Jamais sans Toit

par olivier cabanel
mercredi 24 mars 2010

Qu’ils soient sans abri, ou dans des logements précaires, parfois 5 dans 20m2, parfois visités par les rats, des millions de personnes sont mal, ou pas du tout logés.
C’est comme si, par exemple, tous les Marseillais étaient privés de logement.
Les mal logés représentent 20% des français, soit 3 millions dont 200 000 sont sans logis, 200 000 mal logés, dans des appartements sans fenêtre, avec parfois des rats, ou qui dorment dans leur voiture, et 2 600 000 qui demandent depuis dix ans un logement social, et qui n’ont pas de réponse.
Cette année, seulement 300 000 logements ont été construits en 2009, c’est très peu et c’est 18% de moins qu’en 2008.
Trois intervenants s’exprimaient le 21 mars 2010 sur les ondes de France culture, dans l’émission « vivre sa ville »
Outre Roger Fauroux, ancien ministre, étaient invités Serge Inserti (Président de la confédération nationale du logement) et Vincent Renard (Directeur de recherche au CNRS).
Ils commentaient un livre récent « en finir avec le mal logement » (éditions du cerf).
Certaines interventions étaient discutables car parfois assez éloignées de la réalité, comme par exemple lorsqu’était évoqué 53 sans abri morts de froid cet hiver, la réalité étant de 385.lien
Ensuite parce que pour Fauroux : «  s’il n’y a pas assez de logements, c’est la faute des maires  ».
Etonnant qu’il n’incrimine pas un seul instant le gouvernement, lequel devrait logiquement demander aux préfets d’appliquer la loi, et qui ne le fait pas.
Mais, lorsque l’on apprend que le même Fauroux, chargé de dresser un bilan de la première année de la présidence de Nicolas Sarkozy, déclarait benoitement en 2008 que les réformes « allaient dans le bon sens », on peut s’interroger sur l’objectivité de l’ancien ministre. lien
Personne n’a oublié la belle promesse faite en 2006 par Sarkozy : « je veux, si je suis élu président de la République, que d’ici à deux ans plus personne ne soit obligé de dormir sur le trottoir et d’y mourir de froid ». lien
Pourtant des lois existent, mais elles ne sont pas appliquées, comme par exemple la loi SRU (solidarité renouvellement urbain). lien
C’est cette loi qui oblige, entre autres, les municipalités à construire 20% de logement sociaux.
A Neuilly, ville dont Sarkozy a été maire, on en est loin : 3,2%. lien et l’on pourrait citer aussi la Côte d’Azur qui échappe aux sanctions par des tripatouillages. lien.
Alors pour éviter des sanctions (152 € par logement social manquant) à ces villes peu citoyennes, Christine Boutin a eu l’idée d’assouplir la loi, en faisant rentrer dans les 20% l’accession à la propriété. lien
Mais il y a aussi la loi DALO : 600 000 citoyens potentiels y ont droit, mais devant les difficultés administratives, seulement le quart des dossiers a été déposé, pour 10 000 effectivement résolus.
Il y a mieux.
Le 11 octobre 1945, le Conseil National de la Résistance avait décrété une loi sur la réquisition des logements.
Celle-ci a été reprise dans le Code de la construction et de l’habitation. (Art L641-1).
Elle est toujours en vigueur mais n’est pas appliquée.
Pourtant elle stipule que : « le Préfet du département, sur proposition du service municipal du logement et après avis du maire peut procéder par voie de réquisition, pour une durée maximum de un an, renouvelable, a la prise de possession partielle ou totale des locaux à usage d’habitation vacants, inoccupés, ou insuffisamment occupés pour les attribuer à des mal logés » lien
A Paris, on estime qu’il y a 500 000 appartements vacants, dont une grande partie appartient à d’importantes sociétés.
Ce n’est pas un problème de foncier, s’il faut en croire le nombre de grues en action dans la capitale, mais on construit du privé, pas du social.
Comme le dit Serge Inserti, « La trêve hivernale vient de s’achever, le 15 mars, et les expulsables sont menacés. Le million de chômeurs en fin de droits va vraisemblablement gonfler le nombre des mal logées ou sans abri. Ils vont tous se retrouver à la rue, avec femmes et enfants. Ils étaient 40 000 l’an dernier ».
Il ajoute : les loyers du privé stagnent, mais ceux des HLM augmentent » lien
Serge Inserti affirme :« c’est du au désengagement de l’Etat qui pousse les organismes à aller chercher de l’argent dans la poche des locataires HLM pour financer les travaux de réhabilitation ».
Si l’état ne fait pas expulser par la force publique, il sera obligé de payer le propriétaire.
Il a donc décidé de ne plus payer, ou de moins payer.
Pour noircir le tableau, Benoit Apparut nouveau ministre du logement constate : « aujourd’hui on construit davantage en Auvergne qu’à Paris, on construit partout, mais pas là où il faut ».
Les Français pourraient se demander : qu’est-ce qu’il attend pour agir ?
Certains pourtant ont tout compris, et il faut découvrir à tout prix le témoignage fort de ce SDF dans cette vidéo de Hédi Dhaouadi, « Paroles de S.D.F ».
Extraits : « aujourd’hui, on gave l’homme pour pas qu’il pense, alors on devient de petits esprits, on est beaux, on est respectables, on est citoyens, on est « bleu blanc rouge »(…) ils nous font monter dans les étoiles, alors on cultive plus le jardin(…) maintenant tout est sous vide, tout emballé, bien sur en province y a encore des grands-mères qui font pousser des légumes et qui en amènent à leurs enfants restés à Paris, mais tout çà un jour on te le fera payer, comme on fait payer le regard aux sdf quand ils demandent une petite pièce  » et celui qui s’exprime conclut par ces mots : « Il faut faire une armée d’humour et d’amour avec les enfants » .
 
Alors comme disait mon vieil ami africain :
« Dors affamé, mais ne dors pas avec la honte ».
 

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