’oreille en laissant croire, de façon toute subliminale, qu’elles sont quelques fois porteuses d’autres choses que de quelques conneries crasses.

Et là, vous aurez réussi à pondre votre billet du jour qui tiendra sur une page. Il sera alors temps pour vous, d’aller aux toilettes.


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